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La «folle semaine» du Cabaret Vert


De retour sur les terres ardennaises dès mercredi, le Cabaret Vert, enrichi d’une journée supplémentaire, a bien entamé son évolution, toujours avec en ligne de mire, assure le directeur artistique, Christian Allex, la préoccupation écologique.

L’année dernière, le Cabaret Vert était bien décidé à ne plus être ankylosé par la pandémie. Alors que les très nombreux festivals d’été, en France, continuaient d’y croire, avant que la réalité de la chose ne les force à annuler, l’équipe du Cabaret Vert avait travaillé sur un festival alternatif, éphémère mais ambitieux, nommé Face B.

Une franche réussite, au point même que ce festival organisé en un temps record est aujourd’hui carrément considéré comme une étape «de transition» pour l’avenir du Cabaret Vert et de la Macérienne, la friche industrielle emblématique de Charleville-Mézières, où le festival est implanté depuis 2005. C’est ce que nous dit Christian Allex, directeur artistique du festival, qui se souvient de l’édition 2021 comme d’un moment «qui a donné de très belles surprises».

Mais la semaine prochaine, l’emblématique festival ardennais sera bel et bien de retour, avec plus de 100 artistes programmés pour une «folle semaine». Car le truc du Cabaret Vert, c’est qu’il célèbre son retour avec un jour de plus. Ce seront donc cinq jours de fête, de musique et bien plus encore qui vont secouer Charleville-Mézières en ce mois d’août, avec un début en trombe, mercredi, devant Stromae.

La venue du boss belge et l’extension du festival sont par ailleurs intimement liés, raconte le programmateur : «La seule date que pouvait nous proposer Stromae, c’était le mercredi. On a donc construit le festival autour de ça, avec l’idée de le faire durer cinq jours, en se disant : « On verra ce que ça va donner. »»

Les festivals doivent imposer une réduction de la technique sur scène pour les artistes

Un pari pour les organisateurs, alors que «la France n’est pas encore revenue à la normale» en ce qui concerne les concerts et les festivals, dont plusieurs, assure Christian Allex, «ont connu de très forts échecs de fréquentation» cette année.

Pour preuve, le Cabaret Vert aussi a dû essuyer plusieurs annulations ces dernières semaines, comme celle de l’explosif DeWayne ou du duo psychédélique Kunzite. Si, majoritairement, les annulations sont dues à des coûts de transports prohibitifs, portant surtout préjudice aux «petits groupes étrangers, qui n’arrivent pas à boucler leur budget», les «bluesmen» californiens de Gabriels, eux, ont décommandé pour une autre raison :

«Au moment où ils devaient venir, ils entreront finalement en studio avec Kendrick Lamar. Bon, ça, on ne peut pas leur reprocher!» Christian Allex promet de remplacer autant que possible les artistes qui ne seront pas présents, mais «on ne pourra rien annoncer avant les deux ou trois jours avant le festival». Restez à l’écoute…

Durabilité et frustrations

Aujourd’hui, le programmateur regarde la période de pandémie d’un œil différent. L’édition 2022 intègre à sa programmation des artistes dont la notoriété a explosé pendant les confinements, comme le musicien electro franco-américain Marc Rebillet ou la chanteuse norvégienne Aurora. Pourtant, qu’ils aient apporté leur lot de nouveaux artistes ou qu’ils aient empêché la bonne tenue d’évènements culturels, ces deux ans de covid sont «un microproblème par rapport à ce qui arrive», déclare Christian Allex.

«Je parle du problème climatique : on se demande si, dans quatre ou cinq ans, on pourra encore faire des festivals en plein été, sur plusieurs jours et avec 40 000 personnes par jour. On sait ce que ça demande en consommation d’eau, on sait l’impact réel que ça a sur un site. Je ne parle même pas des déplacements internationaux, des artistes qui se déplacent avec plusieurs « tour bus » ou en avion, pour un show de 90 minutes, est-ce que ça vaut le coup ?»

La responsabilité écologique, la nécessité de faire un évènement qui soit durable, c’est le credo du Cabaret Vert. Tout à fait réaliste, Christian Allex connaît les pièges et les contradictions. «Ce qui est intéressant dans mon métier, c’est de montrer ici ce qui se passe ailleurs dans le monde. Mais à partir du moment où un artiste étranger doit prendre un avion pour venir, son impact carbone est déjà foutu. Ces questions, on doit se les poser, mais pour un programmateur, c’est frustrant», analyse-t-il.

D’un autre côté, il ne minimise pas non plus la responsabilité des artistes : «On a aujourd’hui des groupes qui ont une scénographie complètement dingue avec, en plus, des coûts de production astronomiques pour un festival. Les artistes doivent se restreindre sur scène; on peut avoir un grand spectacle sans barres de lumière ou écrans géants !»

Certains, tempère-t-il, se sentent concernés. C’est le cas de Stromae, avec qui le Cabaret Vert travaille, «à sa demande», à «une étude du bilan carbone de sa tournée». Un pas en avant, certes, mais Christian Allex tranche : «Les festivals doivent imposer une réduction de la technique sur scène pour les artistes. C’est quelque chose qu’on va avoir du mal à conjuguer avec la réalité.»

Nouvelle identité

Le festival va aussi établir de son côté, pour la première fois, un bilan carbone de l’édition 2022. «Marqué au fer vert» depuis ses débuts, et renforçant cette «trame postindustrielle» depuis 2015, l’évènement espère aussi que ses préoccupations trouveront un écho dans son nouveau public, que Christian Allex surnomme affectueusement les «rookies».

«Nous sommes un festival générationnel, dit-il, mais où toutes les générations sont confondues.» Ce qu’il tente de représenter dans sa programmation, «pas du tout consensuelle», notamment à travers la scène du Razorback, qui va «à fond dans le rock», et celle du Greenfloor (déplacé cette année de l’autre côté de la Meuse, nouvelle étape dans la transformation d’un lieu qui continuera de se développer), qui chauffera au son d’un rap nouveau le jour et qui brûlera sur des folies electro la nuit…

«La « prog » a toujours été faite avec des choix très forts, pour ne jamais être dans un entre-deux. C’est comme ça que la jeune génération de festivaliers se rend compte de notre engagement sur une programmation pointue.»

Avec une nouvelle identité visuelle – génialement surnommée «schlag», avec «un côté banlieue de Manchester, genre « dents cassées » mais portant l’honneur d’un quartier, d’une ville, d’une région» –, le Cabaret Vert séduit toujours plus de monde.

Pour cette nouvelle «pure expérience collective», le directeur artistique s’est dit «étonné» de voir que «beaucoup de forfaits cinq jours ont été achetés». «L’engouement est palpable et la nouvelle génération semble déjà passionnée», analyse-t-il. Et de conclure, en riant : «J’espère que la programmation y est pour quelque chose!»

Cabaret Vert,

du 17 au 21 août.

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