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Un lieu, une histoire : la mosaïque de Vichten


Les archéologues, emmenés par Jean Krier, directeur du musée national, aujourd'hui retraité, débutent les fouilles au printemps 1995 et ce qu'ils découvrent au fil de leurs travaux de déblaiement dépasse toutes leurs espérances. (Photo MNHA-CNRA)

On connaît surtout la mosaïque qui recouvrait la pièce centrale de la villa découverte en 1995. Mais la mosaïque de Vichten, appartenant à un agriculteur qui voulait la cacher, c’est toute une histoire !

Cela faisait déjà quatre ans que l’agriculteur creusait. Il ne cherchait pas un trésor, il effectuait des travaux de terrassement pour construire une nouvelle étable. Et puis, un jour de printemps en 1994, alors qu’il était toujours en travaux dans sa ferme de Vichten, autour de l’étable, sa pelleteuse a buté sur un morceau de mosaïque. Il s’est bien gardé d’en faire la publicité, car il savait que cette découverte marquerait pour lui le début de gros ennuis. Il a eu tort.

Ce qui se trouve alors sous sa parcelle est un trésor inestimable. Si un ouvrier agricole n’avait pas contacté anonymement le musée national à la fin de l’année 1994, cette mosaïque et la villa romaine dans laquelle elle se trouvait n’auraient jamais été mises au jour. L’agriculteur, de par la loi, avait pourtant obligation de signaler sa découverte. Il avait préféré l’ignorer, comme il l’avait fait d’ailleurs pour le reste de la villa. Les travaux de terrassement précédemment menés avaient déjà saccagé une partie importante de l’édifice romain.

Les archéologues, emmenés par Jean Krier, directeur du musée national, aujourd’hui retraité, débutent les fouilles au printemps 1995 et ce qu’ils découvrent au fil de leurs travaux de déblaiement dépasse toutes leurs espérances. Jour après jour, la mosaïque se révéla, magnifique et quasiment intacte, représentant les neuf muses, dont Calliope au cœur du l’œuvre en compagnie d’Homère, le prince des poètes.

La fouille «d’urgence» a duré quatre mois et demi, du mois de mars à juillet 1995. Le musée national d’Histoire et d’Art n’a pu avoir accès qu’à une partie minime seulement des vestiges conservés pour les fouiller d’une manière méthodique. Mais les archéologues ont réussi à dégager, dans la salle de réception centrale de la villa enfouie, d’une taille de 10, 20 x 5,90 mètres, la somptueuse mosaïque polychrome qui a finalement trouvé sa place au MNHA.

La mosaïque de Vichten, exposée au MNHA, est mondialement connue. (Photo Hervé Montaigu) Hervé Montaigu

La mosaïque de Vichten, exposée au MNHA, est mondialement connue. (Photo Hervé Montaigu)
Hervé Montaigu

Il fallait une surface de 100 m², avec la possibilité de placer un balcon tout autour pour bien la visionner. Avant de trouver son écrin, la mosaïque a été découpée et minutieusement transportée au musée de Trèves pour y être restaurée pierre par pierre, c’est-à-dire des dizaines de milliers de morceaux de pierre naturelle, du marbre, du schiste, du quartz, de la céramique, du calcaire et du grès. Une copie a été réalisée, visible à Vichten.

Et Vichten devint célèbre

Sous l’étable et les terrains de l’agriculteur se trouve donc toujours aujourd’hui l’une des plus importantes villas jamais découvertes au Grand-Duché et qui plus est, dans un excellent état de conservation. Les experts expliquaient que dès la fin de l’Antiquité, «les ruines de la villa ont été progressivement recouvertes par du matériel érodé du plateau et des pentes, de sorte à recouvrir les restes du palais sous d’importantes couches de terre».

Sous la mosaïque, la pièce centrale était traversée en longueur par un aqueduc souterrain, conservé et accessible sur une longueur de 40 m qui constitue à lui seul un monument historique national «extraordinaire», selon un rapport des archéologues. Il s’agit de préserver le site.

Le MNHA n'a pu avoir accès qu'à une partie minime seulement des vestiges conservés. (Photo MNHA-CNRA)

Le MNHA n’a pu avoir accès qu’à une partie minime seulement des vestiges conservés. (Photo MNHA-CNRA)

Du jour au lendemain, Vichten devint célèbre pour sa mosaïque. Le public affluait tandis que l’agriculteur pestait, même s’il a su tirer profit de cette découverte. Il demeure le propriétaire de ce trésor d’après la loi et l’État devra le dédommager. Il touchera près de 700 000 euros pour la mosaïque après une bataille judiciaire. D’autres débats suivront devant les tribunaux autour de cette découverte.

Par un arrêté du 20 février 2002, le ministre de la Culture décida d’inscrire à l’inventaire supplémentaire des sites et monuments nationaux les vestiges de la villa romaine se trouvant sur les terrains de l’agriculteur, dont une partie sous l’étable. Tout ce qui se trouve dans un rayon de 50 mètres à partir de l’emplacement de la mosaïque est classé monument historique. Pour l’agriculteur, cela signifie qu’il a l’obligation légale de ne procéder à aucune modification des terrains inscrits, sans avoir, 30 jours auparavant, informé par écrit le ministre de la Culture d’un projet de modifications et d’indiquer les travaux à effectuer qui, s’ils sont autorisés, s’exécutent sous la surveillance du service des Sites et Monuments nationaux. L’agriculteur a tenté de faire annuler cet arrêté, mais la justice a confirmé l’importance archéologique et historique des vestiges de la villa romaine établie par l’avis de la commission des Sites et Monuments nationaux en 2001.

Les juges ont également conclu que le site où se trouvent les vestiges de la villa romaine «mérite une protection appropriée afin d’éviter toute destruction ou atteinte supplémentaires à celles qui ont déjà été commises».

Récemment, l’agriculteur a déposé une demande pour construire un nouveau réservoir de stockage de purin à la suite d’une nouvelle directive européenne. Il a présenté les plans d’un réservoir hors-sol ayant le minimum d’impact sur le sous-sol classé. Le réservoir devrait être installé sur l’aile orientale de la villa romaine. Le Centre national de recherche archéologique (CNRA) a proposé dans la commission qu’un nouveau plan alternatif de construction hors-sol lui soit soumis, pour que l’impact éventuel de piliers de soutènement puisse être étudié par des fouilles.

Cette découverte de 1995 aura en tout cas révélé la nécessité de se doter d’une législation forte concernant le patrimoine historique et sa conservation. Le projet de loi est encore dans les tuyaux.

Geneviève Montaigu

2 plusieurs commentaires

  1. Tout simplement incroyable ! Incroyable ce trésor sous terre ! Incroyable l’attitude de l’agriculteur !

  2. Fabuleux. Le type tente de détruire le bien commun et on le récompense avec 700 000 euros en cash.
    Si je vais décrocher la Gelle Frä, je touche combien ?

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