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Kitshickers, 25 ans et toujours pas «rock stars» !


Durant un demi-siècle, le groupe s’est sans cesse réinventé à travers des concepts originaux et un style en mutation. Kitshickers, increvable de la scène metal au Luxembourg, fête cet anniversaire avec un nouvel album… et un jeu vidéo!

Depuis sa naissance en 1997, le groupe Kitshickers n’a jamais vraiment tenu en place. Il a fondé un collectif, changé de line-up, de styles musicaux et d’envies, toujours à la recherche du petit truc qui ferait la différence avec les autres. Un quart de siècle plus tard, Gilles Heinisch, l’un des fondateurs restants (avec Boris Schiertz), a perdu sa coloration punk dans les cheveux, mais a gardé une chose, aussi solide qu’un riff de guitare : son humour. Le communiqué, préparé spécialement pour l’anniversaire, en est une bonne illustration, rien qu’au titre qui donne le ton : «25 ans et toujours pas rock stars!». Sur quelques lignes, et face à ce constat, il questionne, non sans ironie, leur côté «sexy» et bêtes de scène, comme leur discographie. Ou encore leur histoire, il est vrai «assez ennuyeuse» par rapport à celle de Mötley Crüe…

Le musicien se marre encore : «Oui, c’était une blague, mais aussi un clin d’œil à la presse locale», dit-il avant de s’expliquer. «On a toujours été en dessous des radars, alors que je pense que l’on peut intéresser plein de monde. Ce message, c’était un peu une manière de dire : « Alors, réagissez maintenant! ».» Il a été entendu puisque Kitshickers sera dans l’émission No Art On Air sur RTL, premier pas du groupe dans le royaume du «mainstream». Pour ceux que ça effraye (ou simplement éloignés de leur télévision), ils pourront compenser par le concert-festival donné ce soir à la Kulturfabrik, lieu bien plus commun pour les fans de metal, quoiqu’ici transformé en centre d’art avec, en guise de mise en bouche avant la scène, une exposition de photographies retraçant plus d’une double décennie d’activité.

Ça vaut souvent le coup de mettre la barre plus haut

Une tournée qui s’arrête à la douane suisse

Une «traversée» en images qui correspond bien à l’idée que l’on peut se faire de Kitshickers : un mélange de folie et de simplicité. Ainsi, sur l’une d’entre elles, trois paires de jambes qui dépassent d’une tente de fortune : «C’était pour la Postlaf, se souvient le guitariste dans un rire. Il y avait de la pluie, du vent et pas grand-chose pour que l’on puisse jouer!». D’autres, plus banales, montrent les membres du groupe poser tranquillement devant l’objectif avant de partir en tournée. «C’est un rituel, poursuit-il. Durant trois-quatre jours, on sera loin de nos familles, du boulot. C’est toujours un instant très fort, chaleureux.» Et pour les plus datés, ces clichés rappellent aussi, cruels, que «le temps passe si vite».

Mais pas au point d’oublier la saveur de certains épisodes, comme en 2021 et ce concert épique partagé avec The Majestic Unicorns from Hell. Soit une «mer de sons» concoctée par deux batteries, cinq guitares, deux basses et des invités à la pelle éparpillés sur plusieurs scènes, le tout en quadriphonie avec, s’il vous plaît, une projection à 360 ° et un acteur en live. De quoi alléger d’autres instants plus «désagréables», comme lors de la toute première tournée en 2001, où Kitshickers n’a pas pu aller plus loin que la Suisse, arrêté à la frontière pour «évasion fiscale». «On ne savait pas qu’il fallait déclarer le merchandising!, raconte Gilles Heinisch. Pour quelques CD et t-shirts, on a dû payer 700 euros. On n’avait plus rien en poche. Et plus tard, on a eu droit à un procès!»

Un des premiers «silent shows» en Europe

Affublé depuis l’année dernière d’un guitariste supplémentaire et d’un nouveau batteur, le groupe insiste aussi sur ces «moments clés» que sont les sorties d’albums, «où l’on expose notre travail au public. C’est important, valorisant». Le neuvième, intitulé The Boarwin Hunt, qui sort aujourd’hui, reste fidèle à certains préceptes que s’est fixés le groupe depuis ses débuts : y incorporer une référence au chiffre «magique» 42 (à vous de la trouver!), y faire figurer son avatar (une sorte d’extraterrestre androgyne) et, enfin, casser les standards d’écoute avec de longs morceaux, souvent morcelés en différentes parties. Ici, les deux premiers (sur quatre) dépassent ensemble la demi-heure et s’acoquinent parfois avec «certaines influences des années 1980».

