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[Bande dessinée] Un monde en surchauffe


Avec trois histoires qui se chevauchent selon que la Terre a augmenté de 2, 3 ou 4 degrés, Ulysse Gry imagine un road-movie original, coincé entre Mad Max, les films de Sergio Leone et le dernier rapport du GIEC. Caliente!

Il fait chaud / Il fait de plus en plus chaud», prévenait déjà Passi dans son tube de 1997. Aujourd’hui, en moins sexy, c’est le GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) qui a pris le relais pour marteler ce que tout le monde sait mais refuse de voir : oui, la planète se réchauffe, le thermomètre arrive dans le rouge, et ça commence sérieusement à sentir le roussi. Tout ça en raison de quoi? Seulement quelques degrés de plus?

À son tour, Ulysse Gry rappelle que la différence est de taille et cherche à sa manière à maintenir éveillées les consciences. Rien d’évident, direz-vous, sous ce soleil de plomb, mais l’auteur met les formes dans un album expérimental qui tiendrait à cette simple formule : «Trois scénarios climatiques. Trois mondes parallèles. Trois façons de rôtir en enfer!». Car dans le futur, comme l’écrit l’éditeur, «c’est le climat qui fera loi. Et en la matière, chaque degré compte!».

Pour les présentations, il n’est pas étonnant d’apprendre qu’Ulysse Gry s’était déjà attaqué à la question climatique (La Revanche des espèces menacées, 2021) ou à des choses plus conceptuelles avec son frère (la série Un monde en pièces, toujours en cours). Ici, il découpe son livre en trois histoires qui se superposent et suivent la trajectoire hasardeuse d’un certain Josh Harper. On est alors en 2100 dans un décor de far-west et cette projection soulève une question essentielle : dans le futur, aurons-nous encore le choix?

En début d’ouvrage, l’anti-héros, comme le lecteur, en a un : se lancer sur l’un des trois chemins devant lui. Premier scénario : le monde a pris deux degrés, Josh est devenu chasseur de primes et il y a encore de l’espoir de sauver la planète. Deuxième scénario : le monde a pris trois degrés, il est devenu trafiquant d’organes et un régime militaire sévit. Dernier scénario : le monde a pris quatre degrés, Josh est devenu pilleur de tombes et dehors (comme dans sa tête), c’est le chaos!

Dans ce format horizontal à l’italienne, il est toutefois conseillé de suivre les trois récits en même temps, en sautant de l’un à l’autre. Car dans un jeu narratif, à l’instar des multivers de Marvel ou de la BD Imbattable, l’auteur crée des interactions entre les différents univers. Dans ces échanges, on retrouve aussi certaines figures récurrentes : il y a cette rouquine et ce costaud, en quête d’un trésor : la dernière nappe phréatique de l’Ouest. Il y a également la vieille Anita Buendia, née en 2023, tantôt présidente, tantôt résistante, tantôt à la rue et désespérée, comme tous les autres.

Seul ou accompagné, Josh Harper ne va pas connaître un trajet (ou plutôt des trajets) des plus reposants. Il est en effet confronté régulièrement aux aléas climatiques, dus à la hausse des températures : mégafeux, nuées d’insectes ravageurs, sècheresse, ouragan, tempête de feu, virus… Que dire alors du décor aride qui l’entoure, un désert garni de réfugiés climatiques, de villes souterraines, de stations-services qui vendent de l’oxygène, de sectes, de punks et de cannibales…

Sous ses airs pas trop sérieux et caricaturaux (mais sur la base de véritables projections scientifiques), ce triptyque permet au passage à Ulysse Gry de parler de son amour pour le cinéma post-apocalyptique à la Mad Max, mais aussi et surtout pour les westerns de Sergio Leone, avec toute la panoplie qui va avec : le climat sauvage, les coups de feu qui claquent et les répliques qui tapent. Sur cette intéressante base, il paraîtrait que le GIEC cherche une parade à sa stratégie de communication. Ça tombe plutôt bien : le monde, lui, n’en a plus beaucoup.

Pour quelques degrés de plus, d’Ulysse Gry. Presque Lune.

L’histoire

2100. Trois desperados sillonnent l’Amérique à la recherche d’un butin. Mais désormais, c’est le climat qui fait la loi! Mais jusqu’à quel point? Faites alors grimper le thermomètre de 2, 3 ou 4 degrés et regardez l’histoire changer : le monde est plus ou moins apocalyptique, les catastrophes naturelles plus ou moins fortes et les hommes plus ou moins dans l’embarras. Finalement, quelle que soit la cuisson de la Terre, pour Josh Harper, ce ne sera jamais une partie de plaisir…

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