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Mourir pour des idées

Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire.» À l’heure des réseaux sociaux, Voltaire aurait-il toujours envie de mourir pour que tout le monde ait son mot à dire? La liberté d’expression est confondue avec la porte ouverte à toutes les fenêtres sous couvert de changements sociétaux et de libération de la parole.

Si tout le monde est Charlie, tout le monde est aussi Jean-Paul au café du coin après quelques verres de gros rouge qui tache. Saoulant. Au café du coin, les étudiants refont le monde, Jean-Paul, lui, le démonte à coups de rumeurs et de clichés mille fois déconstruits et expliqués. Sauf qu’à force de passer son temps au bistro à s’embrumer le cerveau avec d’autres spécialistes comme lui, Jean-Paul ne le sait pas, ça. Peut-être aussi que ça l’arrange de ne pas savoir ou de croire qu’il sait. Comme son gros rouge qui tache, les théories du complot, les fausses citations (Orwell a la cote) ou les vraies tirées d’un contexte que Jean-Paul ne connaît de toute façon pas rassurent notre pauvre Jean-Paul qui lutte au quotidien contre ce que sa condition humaine a bien voulu lui accorder.

C’est tellement humain, presque touchant. Jean-Paul nous apitoierait presque si les idées (conçues par d’autres) qu’il partage n’étaient pas dangereuses, hideuses, voire mensongères. Si elles ne menaçaient pas la cohésion sociale, l’économie ou la santé publique. Les conséquences de cette crédulité spontanée sont graves. Jean-Paul propage un autre virus, celui du complot et des idéologies illogiques et manichéennes. Jean-Paul n’est pourtant pas con. Il en est persuadé, d’autres aussi. Jean-Claude a juste oublié de réfléchir. Lui qui dénonce les manipulations du système en place et crie à la spoliation des libertés individuelles ne réalise pas qu’il est l’instrument de ceux qui veulent le renverser. Ironie. Je laisse le mot de la fin à Georges Brassens : «Des idées réclamant le fameux sacrifice / Les sectes de tout poil en offrent des séquelles / Et la question se pose aux victimes novices / Mourir pour des idées, c’est bien beau mais lesquelles?»

Sophie Kieffer

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