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Ce jour terrible qui a bouleversé le Pfaffenthal


Maisons éventrées, ruines fumantes... Le Pfaffenthal a alors tout de la ville sortant d'un siège dévastateur. (Photos archives Tageblatt)

Il y a 40 ans, le 30 mai 1976, le Pfaffenthal vivait un des plus terribles évènements de son histoire. Une explosion accidentelle détruisait 17 maisons, tuait 3 personnes et en blessait 25 autres.

À l’origine porte d’entrée de Luxembourg, le Pfaffenthal a été un point de passage obligé pour celui qui se rendait au Marché-aux-Poissons. La route passant par la côte d’Eich n’existait pas encore. Quartier à l’ambiance plutôt bohème jusqu’au démantèlement de la forteresse (en 1867), le départ de la garnison lui fait beaucoup de mal. Plus personne n’y passe et le coin se déprécie nettement, les taudis squattés par des indigents se multiplient, notamment dans la rue Saint-Mathieu.

Puisque s’y loger est bon marché, le Pfaffenthal devient le quartier des nouveaux arrivants, particulièrement des immigrés. « La composition sociale change à ce moment-là et l’esprit de ce village qui a compté jusqu’à 16 cafés se perd petit à petit », commente Jean-André Stammet, le président du Syndicat d’intérêts locaux Pfaffenthal-Siechenhof (SILPS). Si la rive droite de l’Alzette reste bourgeoise, la rive gauche – et notamment le Béinchen – est réservée de fait par le petit peuple.

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La catastrophe survient dix ans tous ronds après que le pont Grande-Duchesse-Charlotte – qui surplombe le quartier – a été inauguré.

Ce 30 mai 1976, c’est la fatalité qu’il faut accabler. Un chauffeur-livreur vient transvaser 10 000 litres de carburant dans un réservoir. Mais il se trompe d’orifice et déverse sa cargaison dans une canalisation. Le carburant file en contrebas, dans la vallée malfamée. L’inévitable se produit lorsque le compresseur d’un réfrigérateur se met en route. L’étincelle enflamme les vapeurs et le fioul, une première explosion ébranle le quartier autour de 22h. Rue du Pont, un bâtiment explose et prend feu. Vingt minutes plus tard, les pompiers arrivent sur place. Une deuxième déflagration, encore plus puissante, fait voler un soldat du feu à plusieurs mètres dans les airs.

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C’est tout le pâté de maisons du Béinchen, autour de la rue Laurent-Ménager et de la rue Mohrfels, qui est touché. Le Tageblatt du 1er juin 1976 titre : «Le pire malheur depuis la guerre». Les photos du désastre sont effarantes. Maisons éventrées, ruines fumantes… Le Pfaffenthal a tout de la ville sortant d’un siège dévastateur.

Le bilan est lourd. Trois personnes sont décédées : le Luxembourgeois Emile Mauer (37 ans) ainsi qu’une mère portugaise et son fils, Maria Da Conceiçao Antunes (36 ans) et Nuno Duarte Antunes Ramos (6 ans). Vingt-cinq personnes sont blessées, dont deux gravement. Dix-sept maisons sont détruites, plus d’une centaine de personnes doivent être relogées, notamment dans l’auberge de jeunesse toute proche. Le Tageblatt d’alors relève tout de même une heureuse anecdote, une petite fille de 5 ans a été sortie vivante des décombres sept heures après l’explosion.

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La face du quartier bouleversée

Finalement, c’est tout le Béinchen qu’il faut raser. « Une autre conséquence de l’explosion sera une nouvelle recomposition sociale du quartier, assure Jean-André Stammet. Elle a détruit son tissu sociologique. » La Ville construit des logements sociaux sur les décombres, elle y loge donc des personnes qui répondent à ses critères. Ce sont souvent des employés et des ouvriers communaux. Le standing du quartier monte, son esprit s’étiole inéluctablement. « Mais au moins, avec l’explosion, l’insalubrité du Pfaffenthal a été endiguée… », soupire le président du syndicat, attristé qu’il ait fallu attendre une catastrophe pour que les autorités y portent de l’intérêt.

Moribond jusqu’ici, le quartier reprend aujourd’hui du poil de la bête. « L’arrivée de l’ascenseur qui va relier le Pfaffenthal à la Ville- Haute et de l’arrêt Pfaffenthal-pont rouge qui permettra de rejoindre le Kirchberg par le funiculaire va permettre au quartier de retrouver son ancien statut de porte d’entrée dans la Ville », se réjouit Jean-André Stammet.

À coup sûr, son attractivité va grimper en flèche et de là, un nouveau danger guette. « Il faut éviter une gentrification (NDLR : embourgeoisement) qui n’a pas encore vraiment sévi jusqu’ici , milite-t-il. La chance du Pfaffenthal, c’est de compter un grand nombre de logements sociaux. Si la Ville et l’État ne cèdent pas leurs biens, la mixité sociale restera encore possible. » En souvenir des victimes de l’explosion, qui n’ont pas vraiment vu passer l’ascenseur social, il espère que sa volonté ne soit pas un vœu pieu.

Erwan Nonet

Hommage aux victimes ce mercredi

Le Syndicat d’intérêts locaux Pfaffenthal-Siechenhof a souhaité marquer le coup, pour le quarantième anniversaire de l’explosion. Mais pas question de tomber dans le pathos, la cérémonie sera courte, elle ne devrait pas excéder les 20 minutes.

À 17h, un rassemblement aura lieu devant l’église du Pfaffenthal. Un cortège, mené par les pompiers, rejoindra le Béinchen, lieu de l’explosion. Une sonnerie aux morts retentira avant les discours des officiels, dont celui la bourgmestre Lydie Polfer.

Des couronnes seront enfin déposées sous la plaque commémorant les victimes de ce triste 30 mai 1976.

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