Son nouvel album, Trois, est sorti vendredi : le groupe franco-algérien Acid Arab est plus que jamais le représentant de l’«electrorientale», attendu cette semaine sur la scène de l’Olympia et rendant hommage à Rachid Taha.
Troisième album pour Acid Arab, collectif franco-algérien dépositaire de l’«electrorientale», étreinte de la techno occidentale avec voix et mélodies venues d’Afrique du Nord ou du Moyen-Orient, sans oublier un morceau inédit avec le regretté Rachid Taha. C’est la pépite de Trois, le titre de l’album – écrit en arabe sur la pochette – sorti vendredi et qui succède à Musique de France, en 2016, et Jdid, en 2019.
Sur la musique d’Acid Arab, on entend donc la voix du chanteur franco-algérien, disparu en 2018, avec un titre qui lui est dédié, Rachid Trip. «C’était une soirée après un restau, on lui a passé un « track » et il s’est mis à chanter dessus, en improvisant, on l’a enregistré sur un téléphone, on l’a gardé pas mal d’années avant de s’en servir», raconte Hervé Carvalho, un des cinq membres du groupe. Acid Arab s’est décidé récemment à en faire un morceau et à le faire écouter à Lyès, fils de Rachid Taha, lui-même producteur, DJ et proche du groupe. «Lyès a adoré, il a eu des mots gentils. Pour lui, que la voix de son père continue à avoir un écho au travers de notre groupe, ça avait du sens», poursuit Hervé Carvalho.
De quoi faire remonter à la surface des souvenirs liés à l’interprète du tube Douce France (en 1986, avec le groupe Carte de séjour). Notamment une première rencontre électrique pour Guido Minisky, autre membre d’Acid Arab, alors DJ aux platines du Pulp, boîte parisienne tendance, à la fin des années 1990. «J’ai utilisé, avec un autre DJ, du Fela Kuti avec un « beat » et là, Rachid Taha a pété un câble, nous a hurlé dessus et même craché dessus! Bon, après, en fin de soirée, il a fait des câlins à tout le monde, c’était une entrée en matière sale mais cool, ça venait du cœur», sourit Guido Minisky. «On l’a tous connu à des périodes différentes et on a tissé des liens avec Rachid avec le projet Acid Arab. À un moment, on avait les mêmes tourneurs, les mêmes musiciens», rebondit Hervé Carvalho. Le chanteur de Ya rayah était d’ailleurs apparu pour la première fois aux côtés d’Acid Arab sur le premier album du groupe, avec la chanson Houria.
Aujourd’hui, le lien est toujours là avec l’ancien clavier de Rachid Taha, Kenzi Bourras, qui collaborait régulièrement avec Acid Arab avant d’en devenir membre à plein temps. Outre son rôle de DJ et musicien, c’est lui l’interface clé entre les DJ et producteurs basés à Paris, et les invités de Syrie, du Maroc ou encore de la Turquie. «Et Kenzi sait diriger chanteurs et chanteuses», note Hervé Carvalho.
C’est Kenzi Bourras qui a finalisé les échanges quand Nicolas Borne – un membre d’Acid Arab qui reste dans l’ombre, derrière les consoles, avec Pierrot Casanova – a déniché un studio à Constantine, en Algérie. Spécialité de ce studio : des joueurs de gasba, flûte de bédouin traditionnelle utilisée dans le morceau Acid Chawi. «Le joueur de gasba qu’on entend (NDLR : Khnafer Lazhar) s’autoproclame « le Missile », et c’est vrai qu’il est puissant et efficace», glisse Nicolas Borne.
Comme à son habitude, Acid Arab rassemble autour de lui une longue liste d’invités. Des fidèles, comme le chanteur de raï Sofiane Saidi et le musicien turc Cem Yildiz, mais aussi des nouveaux venus. Depuis sa formation en 2012, Acid Arab a notamment collaboré avec Omar Souleyman, le trio hip-hop israélien A-Wa ou encore la formation nigérienne Les Filles de Illighadad. Mais se fend cette fois d’une petite nouveauté au sein même du groupe : Kenzi Bourras, qui chantait parfois sur scène aux côtés de Rachid Taha, donne de la voix sur Trois, avec le titre Emo. Un chant façon Acid Arab : «On a travaillé sa voix, on l’a « autotunée », rien à voir avec sa version originale. Quand il l’a entendue, il a demandé : «C’est robot Kenzi? »», s’amuse Pierrot Casanova.
Dans la foulée de l’album, Acid Arab, va, comme à son habitude, reprendre la route. Ses membres ont déjà joué trois dates en Inde et iront en Allemagne, en Turquie ou au Royaume-Uni, entre autres. Mais une date française leur vaut un afflux inhabituel de demandes d’invitations : L’Olympia, où ils se produiront jeudi soir. «Ma famille s’en bat les reins d’Acid Arab d’habitude, mais là, ils veulent venir, que ce soit les parents ou les petits neveux qui hallucinent complet. C’est une date à part», conclut Pierrot Casanova.
Trois, d’Acid Arab. Crammed Discs.