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Eglise de Crusnes : entre inquiétude et folles attentes


La vente de l'église fait débat, dans la cité au riche passé minier et sidérurgique. (Photo archives Le Républicain Lorrain)

La vente de l’église de fer de Crusnes à la top-modèle parisienne Léonore Scherrer vient d’être officialisée. Mais qu’en pensent les habitants ?

Au pied de l’église de Crusnes-cité, les stands pour le festival Musik d’en fer sont montés. Ils n’attendent plus que les groupes de rock et de métal, prévus samedi. Et, quand on jette un œil sur les affiches de la manifestation collées un peu partout dans la commune, on se dit que la période des mines et de la sidérurgie est encore bien présente dans les esprits.

La nouvelle propriétaire de la belle Sainte-Barbe, Léonore Scherrer, top-modèle parisienne qui travaille dans le prêt-à-porter, devra inévitablement composer avec ce passé. Si elle l’oublie, les Crusnois, surtout les plus âgés, seront là pour le lui rappeler. Mais attention, il ne s’agit pas d’une mise en garde. Car tous veulent réserver un bon accueil à la dame, même si la vente de leur église (pour 250 000 euros) les attriste.

«Mon père était mineur. J’ai été baptisé dedans. Je m’y suis marié. Ça fait de la peine aux anciens et ça me fait franchement bizarre de la voir partir dans les mains d’un privé. Mais si Léonore Scherrer vient ici, on lui payera un coup. Et si en plus elle vient avec un chèque pour les associations comme la nôtre, qui ne roulent pas sur l’or, on sera encore plus contents», assure Quinto, de la Boule lyonnaise, prêt à sortir la bière pour l’occasion.

Et le champagne, peut-être plus adapté aux milieux aisés de la capitale ? «Ah ça, non !» Peu importe si sa future voisine est la fille du grand couturier Jean-Louis Scherrer, il n’y aura donc pas d’entorse au règlement pour le bénévole.

«On va voir débarquer du bling-bling»

Ses réflexions rejoignent celles d’Alain, employé municipal occupé à préparer Musik d’en fer : «Il y a eu tellement d’argent qui a été mis dans la rénovation du bâtiment par l’État ou les citoyens (NDLR : 2,4 millions d’euros,) que je trouve ça dommage. La propriétaire va en profiter et réaliser une belle opération financière au passage.»

Jean-Louis Sonzogni, réalisateur du documentaire Les Dames de fer, enfonce le clou. «Il n’y avait pas d’autres solutions, car les collectivités territoriales n’avaient pas l’argent pour acheter et faire vivre le lieu. Et puis, c’est un phénomène de société, la vente des églises, dont il va falloir s’habituer car il y a de moins en moins de pratiquants et car cette religion est moins attachée aux bâtiments que les autres. Mais là, on va voir débarquer du bling-bling, complètement à l’opposé des valeurs que portaient les ouvriers et les mineurs. Et ce qui fait mal au cœur, c’est de voir leur patrimoine partir. À l’intérieur, on a des vitraux magnifiques, des peintures superbes d’Untersteller, un chemin de croix très beau, etc. La DRAC (NDLR : direction régionale des affaires culturelles) devra être vigilante pour que tout soit préservé.»

Malgré tout, beaucoup de Crusnois ne souhaitent pas crucifier Léonore Scherrer. Delphine, du salon City coiffure situé de l’autre côté de la rue, rêve même de voir s’asseoir sur ses fauteuils des «stars. On ne sait jamais. Et pourquoi pas des défilés de mode ?», s’emporte-t-elle dans un grand éclat de rire, avant de reprendre son sérieux : «Je pense que ça peut amener un renouveau dans la commune.»

Nono, le gérant du café Le Point central, a tout entendu depuis plusieurs mois et le début de la mise en vente de ce bien atypique. Le voilà presque soulagé. «Certains jeunes parlaient d’y installer une maison close, d’autres voulaient y mettre une discothèque. Tout ça n’aurait pas été très respectueux. Avec de la musique, en revanche, c’est le cas. Je me dis que le lieu va servir et ne deviendra pas une verrue.»

Enfin, chez les anciens bénévoles de l’association (dissoute) des Amis de Sainte-Barbe, on a le sentiment du devoir accompli. «On n’a pas travaillé pour rien. L’église va vivre et la mémoire des mineurs sera toujours présente d’une manière ou d’une autre», confirme Marie-Étienne Marchal.

Dans douze ou treize jours, Léonore Scherrer rencontrera le maire, Alain Eckel, à Crusnes. Elle en profitera pour partir en repérage et parler de son projet. Elle devrait y installer un studio d’enregistrement de musique. «J’ai entendu également qu’elle y organiserait des concerts lyriques. Est-ce que c’est vrai ? On verra.» L’élu Front de gauche plaisante (à moitié) en évoquant l’arrivée dans son village de la jet-set parisienne. «Si c’est le cas, on saura les recevoir. Entre gens intelligents, on se comprend.»

Sébastien Bonetti (Le Républicain Lorrain)

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