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Casemates/TOL/Centaure : le retour en force du théâtre luxembourgeois !


Avec Marc Baum dans le rôle-titre, Amadeus promet d'être l'incontournable des Casemates. (Photo : Boshua)

Qu’il lance un regard rétrospectif ou qu’il pousse un cri d’amour, aux Casemates, au TOL ou au Centaure, le théâtre luxembourgeois est plus que jamais vivant en cette sortie de pandémie.

L’habitude veut que le théâtre des Casemates, le Théâtre ouvert Luxembourg (TOL) et le théâtre du Centaure présentent ensemble leurs saisons respectives. Mais après un Covid-19 qui a mis à mal les plus petites institutions théâtrales du pays, la conférence de presse conjointe des trois théâtres, ce jeudi matin, avait un goût de victoire, que l’on espère définitive, sur la pandémie, encore une fois soulignée par un élan de solidarité, mais aussi beaucoup de joie.

Flash-back aux Casemates

Pour sa nouvelle saison, le théâtre des Casemates s’offre de jolis retours en arrière. C’est bien sûr l’histoire du Grand-Duché et de ceux qui l’ont faite qui sera racontée sur scène, mais pas seulement. C’est d’ailleurs le titre du premier spectacle de la saison, Aus der damaligen Gegenwart («Du passé au présent», le 24 septembre), une lecture des notes du journaliste allemand Paulheinz Wantzen sur l’occupation du Luxembourg par les nazis.

Pour le temps fort de la saison, les Casemates s’exportent aux Capucins. C’est une production 100 % luxembourgeoise, portée par la compagnie Independent Little Lies, de la fameuse pièce de Peter Shaffer Amadeus (première le 4 décembre), qui a donné lieu, en 1984, à une immense adaptation au cinéma par Milos Forman. De la création locale, toujours, en début d’année prochaine, avec un autre incontournable : Madame Köpenick (première le 12 janvier 2022), qui célèbrera à sa manière le centenaire de la disparition de Wilhelm Voigt, imposteur et escroc allemand plus connu sous son surnom de «capitaine de Köpenick». La comédie, écrite par Guy Helminger, racontera notamment la dernière décennie de sa vie, marquée par son arrivée à Luxembourg, où il mourra en 1922, et sa rencontre avec une jeune veuve.

Une lecture, encore, avec Marc Limpach, à la tête du répertoire des Casemates, et l’acteur allemand August Diehl (Inglourious Basterds, Le Jeune Karl Marx, A Hidden Life…) : Die Weltbühne (le 10 février 2022) concentre «le meilleur et quelques curiosités» parues dans le magazine culturel allemand du même nom, lieu d’expression du monde intellectuel, entre 1918 et 1933, année où il est interdit de publication par le parti nazi. Plus proche du Grand-Duché, Pitt Simon jouera le monologue Ein Vortrag (le 30 mars 2022) à l’occasion des 80 ans de la mort de son auteur, Frantz Clément, tandis qu’Eugénie Anselin se glissera, en fin de saison, dans la peau d’Andrée Mayrisch, fille unique d’Émile et Aline Mayrisch, avec un autre monologue, Schnouky (première le 25 avril 2022), basé sur les lettres d’une fille – qui signait «ton fils» – à sa mère. Tout un programme.

Aude-Laurence Biver mettra en scène la première pièce de Kae Tempest, «Fracassés». (Photo : TOL)

Le cri d’amour du TOL

Pour Véronique Fauconnet, la saison passée a fait l’effet d’une «machine à laver», secouée dans tous les sens par les effets d’une pandémie qui n’a pas facilité l’accès du public au théâtre. Mais la directrice du TOL a enfin pu annoncer, tout sourire, que son établissement accueillera de nouveau le public dès le 7 octobre pour le premier spectacle de la saison qui, comme la date ne l’indique pas, s’intitule Le 20 novembre, du Suédois Lars Norén. Ce n’est pas un soupir de soulagement pour Véronique Fauconnet, mais bien un cri : le cri, c’est en effet le «fil rouge» de la saison 2021/2022, après une période faite aussi bien de «désarroi» que de «joies extrêmes».

