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Le prix Sakharov des droits de l’Homme décerné à l’opposition au Bélarus


Tous les dimanches, les Bélarusses sont des dizaines de milliers, malgré le risque d'arrestation et désormais la menace d'usage de balles réelles, à manifester à Minsk et d'autres villes. (illustration AFP)

Le Parlement européen a décerné jeudi le prix Sakharov des droits de l’Homme à « l’opposition démocratique » au président Alexandre Loukachenko au Bélarus, dont la figure de proue, Svetlana Tikhanovskaïa, est réfugiée en Lituanie.

« N’abandonnez pas votre combat. Nous sommes à vos côtés », a déclaré le président du Parlement européen David Sassoli sur Twitter, soulignant que les membres de l’opposition, pour la plupart emprisonnés ou poussés à l’exil, avaient « une chose que la force brutale ne pourra jamais vaincre: la vérité ». Cette candidature était soutenue par les principaux groupes politiques du Parlement, notamment le PPE (droite), S&D (socialistes et démocrates) et Renew Europe (centristes et libéraux).

Après l’intellectuel ouïghour Ilham Tohti, condamné à la prison à vie en Chine pour « séparatisme », lauréat en 2019, les eurodéputés ont couronné un mouvement porté en particulier par des femmes, réprimé par le pouvoir.

Cette récompense devrait susciter la réprobation de Minsk, mais aussi celle de Moscou, soutien du président Loukachenko. Les autorités russes avaient déjà dénoncé le choix du lauréat en 2018, le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov, alors emprisonné. Depuis le scrutin présidentiel controversé du 9 août, le Bélarus est le théâtre d’une contestation de masse inédite contre la réélection d’Alexandre Loukachenko, le président ayant établi depuis 1994 un régime inspiré du dirigisme économique et politique soviétique.

Ultimatum

Le prix arrive à un moment clé pour ce mouvement: l’ex-candidate de l’opposition au scrutin Svetlana Tikhanovskaïa a donné au chef de l’État jusqu’à dimanche pour démissionner, menaçant d’appeler à une grève générale et à intensifier les manifestations.

Le président Loukachenko est par ailleurs menacé de sanctions par l’UE, qui a déjà pris des mesures contre 40 responsables du régime accusés d’être impliqués dans la répression et le trucage de l’élection, dont l’Union ne reconnaît pas le résultat.

Outre Svetlana Tikhanovskaïa, le Parlement distingue neuf personnalités de l’opposition, dont les deux femmes qui ont fait campagne à ses côtés, Maria Kolesnikova, aujourd’hui emprisonnée, et Veronika Tsepkalo, en exil, ainsi que la lauréate du prix Nobel de littérature Svetlana Alexievitch. Mais aussi le mari de Svetlana Tikhanovskaïa, le blogueur Sergueï Tikhanovski, ainsi que le Mikola Statkevitch, figure historique de l’opposition, tous deux en prison. La quasi-totalité des personnalités liées à Svetlana Tikhanovskaïa et au Conseil de coordination formé pour arracher une transition au pouvoir ont été incarcérées, assignées à résidence, ou contraintes à fuir à l’étranger.

Tous les dimanches, les Bélarusses sont des dizaines de milliers, malgré le risque d’arrestation et désormais la menace d’usage de balles réelles, à manifester à Minsk et d’autres villes. Le samedi est l’occasion d’une marche de milliers de femmes, et le lundi de retraités.

Soutenu par la Russie, Alexandre Loukachenko exclut toute concession d’ampleur, promettant une vague réforme constitutionnelle pour sortir de la crise, et mettant en scène un simulacre de dialogue avec des opposants en leur rendant visite en prison.

Svetlana Tikhanovskaïa a elle enregistré les soutiens de l’UE, d’Angela Merkel, d’Emmanuel Macron. Un appui à double tranchant, Moscou et Minsk n’ayant de cesse de dénoncer un complot occidental.

« Par amour »

Rien ne destinait cette femme de 38 ans, professeure d’anglais de formation et mère au foyer, à un telle vocation. Son mari Sergueï s’était fait un nom sur YouTube en dénonçant le « cafard » Loukachenko et avait prévu de le défier à la présidentielle.

Après son arrestation au printemps, sa femme s’est lancée « par amour » dans la campagne, rejointe par Maria Kolesnikova et Veronika Tsepkalo, proches de deux autres candidats victimes de la répression. Le trio de femmes a été proposé pour le prix Nobel de la paix 2021.

La remise du prix Sakharov doit se tenir le 16 décembre. Doté de 50 000 euros et décerné pour la première fois en 1988 à Nelson Mandela, ce prix « pour la liberté de l’esprit » doit son nom au physicien nucléaire Andreï Sakharov, figure de la dissidence à l’époque de l’URSS.

Il a plusieurs fois fait office d’antichambre du Nobel de la paix. En septembre, fait inédit, la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi a été exclue de la « communauté » des lauréats, en raison des exactions contre la minorité musulmane rohingya en Birmanie.

LQ/AFP

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