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Les Cubaines montent enfin sur le ring


Cuba est l’une des grandes nations de la boxe. Mais depuis de longues décennies, les femmes de l’île étaient exclues de ce sport. Une interdiction levée début décembre pour un premier combat entré dans l’histoire, juste avant Noël.

Avec un direct du droit en direction du visage de son adversaire, Elianni García Polledo a remporté le premier combat officiel de boxe féminine organisé à Cuba, un jour très attendu par les sportives cubaines après des décennies d’interdiction. «C’est un résultat historique pour la boxe cubaine», a lancé par haut-parleur l’un des juges au moment d’annoncer la «décision unanime» de déclarer victorieuse Elianni García Polledo.

La jeune femme, originaire de la province de La Havane et âgée de 27 ans, l’a emporté, le samedi précédent Noël, sur un ring de la capitale face à son adversaire, Reynabell Grant, du même âge et venue, quant à elle, de Guantánamo. En maillot rouge et plus petite de taille, Elianni García Polledo, poids mouche de 50 kg, a démontré qu’elle était une battante infatigable, donnant des coups puissants des deux mains qui ont souvent touché son adversaire au visage, aux épaules et à l’abdomen, jusqu’au coup décisif, au troisième round, qui a finalement décidé de l’issue du combat.

Elianni García Polledo contre Reynabell Grant : voilà la toute première affiche officielle de boxe féminine à Cuba, l’île aux 80 titres mondiaux et 41 titres olympiques

Cet affrontement, organisé dans le complexe sportif Giraldo-Córdova-Cardín, était la toute première affiche officielle de boxe féminine à Cuba, l’île aux 80 titres mondiaux et 41 titres olympiques… tous masculins. Après plusieurs décennies d’interdiction, les autorités cubaines ont finalement donné leur feu vert le 5 décembre pour que les femmes pratiquent la boxe.

«Aujourd’hui, nous rendons publique l’autorisation de la boxe féminine dans notre pays», avait alors annoncé Ariel Saínz, vice-président de l’Institut cubain des sports (Inder), lors d’une conférence de presse, présentant cette décision historique comme «une étape importante dans le développement» de la boxe cubaine, ainsi que dans «l’autonomisation des femmes».

«C’est un moment que nous préparions depuis plusieurs années», s’est félicité pour sa part Alberto Puig de la Barca, président de la fédération cubaine de boxe.

Une seule entraîneuse

À l’issue de leurs combats, douze boxeuses sur 48 ont été présélectionnées dans l’équipe nationale en vue des Jeux d’Amérique centrale à San Salvador, capitale du Salvador, en août 2023, et d’autres évènements internationaux, comme les prochains Jeux olympiques de Paris, en 2024.

Elianni García Polledo «a toujours travaillé sur l’offensive en cherchant à raccourcir la distance» avec son adversaire à la portée plus importante, a expliqué à l’issue du combat Raúl Fernandez, 55 ans, l’un de ses entraîneurs. La jeune femme, qui raconte être venue à la boxe «par l’athlétisme», peut désormais être optimiste quant à son avenir dans le noble art.

«J’ai un sentiment aigre-doux, car je n’ai pas pu représenter Cuba», confie de son côté Namibia Flores, âgée aujourd’hui de 46 ans, six de plus que l’âge limite pour boxer. Mais elle ne s’est pas éloignée des rings pour autant : «Je suis maintenant la seule entraîneuse» du pays, raconte la quadragénaire à la silhouette athlétique, rappelant qu’elle était «parmi les premières filles qui se sont entraînées à partir de 2006».

Âgé de 70 ans et désormais retraité, Nardo Mestre ne pouvait pas rater ce moment. Il a entraîné Namibia Flores et bien d’autres jeunes Cubaines pendant près de trois décennies. À l’époque, Alcides Sagarra, le père de l’école de boxe cubaine, lui avait indiqué qu’il serait bon d’entraîner des femmes. Mais «cela n’a jamais été approuvé» par les autorités. «Maintenant que c’est autorisé, je suis à la retraite, mais je suis fier car cinq des filles que j’ai formées sont ici aujourd’hui», savoure-t-il.

À Cuba, les équipes féminines existent dans tous les sports, y compris l’haltérophilie et la lutte, depuis 2006. La boxe restait alors le dernier bastion du «machisme sportif» et, en tant que tel, semblait indestructible. Il ne l’est plus. Une avancée due en partie aux textes plus favorables aux femmes, tels que la nouvelle Constitution cubaine de 2019, ainsi que le nouveau code de la famille, approuvé en septembre dernier.

La boxe féminine se pratique dans 187 des 202 pays membres de l’International Boxing Association (IBA). Elle a fait ses débuts aux Jeux olympiques de Londres en 2012. Cuba pourrait désormais aligner des boxeuses lors des prochains championnats du monde organisés en mai à Tachkent, en Ouzbékistan. Autre nouveauté dans la boxe cubaine : en avril dernier, les boxeurs de l’île sont revenus sur le circuit professionnel, après 60 ans d’absence.

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