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[Cinéma] «Drive-Away Dolls», dures à «queer»


Pourchassées par des gangsters stupides, Margaret Qualley et Geraldine Viswanathan sont les deux «gouines en cavale» du titre d’origine (Drive-Away Dykes).

Écrit il y a plus de vingt ans, Drive-Away Dolls marque les débuts d’Ethan Coen derrière la caméra sans son frère, mais avec son épouse, Tricia Cooke. Récit d’un «road movie» queer, décomplexé et insolent.

Une tête coupée, une mallette pleine d’objets compromettants et une bande de tueurs aussi impitoyables que stupides : pour son premier film de fiction sans son frère, Joel, Ethan Coen garde son public en terrain connu. On embarque pour un «road trip» aux confins de l’Amérique fondamentaliste, au rythme des rencontres faites par Jamie (Margaret Qualley), un «esprit libre», et Marian (Geraldine Viswanathan), sa copine à décoincer. Deux lesbiennes fatiguées de Philadelphie et qui souhaitent rejoindre la Floride, à leur rythme, en convoyant une voiture vers Tallahassee, capitale du «Sunshine State». Mais les deux filles ignorent que la Dodge Aries qu’elles conduisent cache deux boîtes recherchées par de dangereux criminels, qui pourraient mettre en péril la réélection du gouverneur conservateur de Floride…

Ethan Coen et Tricia Cooke forment un «couple antitraditionnel», qui témoigne de leur affection commune, tant humaine qu’artistique : monteuse de longue date des films des frères Coen (Miller’s CrossingFargo, The Big Lebowski, O Brother, Where Art Thou?…), Ethan «m’a proposé un rencard et je lui ai répondu que j’étais lesbienne», s’est souvenue Tricia Cooke pour le Guardian. Elle l’a néanmoins épousé en 1993, le couple ayant des relations hors mariage mais étant resté très proche, grâce au travail et à ses deux enfants. Ils ont écrit ensemble Drive-Away Dolls en 2002 et ont déjà failli le porter à l’écran cinq ans plus tard. «Ethan décrit parfaitement (le film) comme une « comédie coquine »», rapportait en 2007 au Los Angeles Times Allison Anders, qui devait la réaliser sous le titre… Drive-Away Dykes («Gouines en cavale»).

«On n’a jamais pu faire ce film, car c’était une autre époque», synthétise aujourd’hui Ethan Coen. «Je crois que la désinvolture du film, son irrévérence n’étaient simplement pas dans l’air du temps», ajoute la scénariste. Si le duo a profité du confinement pour reprendre le scénario, ce dernier a très peu changé sur le long terme; il se déroule toujours en 1999 et contient toujours autant de sexe cru, d’humour (les deux fonctionnant souvent ensemble) et d’hémoglobine. «Je suis queer et il était important pour moi de faire un film qui soit léger, espiègle et amusant, résume Tricia Cooke. Les films lesbiens avec lesquels j’ai grandi étaient tous très sérieux et, très souvent, finissaient mal. Je voulais simplement voir un film avec des personnages ouvertement queer, sans que cela soit le propos du film.»

En effet, Drive-Away Dolls regarde clairement du côté du réalisateur culte Russ Meyer (Faster, Pussycat! Kill! Kill!, Vixen, Beyond the Valley of the Dolls…) et son goût pour les intrigues politico-criminelles tout en mettant en scène le sexe de manière décomplexée et joyeuse avec des femmes aux poitrines généreuses, souvent à des fins comiques. C’est tout un pan du cinéma d’exploitation américain des années 1960 et 1970 qui est remis au goût du jour (mais pas à celui de tout le monde, c’est certain) dans Drive-Away Dolls, avec un parti pris inédit. Pour sa première réalisation en solo, Joel Coen s’était lancé dans une relecture à l’os et non moins splendide de The Tragedy of Macbeth (2021); son frère, lui, s’était éloigné des caméras pour des mises en scène de théâtre et un documentaire musical (Jerry Lee Lewis : Trouble in Mind, 2022), avant de ressortir le scénario cosigné avec son épouse, pour une aventure pop et sexy, qui doit aussi beaucoup de son plaisir aux visages connus apparaissant à l’écran.

C’est un film qui n’a rien en tête, et qui a tout en tête

Trish Cooke a beau avoir laissé le cinéma au second plan, au cours des années 2000, pour sa vie de militante des droits LGBTQIA+, elle est la principale instigatrice du vent de liberté et d’insolence derrière ce film à l’improbable «happy end». Ethan Coen, lui, se considère comme «le réac’ dans notre petit univers». «Il y a et il n’y a pas» de message politique dans Drive-Away Dolls, glisse-t-il, laconique : «C’est un film qui n’a rien en tête, et qui a tout en tête». L’aventure a d’ailleurs donné de nouvelles idées à Coen et Cooke, qui travaillent actuellement à un autre «film de série B lesbien», encore porté par l’énergie dingue de Margaret Qualley qui, dans Honey Don’t, revisitera le personnage de la femme fatale.

Drive-Away Dolls, d’Ethan Coen.

 

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