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«R. M. N.» : une Europe aux pulsions xénophobes


«J'espère que les gens comprendront que je parle d’eux!», explique le réalisateur, Cristian Mungiu. (Photo : Mobra Films)

Dans R. M. N., au cœur d’un petit village de Transylvanie, Cristian Mungiu radiographie le populisme qui ronge l’Europe. Un film âpre et implacable qui sert d’avertissement.

Un village de Transylvanie comme laboratoire explosif du populisme : le cinéaste roumain Cristian Mungiu, lauréat d’une Palme d’or en 2007, souhaite avec R. M. N., en salle aujourd’hui, ouvrir les yeux des Européens sur ce mal qui les ronge. «J’espère que les gens comprendront que je parle d’eux!», a expliqué en mai le réalisateur, quinze ans après 4 mois, 3 semaines, 2 jours, film coup-de-poing sur le droit à l’avortement qui lui avait valu la distinction suprême sur la Croisette.

Dans ce nouveau film, qui était en compétition à Cannes cette année, il se veut à nouveau très politique, mais en embrassant encore plus large. Son titre, R. M. N., fait référence à l’acronyme roumain de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) : Mungiu s’emploie à y sonder les tenants et les aboutissants du populisme, un mal qui aurait métastasé jusqu’à ce village encore pétri de traditions, aux confins de l’Europe.

«J’espère que les spectateurs n’échapperont pas facilement à leurs responsabilités, qu’ils ne se diront pas « ça a lieu dans une contrée lointaine, sauvage ». J’ai bien peur que ce ne soit pas le cas», a poursuivi lors d’une interview au festival de Cannes celui qui a également décroché, il y a six ans, un prix de la réalisation pour Baccalauréat, sur la corruption endémique.

Sur fond de précarité, de préjugés et de traditions

L’action se déroule à quelques jours de Noël, dans un village de Transylvanie, microcosme où les communautés se côtoient depuis des siècles : on y parle roumain, hongrois ou allemand, témoignage d’une histoire longue et tourmentée.

Les Roms, eux, ont disparu du bourg, chassés par les habitants et la force des préjugés. Mais de nouveaux «damnés de la Terre» ont fait leur apparition, trois Sri-Lankais que l’on a fait venir pour travailler dans la boulangerie industrielle du coin, les Roumains étant tous partis louer leurs bras à l’ouest.

Sur fond de précarité, de préjugés et de traditions, les conflits entre communautés vont peu à peu ressurgir, menaçant de ruiner la paix de cette petite communauté. «À travers de petits événements, dans de petits villages, j’essaie de parler de la nature humaine et de l’état du monde aujourd’hui, et de ce sentiment que nous avons que les choses ne vont pas dans la bonne direction», a souligné le réalisateur, qui affirme ne «pas pouvoir être optimiste» sur l’avenir.

«La nature humaine ne change pas comme ça… Il suffit de 24 heures pour identifier un ennemi (…) et libérer des instincts animaux qui sont en nous. Des gens qui sont voisins sont capables, demain, de violer, torturer et tuer», a-t-il poursuivi. Le moment de bravoure du film est un plan d’un quart d’heure dans la salle communale, une réunion publique au cours de laquelle le sort des ouvriers sri-lankais doit être décidé.

Un concentré des débats qui agitent l’Europe

Une vingtaine de personnes prendront la parole, rivalisant de sorties haineuses et de préjugés, tandis que leurs contradicteurs, qui tentent de prêcher la tolérance, sont incapables de se faire entendre, et parfois empêtrés dans leurs contradictions. Comme un concentré des débats qui agitent l’Europe.

Un dispositif qui rappelle de façon frappante un autre film roumain remarqué, Bad Luck and Looning Porn, qui a valu en 2020 l’Ours d’or à Berlin à Radu Jude, et s’attaquait aussi aux questions du populisme, et de la difficulté de battre en brèche les préjugés.

«Le politiquement correct ne change pas les croyances des gens, ça les empêche juste de les exprimer», a fait valoir Cristian Mungiu. «Dans les discours populistes, il n’y a rien de rationnel. C’est un mélange de peu de faits avec beaucoup de propagande.» «Il n’y a pas besoin d’arguments pour croire. Vous croyez ce que vous croyez et c’est très dur de changer ça», a-t-il ajouté. Le cinéma y peut-il quelque chose? «Je n’ai pas de solution et ce n’est pas à moi d’en trouver.»

R. M. N., de Cristian Mungiu.

Un commentaire

  1. Il est exact que la liberté d’expression est de plus en plus bafouée dans notre monde. Et pas seulement en Chine ou en Corée du nord.
    Récemment, si un médecin fort connu, disait que le soit-disant « vaccin » anti Covid n’avait que très peu d’efficacité, surtout pour les moins de 50 ans et aucune pour les moins de 25 ans, il était cloué au pilori médiatique et même convoqué devant le conseil de l’ordre.
    Aujourd’hii encore, si vous dites que l’évolution du climat est naturelle et que la « décarbonation » est une monstrueuse stupidité, vous êtes considéré comme un « bas du front » qui ne comprend rien.
    De même, dans ce village transylvain si la majorité ne veut pas des srilankais, aucun discours n’est possible. Il n’y aura que vociférations et insultes.

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