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Cette grève nous interroge

Les rues de Metz noires de monde, les routes vers le Grand-Duché noires d’automobilistes. D’un côté, une atmosphère militante et festive : la chaleur humaine d’un cortège qui avance à la force de ses convictions. De l’autre, une morosité, une fatigue même : celle des frontaliers français, usés par les bouchons, par les annulations de trains, par ces conditions qui accaparent l’énergie de toute la journée.
En quoi cela nous regarde, au Grand-Duché? Tout d’abord, «leurs» bouchons sont «nos» bouchons et cette grève embouteille nos routes. L’habitant de Dudelange ou de Bertrange s’en passerait autant que le «fronta». Sur un plan économique ensuite, l’accès à la main-d’œuvre frontalière est vital. Les Français représentent en réalité jusqu’à 70 % des nouveaux frontaliers sur les dernières années. Et la main-d’œuvre frontalière pèse pour 47 % des actifs du pays. Or un mouvement se dessine avec la génération Z, comprendre les travailleurs de moins de 25 ans : «Pourquoi s’embêter à aller jusqu’au Luxembourg pour gagner 400 euros de plus par mois?» Tout le monde ne gagne pas des sommes mirobolantes dans ce pays, à commencer par les plus jeunes! La génération Y est comme ça aussi, mais elle ne passe jamais à l’acte. Les plus jeunes sont plus radicaux. Ils veulent bosser à 20 minutes de chez eux, ils se moquent de s’endetter sur 25 ans pour avoir une maison, ils ne veulent pas deux voitures par foyer, ils ne rêvent pas de prendre l’avion deux fois par an. Ils trouvent absurde de faire deux heures de trajet le matin (lire ci-contre). Nous sommes des dinosaures à côté d’eux et nous leur proposons un modèle de mobilité aussi planté qu’un ordinateur sous Windows 95.
Cette grève nous interroge enfin : des conducteurs de train qui franchissent la même frontière, font le même trajet, estampillés CFL ou SNCF, bénéficieront de retraites sans commune mesure. On pourra argumenter tant qu’on voudra sur les législations qui les séparent : cette Europe des salariés de première classe et de seconde classe (comme chez les routiers) n’a rien de fraternel.

Hubert Gamelon

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