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Le jeu vidéo passe en mode inclusif 


L'introduction dans GTA VI de Lucia, premier personnage féminin jouable de l'histoire de la saga, répond à une critique formulée depuis des décennies sur les représentations misogynes et sexualisées des femmes. (Photo AFP)

Diversité, genre, féminisme… Les studios basculent vers des jeux vidéo pensés pour tous et pour toutes, dans une industrie qui cherche à se donner une nouvelle image, bien plus représentative du milieu qui l’anime.

Héros transgenre, coupe afro et peuples autochtones : les studios basculent vers des jeux vidéo plus inclusifs, sous la pression des joueurs, davantage demandeurs de représentativité dans les personnages et dans les intrigues, et l’impulsion d’une nouvelle génération de créateurs sensibles à ces enjeux. L’exemple le plus parlant est très récent : l’introduction dans l’attendu GTA VI de Lucia, premier personnage principal féminin jouable de l’histoire de Grand Theft Auto, alors que la sulfureuse franchise est critiquée depuis des décennies pour ses représentations misogynes et sexualisées des femmes, et caricaturales des minorités.

Dans une industrie marquée par des affaires retentissantes de harcèlement (Activision Blizzard, Ubisoft…), «on prend de plus en plus conscience» du besoin d’une représentation «plus réfléchie» des personnages féminins, confie Ashley Reed, responsable de la narration d’Apex Legends, édité par le studio américain Electronic Arts. S’il y a une «vraie remise en question» des grands studios depuis ces affaires, «le déclic vient surtout de la part des joueurs», explique Jennifer Lufau, consultante en inclusion dans le jeu vidéo et fondatrice d’Afrogameuses, association plaidant pour une meilleure représentativité des femmes noires dans l’industrie vidéoludique.

Des directeurs de l’inclusion dans les studios

«C’est parce qu’il y a une demande de représentativité dans les contenus qu’ils consomment, encore davantage avec l’essor des réseaux sociaux», que les studios «se rendent enfin compte qu’il y a une diversité chez les gamers, au-delà du stéréotype du mec blanc», ajoute-t-elle, citant l’exemple d’un «bad buzz» autour du jeu Animal Crossing. Star du confinement, ce jeu qui permet de personnaliser son avatar à sa guise, des vêtements à la coupe de cheveux, avait fait l’objet fin 2020 d’une pétition réunissant plus de 50 000 signatures pour protester contre l’absence de coiffures afros dans les options disponibles.

«Je n’arrive pas à y croire, mais Nintendo nous a écoutés! Nous avons obtenu des coiffures plus inclusives! J’ai pleuré quand je l’ai appris (…) Mon avatar me ressemble maintenant !», avait écrit Taniesha Bracken, jeune femme originaire de Denver et autrice de la pétition, après la mise à jour de l’éditeur japonais. Pour éviter ce genre de maladresses dès la conception des jeux, les studios nomment des directeurs de l’inclusion, comme Ubisoft depuis février 2021, pour favoriser notamment le recrutement dans les équipes créatives de talents issus de la diversité et/ou plus sensibles à ces questions.

Les studios se rendent enfin compte qu’il y a une diversité chez les gamers, au-delà du stéréotype du mec blanc

À l’instar du monde littéraire, ils font aussi de plus en plus appel à des consultants spécialisés, les «sensivity readers» comme on dit en anglais. Cette profession récente, qui se développe surtout aux États-Unis ou encore en Grande-Bretagne, pointe les incohérences culturelles aussi bien dans les scénarios que dans les représentations visuelles, même s’ils sont vus, par certains, comme des censeurs. «Mon rôle, c’est vraiment de leur expliquer comment ce qu’ils proposent va être perçu et comment ils peuvent éviter de tomber dans certains pièges qui vont créer des stéréotypes», souligne encore Jennifer Lufau.

Conscients que le jeu vidéo est un médium «puissant» pour faire passer des «messages inclusifs et progressistes», les studios indépendants restent les premiers à avoir mis ces thématiques à l’honneur, comme celui français Dontnod, qui avait fait sensation en 2015 avec la série Life is Strange pour sa représentation crédible de personnages LGBT+. «On ne peut pas concurrencer les gros studios sur leur terrain. Il faut qu’on trouve notre différence, et c’est comme ça qu’on y est parvenu», explique son dirigeant Oskar Guilbert, qui confesse avoir eu une dizaine de refus avant de voir l’éditeur japonais Square Enix miser sur le jeu.

Une tendance pas toujours bienvenue

Les langues natives et peuples autochtones sont aussi mis en lumière par le studio, du jeu Tell Me Why avec les Tlingits d’Alaska, à Banishers, où l’acteur prêtant sa voix à l’un des personnages principaux a pris «quelques leçons de gaélique écossais pour être sûr qu’il prononce (ses) phrases correctement». Mais cette tendance n’est pas toujours bienvenue, à l’image de la polémique autour de Starfield, jeu populaire qui permet lors de la création de son personnage de choisir son genre et son pronom associé.

De quoi provoquer la colère de certains joueurs, à l’image de celle de HeelvsBabyface, YouTubeur britannique aux 358 000 abonnés, devenue virale en septembre pour sa diatribe remplie d’injures dans laquelle il déplore que l’éditeur Bethesda ait inséré de «l’idéologie» dans son jeu favori.

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