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Agriculture bio : le prix à payer pour la qualité


L’exploitant de la ferme Willy Noesen (au c.) présente sa récolte de radis à Romain Schneider (à g.) et au Grand-Duc Henri (à d.). (Photo : jean-christophe verhaegen/sip)

ALTRIER Le Grand-Duc Henri et le ministre de l’Agriculture, Romain Schneider, ont visité vendredi l’exploitation maraîchère biologique Bio-Gäertnerei op der Schanz. L’occasion d’en apprendre plus sur les méthodes de travail et les difficultés du secteur.

Les fruits et légumes produits par la Bio-Gäertnerei op der Schanz sont redistribués dans les magasins Cactus et Naturata par Biogros. Les consommateurs peuvent aussi les acheter directement à Altrier. Photo : fabrizio pizzolante
Le Grand-Duc Henri a visité les serres de tomates bios de Jeff Weydert. Photo : jean-christophe verhaegen/sip

Alors que le changement climatique s’est déjà mis en marche, il semble de plus en plus urgent de modifier nos modes de culture et de consommation. L’agriculture biologique, qui respecte les hommes et la terre, est de plus en plus promue par les citoyens et nombre de politiques à travers la planète. D’autant plus avec la pandémie, qui a mené beaucoup de personnes à réfléchir sur leur propre impact environnemental.

Le Luxembourg n’est pas en reste en la matière. Le Grand-Duc Henri et le ministre de l’Agriculture, Romain Schneider, se sont ainsi rendus vendredi à Altrier pour découvrir l’exploitation maraîchère biologique Bio-Gäertnerei op der Schanz. Sur 13 hectares y sont cultivés salades, fenouil, céleri branche, radis, épinards, tomates et cornichons. Le tout dans le respect des normes de l’agriculture biologique.

Mais un tel engagement présente forcément des risques tant les récoltes dépendent, entre autres, des conditions météorologiques. Des risques qu’ont été prêts à prendre les deux exploitants, Willy Noesen (maraîcher biologique et gérant de la Bio-Gäertnerei op der Schanz) et Jeff Weydert (exploitant du Fromburger-Haff, qui a développé pour sa part la production de tomates biologiques sous serre). «Dans ce type d’agriculture, il y a des risques, mais on essaie de les limiter au maximum, et nous avons des investisseurs et des assurances qui nous protègent», commente Willy Noesen.

Des connaissances et de l’expérience

Pour garantir au mieux les récoltes, le travail de la terre de façon biologique exige en effet beaucoup de savoir et d’expérience. Au cours de leur visite, le Grand-Duc et le ministre de l’Agriculture ont été conduits dans un des champs de la Bio-Gäertnerei en périphérie d’Altrier. Là, l’air de rien, on se situe à une hauteur de 400 mètres environ, soit à la même altitude que les contreforts de l’Oesling. Ce qui change beaucoup de paramètres : non seulement il y un à deux degrés de différence par rapport aux champs en contrebas, mais en plus les nuages, déviés par la colline, ont quelquefois tendance à passer de chaque côté de ses pans, ce qui a pour conséquence de déverser moins de pluie sur les champs de la Bio-Gäertnerei.

Les maraîchers ont donc dû se raccorder au réseau d’eau (le puisage de l’eau souterraine n’étant pas autorisé dans cette zone) pour permettre un arrosage quand cela s’avère nécessaire. Ils plantent aussi des rangs de légumes à différents moments, souvent une semaine après l’autre, afin qu’en cas d’avarie pour une série, la récolte puisse être garantie par les suivantes. Même si l’équilibre demeure fragile : si les conditions sont particulièrement favorables, tout peut pousser en même temps et alors la production peut être trop importante d’un coup!

C’est donc un véritable travail d’équilibriste, d’écoute et d’observation de la nature, qui se joue. Pas facile alors de trouver du personnel suffisamment capable de lire les sols et les plantes et de travailler en toute autonomie. D’autant que les conditions sont parfois éprouvantes : il faut travailler sous la pluie, sous la chaleur, tôt le matin quand il fait encore -5 °C…

Willy Noesen, qui embauche actuellement sept personnes, confie d’ailleurs avoir rencontré beaucoup de difficultés à recruter. Dans ses champs, deux migrants originaires de Côte d’Ivoire s’affairent auprès des radis. «Je n’ai pas coopéré avec une association de migrants pour leur offrir du travail, explique Willy Noesen. Ce n’est vraiment pas facile de trouver des gens prêts à travailler dans ce secteur. Ils se sont présentés et en plus ils travaillent bien, alors je les ai embauchés, tout simplement!»

Une transition pas toujours facile

L’exploitation fait figure de pionnière au Luxembourg. Par son étendue d’une part. Car le travail, forcément plus manuel que dans l’agriculture conventionnelle, nécessite plus de bras. Or avec les coûts des salaires au Luxembourg par rapport à d’autres pays, une exploitation maraîchère biologique de cette taille implique des frais plus élevés. D’autant que les aides sont actuellement accordées en fonction de la surface de l’exploitation et non du nombre de personnes y travaillant.

Par son emplacement d’autre part : située à proximité d’Echternach, la région ne jouit pas des mêmes conditions climatiques que le Sud, et la saison d’exploitation est beaucoup moins longue.

Pour Willy Noesen et Jeff Weydert, la culture sous serre s’avère donc indispensable si l’on souhaite développer le maraîchage et la fruiticulture luxembourgeoise à plus grande échelle. Mais les autorisations afférentes s’avèrent souvent difficiles à obtenir, ont-ils fait savoir…

Il faut aussi que plus d’agriculteurs acceptent de se tourner vers l’agriculture biologique. Ce qui n’est pas toujours facile, soit d’effectuer la transition quand des millions ont été investis dans du matériel conventionnel, soit de se lancer dans le bio et de parvenir à rentabiliser avec cette seule production le nouveau matériel investi. «Mais celui qui veut le faire n’est pas devant une table vide», nous confie un agriculteur du coin. «Romain Schneider a beaucoup travaillé pour mettre des outils en place afin de faciliter la transition. Encore faut-il vraiment le vouloir.»

«Nos agriculteurs produisent des produits du terroir de haute qualité et de plus en plus de consommateurs avertis recherchent actuellement les lieux de vente directe gages de qualité, de circuits courts et de durabilité», a rappelé le ministre de l’Agriculture, soulignant que l’exploitation Bio-Gärtnerei op der Schanz s’insère pleinement dans sa vision d’une «agriculture +» durable et qualitative, dans laquelle l’agriculture conventionnelle et biologique coexistent puisque basées sur les trois piliers de durabilité écologique, économique et sociale.

Tatiana Salvan

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