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Meuse : les derniers gynécologues déplorent le désintérêt des politiques pour la santé


Partageant son temps entre la maternité de Verdun et son activité libérale, une sage-femme juge les politiques "à côté de la plaque". (illustration AFP)

« J’ai 62 ans, je vais essayer de tenir encore un peu » avant la retraite : à moins de trois mois de la présidentielle, Dominique Bassenne, l’un des deux derniers gynécologues de Bar-le-Duc déplore, comme plusieurs collègues, le manque de clarté des candidats sur la santé.

Il en est certain : quand il aura définitivement fermé la porte de son cabinet, ouvert en 1996 avec deux associés partis à la retraite depuis, personne ne viendra le remplacer. « En 2021, j’ai fait 7 500 consultations », raconte le médecin, parfois obligé d’orienter des patientes vers des généralistes. « Mais c’est pareil, ils sont débordés, alors les patientes vont finir aux urgences », elles aussi « débordées », selon lui.

Et pour une consultation à son cabinet, qui ne désemplit pas de 8 h 30 à 20 h, pas de rendez-vous « avant fin mars », précise le praticien pour qui la situation reste « gérable » mais qui n’a jamais « eu ce délai-là ». La Meuse compte encore huit gynécologues-obstétriciens en activité, en cabinet ou à l’hôpital, selon l’Ordre des médecins, soit 8,5 praticiens pour 100 000 habitants. La médiane française est de 14,2 pour 100 000, et le département « le moins bien loti » est la Creuse, avec 3,3 praticiens pour 100 000 habitants, précise l’Ordre.

Michèle Scheffler, présidente du collège de l’Est de la Fédération nationale des collèges de gynécologie médicale (FNCGM), exerce à Nancy et n’a, dans les programmes des candidats à l’Élysée, « rien vu de clair » sur la santé : « ça n’est pas leur priorité », estime cette médecin dont les longues journées ne se terminent pas avant 20 h 30.

Pour elle, « ça n’intéresse personne la santé, regardez ce qu’ils ont fait de l’hôpital ! », s’insurge encore le Dr Bassenne, convaincu que « personne ne changera rien » pour la médecine en milieu rural.

« À côté de la plaque »

« On a trop démuni la santé parce qu’on a bien compris que cela coûtait cher », renchérit sa consœur nancéienne qui attend de « vrais choix politiques », notamment pour sa spécialité : « En mettant en péril la gynécologie médicale, on met en péril la santé des femmes et donc la santé des enfants à naître. »

Ces difficultés d’accès aux soins pour les femmes, « cela peut retarder les choses », notamment pour le dépistage de cancers, poursuit le Dr Bassenne. À Saint-Mihiel, Alexandra Fressinet, 29 ans, qui exerce comme sage-femme depuis 2016 et a partagé son temps entre la maternité de Verdun et son activité libérale, juge les politiques « à côté de la plaque ».

Son souhait avant l’élection : qu’Emmanuel Macron vienne suivre des soignants à la maternité « 12 heures pendant une garde ». Elle l’assure : « Il va ressortir de là épuisé, il va se dire: ‘Zut, c’est ça le système de soins ?' ».

La sage-femme « n’a pas du tout envie d’aller voter » : « entre ce qu’ils disent et ce qu’ils font, il y a de la marge ».

« En fin de liste » 

Au cœur des doléances de ces praticiens, le manque de soignants, dans toutes les spécialités. Pour la Dr Scheffler, il faut « augmenter le nombre de médecins » et donc « insister auprès des politiques pour qu’ils augmentent le nombre d’étudiants en médecine ».

Au total, les ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur prévoient de former 51 505 médecins entre 2021 et 2025. Emmanuel Macron a promis une enveloppe de 19 milliards pour le Ségur de la Santé et la suppression du numerus clausus, laissant la porte ouverte à la possibilité de créer une 4e année obligatoire des études de médecine dans les déserts médicaux, une idée que défend la candidate LR Valérie Pécresse.

Mais sans maternité, fermée depuis 2019, Bar-le-Duc peine à attirer de jeunes praticiens: « Si on fait ce métier-là au départ, c’est pour faire de l’obstétrique. Ce n’est pas attractif une ville sans maternité », se désole Dominique Bassenne. « Et puis on n’a pas la mer, pas la montagne, c’est en fin de liste », ironise-t-il.

« Il faut qu’il y ait des moyens de transport, du travail pour le ou la conjointe, une école pour les enfants, une vie sociale », pour que des médecins aient envie de s’installer, conclut Michèle Scheffler.

Un commentaire

  1. C’est bien beau tout ça, mais aujourd’hui en Meuse, il y a plus d’accouchements qu’il y a 50 ans et 7 fois moins de maternité ! Les ARS sont des équipements qui coûtent dix fois plus cher que ce qu’ils pensent faire en économie. Le problème est évidemment politique et comme la politique reste toujours dans le perfectionnement du négatif, on n’est pas près ni de stagner et encore moins d’avancer. Nos hauts élus dépatementaux connaissent très bien les raisons et les buts réels de ces actions destructrices, mais ils ne sont pas armés psychiquement pour s’interposer à ces rouages qui se nourrissent de la pauvreté des populations. Pourquoi sont-ils élus et pire encore ré-élus puisque leur fonction est d’une inutilité démontrée ?

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