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[Cinéma] The Iron Claw : la malédiction du ring


Avec Harris Dickinson et Stanley Simons, Zac Efron et Jeremy Allen White incarnent l’amour fraternel avec beaucoup de sensibilité, l’une des «préoccupations» du réalisateur. (Photo : metropolitan filmexport)

Le réalisateur Sean Durkin revient sur l’histoire vraie et tragique des frères Von Erich, icônes du catch dans les années 1980. Une saga familiale faite de gloire et de drames.

Derrière le grand spectacle, les provocations au micro, les prises folles et les accoutrements des lutteurs, on sait que le catch n’est pas un monde de paillettes comme il le montre en surface. Dans les coulisses, le tableau est plus sombre : blessures, drogues et concurrence fragilisent les combattants. Car derrière les muscles, il y a toujours un petit cœur qui bat. L’illustration cinématographique la plus convaincante reste celle de Darren Aronofsky qui, avec The Wrestler (2009), montrait toute la détresse du milieu, incarnée par un Mickey Rourke bouleversant. Celle de Sean Durkin, réalisateur jusque-là sous-estimé (Martha Marcy May Marlene, The Nest), est aussi édifiante. Surtout qu’elle se base sur une histoire vraie.

Un film qui prend racine dans son enfance en Angleterre, lorsqu’il dévorait les pages de Pro Wrestling Illustrated. «J’étais attiré par ces artistes pour leur style rock-and-roll, qui reste le fondement du catch moderne», dit-il. Jusqu’au jour où un article est consacré à la mort de Kerry Von Erich. «Cela m’a brisé le cœur. Je l’avais vu lutter en direct plusieurs fois et j’étais un grand fan de lui et de sa famille. Je savais que ses autres frères étaient morts quelque temps auparavant (…) Leur perte m’a profondément affecté.» Comme il le précise encore, les Von Erich, outre-Atlantique, sont considérés comme «les Kennedy du sport». Comprendre un mythe fait de triomphes et de drames.

Saga familiale

The Iron Claw est donc avant tout une saga familiale, illustrant l’une des histoires les plus sombres du sport aux États-Unis. On est à la fin des années 1970, au Texas. Il y a d’abord le père, ex-catcheur, passé tout près de la reconnaissance. Sa spécialité ? La «griffe de fer», justement, qui consiste à écraser le crâne de ses adversaires avec ses mains.

Il imagine le même destin pour ses garçons, qu’il éduque sur cette base : tout ne doit être que virilité, puissance et muscles, avec cette idée qu’«être le meilleur, à tout prix, est la seule manière de survivre», insiste le réalisateur de 42 ans. Un entêtement et une sévérité dont vont faire les frais les quatre frères, Kevin, David, Kerry et Mike. Certes, les trois premiers rafleront pas moins de 28 titres. Mais, revers de la médaille, un seul restera en vie et dépassera l’âge de 35 ans…

C’est une véritable tragédie grecque au cœur de l’Amérique!

Toujours Sean Durkin : «C’est une véritable tragédie grecque au cœur de l’Amérique!». Mieux, du Shakespeare avec ses gloires, ses illusions, ses douleurs et ses résurrections. Inspiré par des œuvres comme Raging Bull ou The Deer Hunter, dans une vision proche des films d’auteur des années 1970, The Iron Claw brasse large et aborde, pêle-mêle, la quête du succès, la fraternité, la découverte et l’acceptation de soi, sans oublier les effets néfastes de la masculinité extrême. «Je voulais montrer ce que ça signifie de faire l’éloge de la virilité, de lutter contre les émotions, de ne pas avoir peur, ni d’avoir mal…» Chez les Von Erich, en effet, toutes les souffrances sont étouffées et la religion reste la seule délivrance.

Portrait intime et épique, le film, au delà des prouesses athlétiques et de la pantomime, raconte les «mensonges du rêve américain» et ce que cela implique en termes de santé, physique et mentale. Les débuts du catch aux États-Unis étaient particulièrement éprouvants pour les sportifs, en déplacement toute l’année et peu soutenus. «Ils mettaient leurs corps à rude épreuve, juste pour le divertissement, et s’ils ne pouvaient pas lutter, c’était fini pour eux!», rappelle Sean Durkin. Idem pour l’aspect psychique : «L’ironie, c’est que les catcheurs expriment toutes leurs émotions sur le ring, les hauts comme les bas. Mais quand ils quittent la scène, ils ne peuvent plus le faire à cause de l’injonction archaïque et absurde d’être un homme, un vrai».

Amour fraternel

Pour incarner ce mélange de force et de fragilité, Zac Efron, 36 ans, crève l’écran. Coqueluche de Disney dans les années 2000, notamment avec la série de films pour adolescents High School Musical, il est méconnaissable, bodybuildé de la tête aux pieds en raison d’une préparation extrême. À ses côtés, Jeremy Allen White, 32 ans, héros de la série multirécompensée The Bear, montre lui aussi l’étendue de sa palette d’acteur.

Avec Harris Dickinson et Stanley Simons, ils incarnent l’amour fraternel avec beaucoup de sensibilité, l’une des «préoccupations» du réalisateur qui, toutefois, n’a pas tout montré : il fait en effet abstraction du suicide d’un autre frère, Chris Von Erich, à 21 ans. «La réalité était tellement pire qu’il était impossible de montrer tout ça dans un seul film.» Oui, une vraie malédiction.

The Iron Claw, de Sean Durkin.

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