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Une ancienne championne d’échecs transmet sa passion aux enfants


(Photo : AFP)

Eduquée dans la Hongrie communiste pour être une prodige des échecs, Judit Polgar est devenue la meilleure. Jeune retraitée des plateaux, elle forme à son tour des enfants avec une méthode bien différente : apprendre en s’amusant.


Dans un jardin d’enfants de la banlieue de Budapest, Simi, sept ans, les yeux bandés, est guidé par ses petits camarades parmi les pièces d’un jeu d’échecs à taille humaine. La pièce qu’il préfère, c’est le pion « parce qu’il est petit comme moi », explique le bambin avec malice, une couronne perchée sur la tête. Les autres pièces du plateau s’appellent « le fou agile » ou « le chevalier bondissant », une façon, pour Judit Polgar, d’établir une complicité entre l’enfant et le jeu, d’en faire une base pour « développer ses capacités logiques, créatives, stratégiques », explique cette brune de 41 ans au regard perçant.

Considérée comme la « meilleure joueuse d’échecs de tous les temps », celle qui passa grand maître à l’âge de 15 ans, battant le record de précocité de Bobby Fisher, n’a pas pour ambition de former des génies. Sa méthode éducative, « Le palais des échecs », a pour but d' »ouvrir l’esprit, d’apprendre de façon créative et ludique ». Les échecs prennent vie sous forme de jeux, de chansons, d’histoires, d’applications informatiques. Optionnel depuis quatre ans dans les écoles primaires hongroises, « Le Palais des échecs » revendique l’adhésion de 250 établissements. A la rentrée, une nouvelle version sera disponible pour les écoles maternelles.

Pas de génie inné

Dans la famille Polgar, on a les échecs, l’éducation et le goût de l’innovation dans le sang. Car le père de Judit, Laszlo, a réalisé avec ses trois filles, dans la Hongrie des années 70 et 80, une expérience peu conventionnelle : prouver que tout enfant, s’il reçoit un enseignement précoce et intensif, peut développer un talent exceptionnel.

Son objectif d’alors : faire de Sofia, Susan et Judit -la plus jeune- des championnes d’échecs.

Sa méthode : ne vivre que pour ce jeu, mémoriser à marche forcée des milliers de parties, apprendre les coups des grands maîtres à l’âge où les autres enfants jouent aux billes, comme le raconte un documentaire récemment projeté en Hongrie sur la vie hors-norme de la famille Polgar. Scolarisées à domicile, les trois soeurs ont complété leur apprentissage par l’étude des langues, de la philosophie et du tennis de table.

Cette éducation peu orthodoxe a valu à Laszlo, enseignant de formation, et son épouse, Klara, les foudres du régime communiste et de la fédération nationale d’échecs, raconte le film « La variante Polgar ». Mais les succès de la fratrie ont réconcilié tout le monde. Judit a gagné son premier tournoi international à neuf ans et n’avait que 12 ans quand les trois soeurs, à la tête de l’équipe féminine hongroise, ont battu les jusqu’alors indétrônables Soviétiques aux Olympiades de la discipline. Numéro un mondial des échecs féminins pendant 25 ans, Judit Polgar s’est payée le luxe de gagner une partie contre Garry Kasparov, n’affrontant que des hommes dans les tournois d’envergure, au point d’être la seule femme à intégrer le top 10 des meilleurs joueurs mondiaux.

Autres temps, autres moeurs

Laszlo Polgar, 71 ans aujourd’hui, ne considère pas avoir joué les apprentis sorciers avec ses filles : « Si les enfants sont élevés heureux, la société en profitera. En tant qu’humaniste, je considérais que c’était ma mission : faire la révolution dans l’éducation à travers les échecs », confie-t-il à l’AFP. Judit, qui a dit adieu à la compétition en 2014, ne regrette rien non plus : ses succès précoces, ses voyages, lui ont peu laissé l’occasion de comparer sa vie à celle des enfants « normaux ».

« Nous avons eu une enfance heureuse, j’étais avec mes soeurs qui étaient mes meilleures amies, nos parents étaient stricts mais aimants », raconte-t-elle, faisant l’éloge du « courage immense et des incroyables compétences pédagogiques » de Laszlo et de Klara.

Difficile à l’ère du smartphone et du zapping digital, d’imaginer « leur investissement, l’attention portée à un seul objectif 24h/24h pendant vingt ans », s’émerveille la championne, elle-même mère de deux enfants qui suivent une scolarité traditionnelle. C’était une autre époque, « il était important de bien connaître une discipline alors que maintenant, il faut être multi-tâches », dit celle qui poursuit, à sa façon, la leçon familiale, convaincue que les échecs « préparent les enfants à l’école et à la vie, à être les gagnants de demain ».

AFP

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