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[Cinéma] La face cachée du Caire


Comme un pion au milieu de cet échiquier, se retrouve Adam, un modeste fils de pêcheur tout juste arrivé à l’université. (Photo : atmo)

Le polar La conspiration du Caire plonge le spectateur dans les luttes de pouvoir au sommet de l’islam sunnite.

Qui pour succéder au grand imam d’Al-Azhar, sorte de Vatican du monde musulman sunnite? Dans les salles depuis mercredi, La conspiration du Caire, prix du scénario à Cannes en mai dernier, offre une plongée haletante dans les eaux troubles de la religion et de la politique en Égypte. Réalisé par Tarik Saleh (auteur du Caire confidentiel), le film se déroule après le décès de l’autorité qui fait référence pour des millions de croyants. Qui va alors lui succéder? Religieux, Frères Musulmans prometteurs d’un islam politique, services de sécurité de l’État dirigé par le maréchal Al-Sissi, en concurrence avec le pouvoir spirituel des imams… La nomination du successeur est un jeu d’échecs dans lequel chacun veut avoir son mot à dire, et où tous les coups sont permis.

Comme un pion au milieu de cet échiquier, se retrouve Adam, un modeste fils de pêcheur tout juste arrivé à l’université. Tout va déraper lorsqu’un étudiant, contraint de jouer les agents infiltrés, est assassiné dans l’université. Pour prendre la relève, un officier de la sûreté de l’État, Ibrahim, force Adam à travailler en sous-marin à son tour pour la police. Qui manipule qui? Tarik Saleh joue entre fausses pistes et faux-semblants, revisitant les classiques du polar dans un décor rarement filmé, des cafés «à l’américaine» du Caire, où policier et infiltré ont rendez-vous autour d’un latte, dans les travées de l’établissement religieux.

«L’Occident ne comprend rien à l’islam»

Lui-même né à Stockholm, d’une mère suédoise et d’un père égyptien, Tarik Saleh se dit «indésirable» en Égypte depuis son précédent film, et n’a pas pu tourner dans la prestigieuse université aux centaines de milliers d’étudiants, se repliant dans le splendide décor de la mosquée Süleymaniye d’Istanbul. Après son précédent polar très remarqué en 2017, Le Caire confidentiel (Grand Prix du Jury à Sundance), qui décrivait un régime policier violent et corrompu, le réalisateur change de focale, se concentrant davantage sur les luttes entre pouvoir politique et spirituel, mais conserve son regard sans concession sur l’Égypte.

L’idée du film lui est venue en relisant Le Nom de la rose, le classique d’Umberto Eco, qui se déroule dans une abbaye. Au casting, il retrouve son acteur fétiche, Fares Fares, dans le rôle de l’officier de police. Et dans le rôle principal, celui du jeune Adam, Tawfeek Barhom, qui vient de terminer le prochain film de Terrence Malick sur la vie du Christ. Si le film n’a pas de visée pédagogique, il documente toutefois avec précision les doctrines, qui s’opposent, de ce courant majoritaire de l’islam. Et offre aux spectateurs un aperçu, de l’intérieur, d’un monde mal connu. «Je pense vraiment que l’Occident ne comprend rien à l’islam», prolonge le réalisateur.

La conspiration du Caire, de Tarik Saleh. Actuellement en salle.

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