Qu’il semble lointain le temps de la musique aux «trois accords», dans la pure veine punk des origines. Ou, dans le prolongement, cette «touche alternative» due à une écoute trop frénétique de DEUS. «Après, c’est devenu de plus en cinglé!», témoigne encore Gilles Heinisch, orientation qui s’observe sur de nombreux disques, aussi bien «conceptuels» que purement «instrumentaux». Même en live, le culot est au rendez-vous, à l’instar de cette triple performance «sold out» où le public se retrouvait avec un casque sur les oreilles et devant un écran de cinéma. Un des premiers «silent shows» en Europe, selon Kitshickers.

Kitshickers, groupe démocratique sans ego

Le guitariste assume : «Ça vient surtout de moi! Quand j’arrive avec une idée, les autres se disent : « Mais putain, qu’est-ce qu’il va encore nous trouver à faire? Moi, je veux juste allumer mon ampli et jouer! »» (il rit). Et s’il confie qu’au bout du compte, «ça vaut souvent le coup de mettre la barre plus haut», il reconnaît que ses camarades de jeu se plaisent à l’exercice, eux aussi avides d’expériences : «Il n’y a pas de gros ego, juste de petites discussions… On est avant tout un groupe démocratique qui ne se prend pas la tête et ne se fixe pas de limites. Si demain, on veut mettre du ska, du jazz, de la techno ou du reggae dans nos chansons, on le fait!». D’ailleurs, ils reconnaissent «avoir trouvé quelque chose» qui les distingue des autres avec ce nouveau disque. Et pas des moindres.

On a toujours été en dessous des radars, alors que l’on peut intéresser plein de monde

Conscient aujourd’hui des limites de séduction d’un CD, ou pire, d’un produit 100 % numérique, Kitshickers, fan de science-fiction et un peu «geek» sur les bords, accompagne The Boarwin Hunt… d’un jeu vidéo! D’où la campagne de crowdfunding (leur troisième) menée cette année pour financer cet étonnant projet. «Un jour, en rentrant d’une répétition, je me suis dit : « Sortir un album en digital, c’est moche! Et pas trop notre style ». Là, j’ai eu le déclic. Et si on faisait un jeu dans le genre de ceux de notre jeunesse? On reste des enfants des années 1980!» Les autres valident l’idée par WhatsApp, et après quelques promesses sur Kickstarter, le groupe réunit 3 500 euros, somme complétée par l’appui «d’autres sponsors».

Un jeu vidéo assez éloigné de Call of Duty

Le principe est facile : sur Bandcamp, après s’être fendu de l’achat du dernier disque, un lien dirige vers un site où l’on peut télécharger le jeu. Ce dernier, développé chez Rimshot par Petrit Jung («il travaille encore dessus!») est disponible sur Windows et Mac, mais pas encore sur tablette ni smartphone. «Attention, ce n’est pas Call of Duty, hein!», lâche le guitariste. On s’en rendra vite compte avec cet objet au graphisme gentiment rétro, tournant sur 16 bits et renvoyant aux monuments de l’époque comme Out Run, Double Dragon, Street Fighter, Super Mario, Paperboy, Skate or Die ou Space Invaders. Sauf que là, il s’agit de sauver le chanteur (Yann Dalscheid) et ses longues dreadlocks, kidnappé par une machine.

Comme pour The Boarwin Hunt, le jeu offre «différents niveaux» et plusieurs possibilités, comme celle d’incarner les membres du groupe dans des courses en skate ou en mission dans l’espace.  «Il y a un côté nostalgique assumé!», sourit Gilles Heinisch, décidément content que Kitshickers continue de surprendre et ne soit jamais là où on l’attend. Justement, dans 25 ans, où se voit le groupe? «On continuera aussi longtemps que ça nous fera plaisir! Ou disons plutôt que tant qu’on arrive à monter les escaliers qui mènent à la scène, ça va!» (Il rit). Lui qui envisage de quitter un jour le Luxembourg a déjà tout prévu : «Il y a des outils techniques qui permettent de répéter en étant séparé de 4 000 kilomètres!». Au pire, il y aura toujours les garçons et filles de ces pères de famille pour prendre la relève. «Le mien est âgé de 18 mois à peine, mais tous les matins, il chante!» Rendez-vous alors en 2048 pour un nouveau bilan.

«Release and 25 years Celebration» Ce vendredi soir à partir de 20 h à la Kulturfabrik – Esch-sur-Alzette. Avec Desdemonia, Kakumori,  Blue Room & Pleasing.

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