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À Baïkonour, le tourisme spatial en plein essor


Le cosmodrome de Baïkonour, au Kazakhstan, attire un public venu de toute la Russie. Emblème du «tourisme patriotique» destiné aux milieux aisés, c’est l’un des derniers endroits où la collaboration entre Russie et Occident se poursuit.

Un «rêve» pour Evguénia Degtiarnikova. Au milieu d’une foule de plusieurs centaines de personnes, elle admire les imposants réacteurs d’un lanceur Soyouz sorti de son hangar avant son lancement sur le cosmodrome russe de Baïkonour. Au milieu des steppes, le pas de tir, loué par la Russie au Kazakhstan, a vu ces dernières années une hausse du nombre de visiteurs russes prêts à payer une coquette somme pour ressentir les frissons d’un décollage de fusée. «Hélas, mon mari n’a pas pu venir, mais je réalise son rêve et le mien», dit Evguénia Degtiarnikova, 35 ans, venue de Tioumen, en Sibérie. «C’est un endroit que chacun devrait voir. Quitte à ne pas aller dans l’espace, il faut au moins voir comment ça se passe», estime la jeune femme à la coiffure faite de longues tresses teintes en rouge.

Le cosmodrome, situé au milieu de nulle part dans le sud du Kazakhstan, est accessible après un trajet de plusieurs milliers de kilomètres par avion ou par la route. Pour réaliser son rêve, Evguénia Degtiarnikova, propriétaire d’un parc d’attractions, dit avoir déboursé 200 000 roubles (près de 2 000 euros), une somme considérable pour la plupart des foyers russes.

Avant l’assaut russe contre l’Ukraine, des touristes occidentaux venaient également jusqu’à Baïkonour assister aux lancements, mais désormais les portes du cosmodrome leur sont fermées. Le secteur spatial reste pourtant l’un des derniers où une collaboration se poursuit : une fusée Soyouz avec un équipage russo-américain s’est envolée vendredi soir, heure locale, pour la Station spatiale internationale (ISS).

Quitte à ne pas aller dans l’espace, il faut au moins voir comment ça se passe

«On a seulement des touristes de la CEI», une organisation rassemblant d’ex-républiques soviétiques, constate Fateïeva Maria, 28 ans, guide professionnelle à Baïkonour. «C’est à cause, bien sûr, de la situation politique. Roscosmos (NDLR : l’agence spatiale russe) ne laisse pas entrer d’autres touristes», poursuit-elle. La guide regrette de telles restrictions, estimant que le «cosmos» devrait être hors des querelles politiques. «C’est la collaboration de beaucoup d’États», souligne-t-elle.

En attendant, les guides locaux constatent une forte hausse du nombre de touristes russes, qui saturent les hôtels, restaurants et infrastructures de Baïkonour. Une croissance qui a débuté avec la pandémie de covid, qui avait poussé de nombreux Russes à privilégier des destinations en ex-URSS, mais aussi par la promotion par le Kremlin du tourisme «patriotique» depuis les sanctions occidentales contre Moscou.

Nikolaï Silioukov, un professeur d’aéromodélisme de 25 ans, est arrivé à Baïkonour en provenance de Sotchi, riche cité balnéaire russe sur les bords de la mer Noire. Il accompagne un groupe d’élèves d’une école privilégiée. «On a acheté le programme complet : hier on était au musée, dans la maison de Iouri Gagarine (NDLR : le premier homme à être allé dans l’espace, le 12 avril 1961) et celle de Sergueï Korolev (NDLR : fondateur du programme spécial soviétique)», raconte l’enseignant. «On est inspiré par cet évènement historique», dit-il, en évoquant le lancement de vendredi. Son groupe s’est préparé pour réussir les photos souvenirs avec, en arrière-plan, les immenses colonnes de fumée produites par les réacteurs.

Le guide Evguéni Zadoïa, 44 ans, venu de Saint-Pétersbourg, explique pour sa part accompagner treize touristes pour qui des Porsche ont spécialement été affrétées jusqu’à Baïkonour. «En termes de niveau de vie et de richesse, c’est au-dessus des moyens de la classe moyenne», euphémise le guide, précisant seulement que «tout cela coûte très cher».

L’astronaute américaine Loral O’Hara, qui part pour l’espace, dit ne pas être déçue de l’absence de touristes occidentaux, car les proches des équipages, toutes nationalités confondues, sont toujours conviés aux lancements. «On est entouré de plein de bonnes personnes. J’ai la chance d’avoir ma famille dans l’assistance, c’est vraiment particulier et génial qu’ils soient là pour mon départ», a-t-elle déclaré en conférence de presse, à la veille de son départ pour l’ISS. Son collègue, le cosmonaute russe Oleg Kononenko, note, lui, que ce serait juste «cool» que les «cosmodromes du monde entier soient accessible à tous», tout en précisant aussi que, pour les équipages, l’essentiel reste que «nos familles et nos amis» soient là.

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