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Spectacle – « Cirkopolis », plus que du cirque !


La compagnie Éloize anime la fin d’année avec Cirkopolis, qui pousse plus loin l’art circassien. Ici, les univers du cirque, de la danse et du théâtre se marient habilement à travers les acrobaties de douze artistes multidisciplinaires.

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« Entrer dans Cirkopolis, c’est lâcher prise et se laisser porter par l’espoir », explique Jeannot Painchaud, directeur artistique du cirque Éloize. (Photos : Valérie Remise)

Avec Éloize, on est bien loin de l’esprit véhiculé depuis des lustres par les Bouglione et autres Zavatta. Pas de roulotte ni de clown gaffeur ici. Non, cette compagnie canadienne, au cœur du renouvellement des arts du cirque depuis 1993 – forte de dix productions originales à son actif et 4 000 représentations dans plus de 40 pays – cherche « à emmener autre part le langage circassien », selon les mots d’Emmanuel Guillaume, coordonnateur artistique.

Comparer Cirkopolis à un « classique » spectacle sous chapiteau reviendrait ainsi à mettre au même niveau un magicien, son lapin et son chapeau et les performances d’un illusionniste de Las Vegas. C’est certes moins « authentique », mais ça a le mérite de pousser un peu plus loin les possibilités de la discipline. D’ailleurs, point de défiance et d’attitude hautaine chez ces artistes contemporains, qui préfèrent parler « d’évolution » que « d’opposition ». « Ça reste du cirque au sens noble du terme », précise-t-il.

Il existe toutefois des différences notables. D’abord, avec cette troupe à géométrie variable, les liens ne sont pas ceux du sang, comme c’est le cas pour de nombreuses et illustres familles de cet art. « Les artistes sont indépendants les uns des autres, explique Emmanuel Guillaume. Quand on crée un spectacle, on cherche ceux qui rentrent le mieux dans le tableau ». Ce qui ne les empêche pas d’être unis selon un « esprit de tournée ». Et « quand on fait un salto à trois mètres du sol sur deux personnes, mieux vaut se faire confiance »…

Ensuite, tout ne se base pas que sur la technique, certes essentielle. « Un artiste est partie prenante dans la construction d’un numéro, poursuit-il. Souvent, j’entends cette phrase : « Que veux-tu que l’on raconte ? ». Les allers-retours entre le plateau et la mise en scène sont permanents. C’est à travers cet échange que l’on développe quelque chose de différent », notamment en termes de jeu pur. Enfin, dans le même sens, l’univers créé par Éloize s’affranchit de toute sclérose, combinant danse, théâtre et vidéo, dans une volonté proclamée de « casser les murs ». « Ce n’est pas que du divertissement ! », martèle-t-il.

> Entre Brazil  et Metropolis

Ainsi, le dernier spectacle proposé pour l’avent, Cirkopolis, lancé en 2012 et avec déjà « plus de 150 représentations au compteur », plonge le public dans un monde à la croisée de Metropolis (Fritz Lang) et Brazil (Terry Gilliam). Une mégalopole aux engrenages géants et aux portails sombres, illustrant une mécanique qui broie toute individualité. « Ce spectacle a en effet quelque chose de « kafkaïen » : c’est gris et oppressant ». Accompagnés d’une scénographie, de projections vidéos et d’une musique originales, et sous l’impulsion « d’un rêveur qui va libérer les anonymes et les révéler à leur identité », douze acrobates et artistes multidisciplinaires défient la monotonie, se réinventent et repoussent les limites de la ville-usine.

Au fil des tableaux, qui passent de la grisaille ambiante au tout en couleur, des jongleurs bravent l’espace, une contorsionniste se laisse soulever par ses camarades dans un élan d’inspiration, des artistes aériens affrontent la hauteur des gratte-ciels. Cirkopolis, c’est aussi entrer dans la valse de la roue Cyr, suivre la virtuosité du diabolo, redouter l’intrépidité de la roue allemande, découvrir la candeur d’un homme qui ne désire que danser. Un spectacle imaginé comme un « carrefour de rencontres », explique Jeannot Painchaud, directeur artistique du cirque Éloize, mais aussi, en filigrane, comme un cri de révolte dans une société faisant la part belle à l’individualisme et à la soumission, avec une philosophie tournée vers la « collectivité » et le « pouvoir de l’imagination ».

Sans oublier l’humour et la poésie, armes pour se « libérer des chaînes » qui nous sont imposées ou que l’on crée nous-mêmes. « Le message du personnage principal serait « regardez-vous vous-même », dixit Emmanuel Guillaume. En somme, qu’il faut se réveiller ! On ne va quand même pas rester des moutons toute notre vie ». Bref, prendre des risques et des chemins de traverse pour exister et être libre. Finalement, l’essence même de l’art du cirque, avec celle de « faire rêver les gens »… « Quand on perçoit la peur, la mort, le danger à travers un numéro, on se sent réellement en vie, conclut le coordonnateur artistique. La performance physique est alors à rapprocher d’une performance de vie ».

De notre journaliste Grégory Cimatti

Grand Théâtre – Luxembourg.
Le 30 décembre, ainsi que les 2 et 3 janvier à 20h.
Le 31 décembre à 19h.

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