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Mea maxima culpa

«Rien sur la personnalité de l’année dans le journal, je démissionne!» La crise de foi du collègue, motivée par une déception ulcérée, est à la hauteur du regrettable impair commis par la rédaction du Quotidien. L’équipe web a certes sauvé l’honneur et notre âme en peine. Le fait est que le titre décerné par le tout-puissant Time à Taylor Swift n’a pas fait couler d’encre dans nos colonnes. Péché originel, a sermonné ce fidèle devant l’Éternel. Mea maxima culpa, l’ami !

L’artiste a volé la vedette à la star de l’an dernier, Volodymyr Zelensky. Là, elle a damé le pion au maître du Kremlin. Ravi la couronne à Charles III. Et interdit de cité Xi Jinping. «Super, elle a fait quoi ?» pour mériter ça, ont commenté les vierges effarouchées des réseaux sociaux. À part «écrire et chanter sa dernière rupture». Justement, elle écrit et compose, c’est déjà pas mal. Et elle chante, plutôt bien même, ce n’est pas donné à tout le monde. «Elle s’est engagée pour donner de la valeur aux rêves, aux sentiments des gens, en particulier des femmes, qui se sentaient négligées et régulièrement sous-estimées», a professé le rédacteur en chef de la Bible américaine. Et en ce moment, ce n’est pas du luxe.

L’enfant de Nashville est devenue une femme de cœur. Guidée par cette liberté de parole d’évangile, blasphémant le géant de la billetterie Ticketmaster pour l’imbroglio autour de sa tournée mondiale. De sa voix impénétrable, Taylor Swift s’en va pourfendre l’ultralibéralisme à sa manière, sur l’autel de l’hérésie. Micro dans une main, bâton de pèlerin dans l’autre pour taper sur les doigts du patriarcat qui broient celles qui tentent de s’accomplir et sur l’industrie musicale qui fait trimer les artisans du disque. Elle en vend par millions, c’est vrai. Ça ne l’empêche pas de poser un regard, sans fard et sans fermer les yeux, de citoyenne consciente de son époque et des dérives d’une société toujours plus brutale. Au moins, remet-elle l’église au milieu du village. La grande prêtresse de la pop n’a pas volé son auréole. Laissons donc les querelles de chapelle numérique là où elles ont leur place. Dans les flammes de l’enfer 2.0.

Et prions, surtout, pour obtenir le pardon du cher collègue offensé…

Alexandra Parachini

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