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Le Consentement : récit d’une liaison sous domination 


Pour son second film, Vanessa Filho adapte le récit et témoignage essentiel de Vanessa Springora sorti en 2020. Avec Jean-Paul Rouve dans la peau de cette «saleté» de Gabriel Matzneff.

Avec Jean-Paul Rouve dans le rôle de Gabriel Matzneff, la version cinématographique du Consentement, le best-seller de Vanessa Springora décrivant l’emprise d’un écrivain quinquagénaire sur une mineure, veut faire entendre encore plus largement son message. Le film, adapté de l’ouvrage vendu à plus de 300 000 exemplaires depuis fin 2019, a été également monté au théâtre avec Ludivine Sagnier. Il pourra choquer, avec ses scènes d’intimité montrées frontalement pour retracer la relation nouée dans les années 1980 par le romancier Gabriel Matzneff avec une lycéenne d’à peine 14 ans, Vanessa Springora, la fille de l’une de ses amies.

Le film veut dénoncer aussi la mansuétude voire la protection dont a pu bénéficier l’écrivain, qui revendiquait pourtant sa pédophilie dans ses textes, dans le milieu intellectuel parisien. Il a pu vivre, dans un relatif anonymat, sans être inquiété jusqu’à la sortie du livre, qui a fait éclater le scandale. Malgré l’ouverture d’une enquête, la justice n’a pas, pour l’instant, trouvé de faits non prescrits permettant de poursuivre Gabriel Matzneff.

«Jouer une saleté»

En revanche, la sortie du Consentement a incité ses éditeurs, dont Gallimard qui continuait de l’éditer jusqu’alors, à retirer de la vente ses livres louant la pédophilie. «Le livre a changé les mentalités. Le porter à l’écran, c’est utile : un film, c’est plus accessible», a souligné Jean-Paul Rouve. Crâne rasé, lunettes de soleil et sourire lubrique lorsqu’il attend sa proie à la sortie du lycée, cette figure populaire connue pour son rôle, notamment, de Jeff Tuche n’avait probablement jamais joué de personnage aussi écœurant.

Porter ce livre à l’écran, c’est utile : un film, c’est plus accessible

«Notre métier, c’est prendre des risques artistiques, c’est défricher et, si on se plante, on se plante!», explique l’acteur, qui précise encore pouvoir «jouer une saleté, tant que le film (lui) convient moralement». Séances de natation, régime et UV : Jean-Paul Rouve a de surcroît modelé son corps pour se rapprocher du personnage que s’est créé Gabriel Matzneff, obsédé par son physique.

«Porter un message»

«Il n’existe pas en dehors de l’image qu’il s’est fabriquée. En général, pour jouer la pire saloperie, on va vous rattacher à une part d’humanité, quelque chose qui peut vous ressembler… Sauf que là, vous ne pouvez pas. Il faut tout inventer.» Vanessa Springora a été associée à l’écriture. À l’écran, son rôle est confié à Kim Higelin, vue jusqu’à présent dans la série Plan B sur TF1. Laetitia Casta, dans le rôle de sa mère, vient compléter le casting.

«Ça m’a bouleversée de porter une voix, de prolonger le courage de quelqu’un, de porter un message», confie Kim Higelin, qui a ressenti «une très grande responsabilité vis-à-vis de Vanessa Springora». La jeune actrice n’a pas connu les années 1980 et a trouvé «très étonnante la forme immense de complaisance et d’encensement de la pédophilie». En témoigne, par exemple, un passage de Gabriel Matzneff sur le plateau télévisé d’Apostrophes, inséré dans le film.

«Beaucoup d’hypocrisie»

«Gabriel Matzneff a encore beaucoup de complices, il y a beaucoup d’hypocrisie. Mais je ne crains rien», ajoute la réalisatrice Vanessa Filho, qui souhaite que son film «puisse faire œuvre de prévention». Trois ans après, certains livres de l’écrivain, comme Ivre du vin perdu, sont toujours vendus. Pour marquer les esprits, la cinéaste a choisi de ne pas éluder les scènes d’intimité entre le quinquagénaire et la lycéenne (jouée par une Kim Higelin alors âgée de 20 ans, trente de moins que Jean-Paul Rouve), dont l’esthétique pourra mettre mal à l’aise.

La réalisatrice a refusé de faire appel à un coordinateur d’intimité, ce récent métier destiné à s’assurer du respect du bien-être des acteurs et actrices : «Je savais que je ne mettrais jamais les comédiens en danger parce que j’avais moi-même écrit et découpé ces scènes-là», justifie-t-elle. Kim Higelin «était d’une maturité exceptionnelle, ce qui me permettait d’avoir un dialogue approfondi avec elle» sur le sens de ces séquences, précise Vanessa Filho. «Même dans les scènes qui peuvent être les plus impressionnantes pour les spectateurs, on n’imagine pas à quel point ça a été beau, bienveillant et léger», précise l’actrice.

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