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Le « Yog’art », ultime discipline de la contemplation


La discipline connaît un certain succès en France, comme ici dans un musée à Rennes (Photo : AFP)

« Je me plonge dans la découverte d’un tableau, essayez de le mémoriser et dites-moi ce que vous ressentez »… Assis en tailleur devant un mur couvert de peintures, des élèves de yoga pratiquent l’art de méditer devant des œuvres d’art, le « yog’art ».

Depuis trois ans, le musée des Beaux-Arts de Rennes ouvre ses portes à l’association de yoga et de culture indienne Ayci, en dehors ou pendant ses heures d’ouverture. Écharpe jaune autour du cou, la professeure Calaisselvy Codandam, dite « Cala », a eu l’idée d’associer art et méditation après avoir elle-même « ressenti un état méditatif, enfant, devant les jolies sculptures des temples en Inde ».

« L’art ouvre le cœur, comme le yoga. Il permet de se poser, d’apprendre à observer, de s’éveiller et d’aller au plus profond de nous-mêmes », raconte la petite femme pleine d’énergie, un bindi sur le front, qui fait habituellement cours dans un quartier populaire de Rennes.

Mieux apprécier l’art

Dans une salle aux murs rouges consacrée au XIXe siècle, elle invite ses élèves à travailler leur respiration, puis à visualiser chaque partie de leur corps pour mieux se détendre. « La langue à peine posée sur le palais, vous sentez une belle détente de votre visage », dit-elle d’une voix monocorde. Après quelques postures au sol, chacun est convié à laisser parler ses émotions face aux sept portraits qui ornent le mur.

Danielle, 70 ans, cheveux longs noués par un bandeau, est « émue » par le portrait d’une vieille femme qui prie, le regard tourné vers le ciel. « Je la trouve lumineuse », confie-t-elle.

Pour chaque séance, Cala choisit des œuvres dont elle est « tombée amoureuse ». L’idée étant de « faire parler » ses élèves pour « faire en sorte qu’ils développent leur confiance en eux ». Elle prépare aussi des poèmes, des chants ou des proverbes qu’elle associe aux tableaux.

Maîtrise des émotions

La professeure justifie son choix d’étudier sept portraits, dont une reproduction de La Joconde, par le fait que « le visage porte nos émotions ». « Or dans le yoga, on travaille la maîtrise de nos émotions », explique-t-elle.
Les élèves ont déjà travaillé sur les thèmes de la mer ou encore la maternité avec le « Nouveau-Né » de Georges de la Tour. « Il m’arrive aussi de leur demander de reproduire une partie d’un tableau pendant dix minutes », poursuit Cala Codandam.

Damien, 40 ans, salarié d’une banque, pratique le yoga depuis quatre ans. Au musée, il avoue qu’il ne se serait « pas forcément arrêté » devant les œuvres choisies par sa prof. « J’aurais choisi des tableaux plus faciles d’accès, plus contemporains, mais on en vient malgré tout à faire assez facilement parler nos émotions », remarque-t-il, ajoutant que le travail en petit groupe permet « d’avoir une vision très riche des œuvres ».

Plus facile d’entrer en soi quand on est devant une oeuvre d’art

« C’est étonnant et passionnant », témoigne de son côté Fran, 57 ans, qui a participé à cinq séances. « C’est plus facile d’entrer en soi quand on est devant une œuvre d’art, et à la fin, je me sens plus apaisée et joyeuse, avec le sentiment d’avoir vécu un moment très privilégié », estime cette ancienne gérante de camping.

La plupart des élèves reconnaissent ne jamais s’arrêter « plus de quelques secondes » devant les œuvres présentées dans les musées. « Pour moi, ça a vraiment été une nouvelle façon d’accéder à l’art et de m’y intéresser en profondeur », assure Louise, étudiante en russe.

Meilleur sommeil et autres bienfaits

« En méditant, on découvre des choses cachées dans les tableaux », juge Ilham, 46 ans. « Les œuvres d’art permettent aussi de faire ressortir des sentiments qu’on gardait enfouis en nous. Après la séance, on se sent plus léger ».

Le yog’art, une thérapie? « Je n’aime pas ce mot », rétorque Cala. « Oui bien sûr, ça facilite le sommeil ou ça permet d’avoir moins mal au dos, mais pour moi c’est d’abord l’occasion de parler, de se libérer et de désacraliser l’image du musée, où beaucoup de gens des quartiers n’osent pas aller », souligne-t-elle.

AFP

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