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[Danse] Andrea ou la condition humaine


Trois personnages, portant tous le prénom Andrea, veulent créer un nouveau projet chorégraphique à partir des souvenirs d'une première création dont chacun garde des souvenirs différents. (Photo : Lydia Sonderegger)

Créée à Marseille le mois dernier, The Passion of Andrea 2, chorégraphie signée Simone Mousset, la lauréate du Lëtzebuerger Danzpräis 2017, est présentée ce mercredi 13 novembre et jeudi 14 novembre au Grand Théâtre de la capitale. Vendredi 15 au CAPe d’Ettelbruck.

Suite de The Passion of Andrea 1, pièce imaginaire, The Passion of Andrea 2 met en scène trois personnages, portant tous le prénom Andrea, qui tentent de se mettre d’accord sur cette «œuvre originelle» dans le but de créer une nouvelle chorégraphie. Une mise en abyme déroutante sur le souvenir, la vérité, la recherche d’entente… pleine d’humour absurde et de burlesque. Entretien avec Simone Mousset.

Il y a eu une maquette au TalentLAB en 2016, une avant-première en juin au Fundamental Monodrama Festival. Voilà, enfin, la première grand-ducale de The Passion of Andrea 2. De quoi s’agit-il?

Simone Mousset : C’est ma quatrième création; la deuxième qui fait la soirée entière. Un projet que je porte depuis longtemps. Au départ, je voulais créer un sequel à ce que j’avais fait au TalentLAB. Mais très vite j’ai compris que ce serait plus intéressant de faire une nouvelle pièce qui prétend être le sequel de quelque chose qui n’a pas existé. Et là, ça a pris une dimension existentielle. Comme La Passion du Christ. C’est d’ailleurs la première chose à laquelle on pense, même s’il n’y a là rien de religieux. Mais je me suis penchée sur la passion comme un chemin difficile, existentiel de l’humanité avec Andrea qui représente l’homme lambda. Une manière d’exprimer la condition humaine.

Comment est né cet Andrea? Il y en a d’ailleurs trois sur scène.

C’est une pièce avec trois danseurs… ou peut-être quatre, je laisse chacun découvrir… (elle rit) Le personnage d’Andrea est le cœur de la pièce. Mais s’il s’agit d’un seul personnage ou s’ils sont plusieurs… ça n’est volontairement pas clair.

Quoi qu’il en soit, Andrea a ce souvenir imaginaire d’une Passion of Andrea 1. Comment est venue cette idée et qu’apporte-t-elle?

Le fait que les danseurs se disputent sur les souvenirs de quelque chose qui n’existe pas, ça fait, pour moi, miroir à la vie. On croit détenir la vérité, on peut même se disputer à ce sujet, mais la vérité n’existe pas. Chacun a la sienne. Chacun a ses souvenirs. Là, Andrea dit que dans The Passion of Andrea 1, le bras était tenu comme ça, mais Andrea dit que c’était autrement. Et comme la pièce n’existe pas, impossible de les mettre d’accord.

Vous aimez travailler sur la mise en abyme…

Oui, beaucoup. Ce n’est pas le thème premier de mon travail, mais c’est vrai que j’aime ça. Je crois que c’est parce que je ne peux m’empêcher de faire un lien avec ma propre situation d’artiste.

Le burlesque revient toujours dans vos créations. Qu’est-ce qui vous plaît là-dedans?

J’aime l’exagération et la caricature. Je ne sais pas pourquoi. Mais c’est effectivement quelque chose qui revient tout le temps. C’est probablement une manière de rappeler qu’il ne faut pas se prendre au sérieux.

Comment est-ce que cela se transmet en mouvement, en danse?

La pièce n’arrive pas à décider vers quelle direction aller. Comme si cette réalité alternative que je crée sur scène se transformait sans cesse pour essayer autre chose. À un moment, il y a de la danse contemporaine abstraite, après un moment de comédie musicale, un moment très shakespearien, un monologue, du chant grégorien. Ça part un peu dans tous les sens. En fait, on a un peu tout fait à l’envers. Car on a été invités à l’internationale Tanzmesse de Düsseldorf ou encore au festival Touch Wood à Londres, mais on n’avait pas encore commencé les répétitions. Et pour le Monodrama Festival, il fallait qu’il n’y ait qu’une personne sur scène. Du coup, à chaque fois, on a proposé une petite expérimentation, on a tenté des choses autour du projet. Tout ça a nourri la pièce et finalement influencé la création.

Avec votre pièce précédente, Bal, vous avez fait danser les femmes. Là, vous faites danser des hommes. Ça change quelque chose pour vous en tant que chorégraphe?

Non. Il n’y a aucune différence. Il pourrait y en avoir dans d’autres contextes, par exemple en Russie, où les hommes et les femmes prennent des rôles encore différents, aussi bien dans une compagnie de danse que dans la société; mais ici, non. Pour moi, peu importe que le danseur soit homme ou femme. Ce qui compte c’est son caractère, sa personnalité.

Andrea est un prénom mixte. Il y aurait donc pu aussi y avoir une Andrea sur scène?

Oui, c’est vrai. J’aurais bien aimé avoir une femme dans le trio, mais ça ne s’est pas fait. C’est un hasard.

Vous dites dans votre présentation sur le site web du Centre de création chorégraphique Luxembourg : « Mon travail vise à fabriquer des mondes imaginaires qui remettent en question la façon dont nous, en tant qu’individus, nous positionnons dans le monde d’aujourd’hui ». Cette nouvelle création, que raconte-t-elle du monde d’aujourd’hui?

Qu’il y a un besoin de se positionner dans un climat d’urgence. Je ressens un appel constant à prendre position sur tout un tas de sujets : que ce soit le changement climatique, le Brexit, Trump… J’ai l’impression que tout le monde demande à tout le monde de se positionner, même sur des sujets qui nous dépassent. On n’y comprend rien, mais on doit prendre position et agir tout de suite. Du coup, on fait quoi?

Pablo Chimienti

www.theatres.lu

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