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Musée National d’Histoire et d’Art de Luxembourg: un jeu d’ombres et de lumières


José de Ribera (1591-1662) était un artiste peintre et graveur espagnol de l'ère baroque, représentant du ténébrisme. (photo dr)

Autant d’artistes prestigieux du XVIIe siècle s’enrichissant mutuellement, réunis ici grâce au musée royal des Beaux-Arts d’Anvers, actuellement en rénovation, et à deux collections privées européennes.

Le musée national d’Histoire et d’Art de Luxembourg (MNHA) poursuit inlassablement de tisser son réseau : après le récent partenariat conclu avec le MNAA (musée national d’Art ancien) de Lisbonne, voici le tour du KMSKA (musée royal des Beaux-Arts) d’Anvers de disperser quelques toiles et connaissances spécifiques au Grand-Duché, alliance «utile» quand on connaît la plus grande rénovation de son histoire, et ce, jusqu’à l’automne 2019.

Ainsi, les œuvres voyagent, se montrent ailleurs, restent «vivantes» – délocalisation profitable, selon le maître des lieux, Manfred Sellink, pour «porter un regard neuf» sur ses propres collections. Complété par deux «prestigieuses» collections privées européennes, l’ensemble (une trentaine d’œuvres) s’intéresse à la peinture baroque à travers deux angles particuliers : d’abord celui du jeu des influences, autour de trois pays (Pays-Bas, Espagne, Italie) relativisant l’impact stylistique des traditions locales et des écoles nationales.

Des artistes flamands et hollandais ont découvert l’œuvre du Caravage pour s’approprier ses spectaculaires effets de clair-obscur. De Naples, encore, le ténébrisme cher à Ribera se répandit en Espagne, puis a même été sublimé sous les pinceaux de Velázquez, Ribalta et Zurbarán. Idem pour certains Espagnols ayant succombé au charme de la palette colorée d’un Rubens – lui-même, au passage, inspiré par les maîtres italiens de la Renaissance.

Ensuite, cette réunion «sans frontière» joue avec ce contraste pictural en vogue au XVIIe siècle, consistant à jouer «exagérément» avec la lumière ou la couleur, soit pour souligner la dimension dramatique d’une scène, soit pour en révéler des sentiments poétiques.

Un commissaire «bouleversé»

Un contraste saisissant qui s’observe, par exemple, entre L’Adoration des bergers d’un anonyme italien et La Déploration du Christ du plus fameux Van Dyck. Et les spécimens ne manquent pas pour illustrer cette tendance aux amalgames géographiques et aux émotions visuelles. Dès la première salle d’ailleurs – parmi les trois que couvrent l’exposition «Drama and Tenderness – Flemish, Spanish and Italian Art of the Baroque» – on est directement saisi par les trois magnifiques portraits (parmi douze) réalisés par Ribera sur les philosophes de l’Antiquité.

Rarement réunis côte à côte, Héraclite, Archimède et Thalès, dont la noirceur et mélancolie profondes est nuancée par un léger halo lumineux, émeuvent même le commissaire belge, Nico Van Hout. «Ça me bouleverse de les voir ensemble», lâche-t-il, surpris.

Plus loin, une toile de Hendrick de Clerck rappelle l’influence évidente d’un El Greco, tandis que Cupidon surprenant Psyché la nuit, d’Abraham Bloemaert – sans nul doute parmi les acquisitions majeures du MNHA de la dernière décennie – montre l’emprunt du maniérisme dans la peinture néerlandaise. Dans la seconde salle, l’idée se poursuit avec Rubens, aux élans «argentés» (L’Éducation de Marie), mais aussi avec Van Loon, à travers de subtiles interprétations d’effets lumineux, dans un esprit très «caravagesque».

En face, la MNHA et le KMSKA ont imaginé un sympathique – et dense – rassemblement de natures mortes. Du bouquet de fleurs «encyclopédique», signé Brueghel le Jeune se succède celui imaginé par Davidsz. de Heem, merveilleux microcosme à l’éclairage pénétrant. Parmi ces œuvres, saluons le «cabinet idéal», fictif, de Frans Francken II. Une accumulation qui place ensemble un faux mobilier japonais, des coquillages, des pièces de monnaie, des peintures de paysage et même l’une des siennes! C’est ce qu’on appelle de l’autopromotion.

La troisième et dernière salle s’intéresse quant à elle, enfin, à la figure du saint, «celui qui protège la foi chrétienne» de ses détracteurs. Dans le lot, saluons deux chefs-d’œuvre : celui de Massimo Stanzione (Méditation de Marie-Madeleine) au réalisme brutal et au clair-obscur troublant; et le Saint François d’Assise de Francesco Lupini qui suggère, entre ombres et lumières, que la présence divine n’est jamais bien loin.

Grégory Cimatti

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