La création de pièces contemporaines en langue française marquera évidemment la saison. Avec un incontournable à découvrir : Fracassés (première le 3 février 2022), la première pièce de l’artiste et rappeuse britannique Kae Tempest, ode à une génération à la dérive. Pour l’occasion, et «pour assurer les arrières» du TOL et de son équipe, le spectacle, mis en scène par Aude-Laurence Biver, profitera du partage de plateaux, toujours en cours pour la saison à venir, entre les théâtres de la capitale, et sera ainsi jouée aux Capucins. Il en sera de même pour Chanson douce, mise en scène de Véronique Fauconnet d’après le roman de Leïla Slimani, qui investira, elle, le TNL (première le 25 février 2022).

Un dernier moment fort, qui promet l’extravagance et un retour sur la scène du TOL : Le Retour de Lucienne Jourdain (première le 12 mai 2022). L’auteur luxembourgeois Tullio Forgiarini donne une suite à son court roman noir et absurde La Ballade de Lucienne Jourdain, publié en 2015, mais sur les planches, dans une mise en scène de la Messine Pauline Collet. Après avoir tué son mari et un vendeur de voitures, après une escapade parisienne au volant d’une Mercedes décapotable, l’héroïne sexagénaire revient à Luxembourg, où les deux cadavres n’ont pas bougé de sa cave. L’auteur est «encore en phase d’écriture», précise Véronique Fauconnet, mais, à en croire le style décalé de l’auteur, on peut s’attendre à rire du pire… pour le meilleur.

Première création de la saison au Centaure, «Pour quoi faire?» jouera au Théâtre de la Manufacture, à Nancy, ce week-end. (Photo : boshua)

Le Centaure mise sur le national

Lui aussi profitera du partage de plateaux pour la saison à venir. «Même hors Covid, le Centaure crée la claustrophobie», plaisante sa directrice, Myriam Muller. Alors pour ses créations et reprises en 2021/2022, le théâtre du Centaure donnera rendez-vous au public au Kinneksbond, aux Capucins, au CAPE et ailleurs. Un changement de lieu qui ne fait que rendre plus pertinent l’axe que l’établissement veut suivre cette saison : du théâtre contemporain et, surtout, national.

La directrice du théâtre revient par la force des choses sur la période passée : «Dans les faits, si nous n’avions pas eu de politique de soutien à la création luxembourgeoise, nous aurions peut-être rouvert les théâtres en janvier sans avoir rien à y montrer.» «Il faut chérir la création nationale !», insiste-t-elle. De fait, la saison du Centaure ne contient qu’une pièce non luxembourgeoise, l’habituel classique de la saison étant Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce, mis en scène par Myriam Muller elle-même, qui «voulai(t) faire cette pièce depuis longtemps» et qui «poursuit un travail sur la famille et la mort» auquel elle tient beaucoup.

Du théâtre luxembourgeois, donc. En français, bien sûr, avec Moi, je suis Rosa ! (première le 27 décembre au Kinneksbond), une commande du Centaure à Nathalie Ronvaux, qui fait parler Lady Rosa of Luxembourg, statue de l’artiste féministe Sanja Ivekovic exposée en 2001 à côté de la Gëlle Fra, dont elle fut la sœur éphémère et controversée. Une pièce à la fois «historique et actuelle», selon Aude-Laurence Biver, qui la mettra en scène, et qui «invite le public à la discussion».

Avec Erop (première le 21 avril 2022 à la Kulturhaus de Mersch), le Centaure poursuit le travail commencé avec les commandes de textes initiée par les Théâtres de la Ville et le Kinneksbond pour le projet Connection. La version longue du monologue écrit l’année dernière par Romain Butti, en langue luxembourgeoise, sera mise en scène par Fabio Godinho. Le metteur en scène avoue avoir découvert Romain Butti à l’occasion de la première mouture d’Erop. «Son écriture formidable m’a fait retrouver l’amour du luxemburgeois, qui n’est pas une langue que j’utilise dans mon travail», a-t-il précisé. Après un passage remarqué à Avignon, Fabio Godinho présentera plus tard dans la saison une autre coproduction du Centaure, Sales Gosses, au théâtre du Saulcy, à Metz (les 9 et 10 juin 2022). Un vrai retour en force pour le théâtre du Grand-Duché et son rayonnement hors des frontières nationales.

 

Valentin Maniglia

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