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[Cinéma] «Close», celui qui reste


Eden Dambrine, bouleversant dans le rôle de Léo, a été repéré dans le train par Lukas Dhont. «Le destin ou le hasard», a glissé le réalisateur.

Récit d’une amitié brisée, Close, le deuxième film du Belge Lukas Dhont, est un mélodrame mené avec beaucoup de style et illuminé par la présence déchirante du jeune Eden Dambrine.

À 31 ans, le cinéaste belge Lukas Dhont passe le cap du deuxième film, quatre ans après Girl, récit viscéral d’une jeune adolescente trans qui rêve de devenir danseuse étoile, et que le festival de Cannes 2018 avait auréolé en lui décernant quatre prix, dont la Caméra d’or (prix du meilleur premier film).

Et bien que projeté en fin de festival, son deuxième coup d’éclat, Close, était immédiatement pressenti comme l’un des favoris pour la Palme; il est reparti de la Croisette avec le tout aussi prestigieux Grand Prix du jury. Ainsi, Lukas Dhont s’impose comme la figure incontournable du nouveau cinéma dramatique belge, en racontant cette fois l’amitié avortée de deux jeunes garçons.

C’est l’insouciance de l’enfance qui est décrite en ouverture de Close : Léo (Eden Dambrine) et Rémi (Gustav De Waele), 13 ans, courent dans les champs. Le cinéaste pose sa caméra délicate sur leurs corps frêles et capture la complicité unique qui les lie. Sur cette relation fusionnelle, semblable à celle de frères jumeaux, veillent leurs mères, comme un dernier rempart qui leur permet de partager leur vie entre balades champêtres et inventions d’histoires, qu’ils se racontent la nuit, blottis l’un contre l’autre.

«Je voulais essayer de parler des choses qui m’ont perturbé pendant l’enfance ou la jeune adolescence», explique Lukas Dhont, qui a lui-même grandi «dans un petit village qui est à vingt minutes de Gand, en pleine campagne», où la mentalité dominante a un poids (lire, à ce sujet, la formidable BD de Clara Lodewick Merel).

Car le récit, qui commence alors que l’été touche à sa fin, est autant celui de cette tendresse mutuelle que de sa mise à nu face à la société adolescente. Au collège, on les regarde de travers, on les moque, on leur fait subir ces petites méchancetés propres à cet âge ingrat. Et si Rémi, le brun, n’en a que faire, Léo, le blond, en sera bouleversé et modifiera son comportement.

«Hommage aux amis que j’ai perdus»

Pour le réalisateur, le déclic a été un retour dans le village de son enfance : «Je me suis souvenu de cette époque dans laquelle il m’était très difficile d’être moi-même, sans filtre. Les garçons se comportaient d’une certaine manière, les filles d’une autre et j’avais toujours l’impression de n’appartenir à aucun groupe. Les amitiés que j’avais, surtout avec des garçons, commençaient à me faire peur car j’étais très efféminé et sujet à beaucoup de remarques.»

«Je voulais faire un film qui soit un hommage à des amis que j’ai perdus, par ma faute, car je prenais mes distances et j’avais l’impression de les trahir (…), pensant que c’était la meilleure chose à faire», ajoute Lukas Dhont. De fait, le scénario du film fait de l’usage du non-dit un de ses fondements, reflétant d’un côté l’état d’une relation que l’on ne sait nommer et laissant de l’autre le soin au spectateur d’en tirer sa propre analyse psychologique.

Car Close ne se limite pas à faire le récit d’un amour homosexuel coupé dans son élan par les obstacles de la vie scolaire. Lukas Dhont s’est notamment inspiré d’une étude menée par la psychologue américaine Niobe Way, qui a suivi cent garçons à partir de leurs 13 ans, et sur une période de cinq ans.

«À l’âge de 13 ans, les garçons parlent de leurs amis comme des personnes qu’ils aiment le plus au monde, avec lesquels ils peuvent partager leurs émotions et se confier. Tous les ans, la psychologue (constate) que plus les années passent, plus les garçons ont du mal à évoquer l’intimité avec leurs amis masculins», raconte le cinéaste.

Eden Dambrine crève l’écran

Lukas Dhont dit avoir mis de lui-même dans les deux personnages, mais Léo, dont le film adopte le point de vue, est plus fidèle à sa «perspective», affirme celui qui, à l’âge de 13 ans, a arrêté la danse par «honte». Dans la seconde moitié du film, Léo intègre l’équipe de hockey, summum de la masculinité… mais apparaît aussi, forcément, avec un casque qui lui met une grille devant le visage.

Lukas Dhont trouve à l’image l’opposé de la liberté des champs de fleurs du début, et donne par la même occasion le double sens à son titre : «close» traduit la proximité, ou le sentiment d’enfermement.

Si cette histoire d’amitié perdue fascine autant, y compris quand elle se dirige vers le mélodrame plus convenu et inondé de musique, c’est grâce à la présence déchirante du jeune Eden Dambrine. Élève à l’École royale de ballet d’Anvers (la même où a étudié Victor Polster, l’acteur de Girl), le jeune garçon racontait avoir été repéré dans le train par Lukas Dhont.

«C’était un peu le destin», s’est amusé l’acteur. «Le destin ou le hasard», renchérit Lukas Dhont, qui glisse avoir fait cette rencontre au moment où il écrivait les premières lignes du film. Du début à la fin, le jeune homme crève l’écran, et celui qui l’a dirigé ne tarit pas d’éloges.

Les séquences les plus émotionnelles et impressionnantes sont celles où Eden Dambrine partage l’écran avec la mère de Rémi, jouée par une lumineuse Émilie Dequenne, qui avait fait ses premiers pas au cinéma à l’adolescence, devant la caméra des frères Dardenne. Un nouveau cycle s’ouvre…

Close, de Lukas Dhont.

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