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[Film italien] La Basilicate fait son cinéma


Image tirée du film Basilicate Coast to Coast, qui sera à l'affiche du Festival Italien de Villerupt (Photo : DR).

Avec ses paysages ancestraux, la région de Basilicate, âpre et rugueuse, longtemps délaissée, inspire ces dernières années les cinéastes. L’exemple d’une émancipation venue du sud de l’Italie dont le festival de Villerupt se fait l’écho.

Vendredi prochain, lors de l’ouverture du festival de Villerupt, le film à l’honneur n’aura rien d’anodin. D’ailleurs, dès les premières images, le ton sera donné : «Oui, la Basilicate existe. Elle existe !», déclame ainsi, tout de go, l’acteur-réalisateur Rocco Papaleo dans son œuvre, Basilicate Coast to Coast, road-movie musical qui a connu le succès en Italie, donnant par là même un coup de projecteur sur cette région méconnue et dénigrée. Qu’il semble loin le passé douloureux quand, dans les années 50, la ville de Matera, l’un des chefs-lieux de la région, était qualifiée de «honte nationale» en raison de son extrême pauvreté. Aujourd’hui, la cité a retrouvé sa dignité en sauvant ses palais baroques et ses églises rupestres. Et en devenant, en début d’année, la capitale européenne de la culture. «C’est vrai, nous sommes passés de la honte à la gloire», confiait alors son maire, Raffaello De Ruggieri, insistant sur la reconnaissance «des lieux, de l’histoire et des traditions de notre ville».

«le Sud est un réservoir d’Histoire… et d’histoires»

Oui, «le Sud est un réservoir d’Histoire – et d’histoires – que l’on commence à exploiter», soutient ainsi Oreste Sacchelli, le président du Pôle de l’image de Villerupt et délégué artistique du festival. Mieux, «si on reprend toute notre programmation, le Sud est très majoritaire dans ce qui sera présenté cette année», soutient-il. Et comme une habitude chevillée au corps, l’approche sera sensible, en évitant au maximum d’entretenir les clichés. De nombreux films en témoignent, comme ceux mettant à l’honneur une autre région, la Campanie (Martin Eden, Il sindaco del Rione Sanita), et d’autres s’emparant de thématiques récurrentes, avec subtilité (et talent) toutefois. En somme, «pas de misérabilisme», mais des approches «variées et globales».

Le climat, les paysages, les propos, aussi, de cinéastes novateurs… Tout cela favorise l’émancipation d’un cinéma décomplexé, qui même quand il s’empare de sujets déjà largement abordés, sait le faire avec finesse. «Regardez La paranza dei bambini : avant d’être un simple film sur la Camorra, c’est surtout une grande tragédie, avec un souffle épique et une mise en scène forte, portée par un futur grand cinéaste (NDLR : Claudio Giovannesi). Idem pour Nevia, avec Nunzia De Stefano, réalisatrice à la voix si particulière.»

Revenons à la Basilicate. Surnommée la «Jérusalem de l’Ouest» pour ses maisons troglodytiques en pierre creusées à flanc de ravin (les sassi), Matera, considérée comme la troisième ville la plus ancienne du monde après Alep (Syrie) et Jéricho (Cisjordanie), a d’abord attiré les cinéastes voulant recréer le décor «fantasmé» de l’Antiquité chrétienne, en premier lieu desquels Pier Paolo Pasolini, qui fut l’un des premiers à y planter sa caméra pour Il Vangelo secondo Matteo (1964). Suivront The Passion of the Christ (2004) de Mel Gibson et The Nativity Story de Catherine Hardwicke (2006), sans oublier le très fade Ben-Hur (2016) avec Morgan Freeman. Même le clan Coppola s’est installé dans le petit bourg de Bernalda (sud de Matera).

Désolation et misère ?

«Cette région, longtemps synonyme de désolation et de misère (comme l’évoque le chef-d’œuvre de Francesco Rosi, Cristo si è fermato a Eboli, également à l’affiche) a pris confiance, s’est donné une tout autre image d’elle-même», lâche Oreste Sacchelli. Un cercle vertueux permis grâce à la «réhabilitation de certains quartiers», une ville, Matera, encore elle, classée au patrimoine mondial de l’humanité en 1993, et un élan qui fait boule de neige (une usine Fiat s’est notamment installée à Melfi).
D’un point de vue cinématographique, cette renaissance s’est traduite par la création, en 2012, de la Lucana Film Commission qui, à l’instar de ce qui s’est fait chez le «grand frère» des Pouilles, «appuie les équipes qui voudraient tourner» dans cette région. «C’est essentiel pour mettre en avant son potentiel!» Oui, si la Basilicate n’est toujours pas la «plus riche d’Italie», et que sa nature reste «hostile», elle s’exprime sur grand écran à travers des documentaires (dont Terra Mia Terra Nostra de Donato Rotunno) et d’autres films, qui savent s’émanciper de trop gros clins d’œil à l’Histoire. Ou alors, ils le font différemment…

Ainsi, en attendant que cette région accouche de ses propres cinéastes, on pourra encore s’enthousiasmer devant Moschettieri del re, «film qui montre toutes les potentialités du tournage local» et annoncé comme «l’un des rendez-vous phares de cette édition». «Les quatre comédiens s’en donnent à cœur joie!», conclut, sourire aux lèvres, le délégué artistique du festival de Villerupt. Certains diront que d’Artagnan, Athos, Porthos et Aramis, vieillis et plein de rhumatismes, ont retrouvé ici leur fougue grâce au climat propice de la Basilicate. Preuve que l’on peut être banni pour mieux revenir dans une vigueur insoupçonnée…

Gregory Cimatti

Festival du Film italien de Villerupt, du 25 octobre au 11 novembre.

 

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