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[Bande dessinée] Le nouveau départ de Soda


"Soda (Le Pasteur sanglant)", de Bruno Gazzotti et Olivier Bocquet aux éditions Dupuis.

Personnage culte de Dupuis né en 1986, Soda retrouve le dessinateur Bruno Gazzotti et entame sa seconde résurrection en dix ans. Normal, même pour un faux pasteur ! Découverte.

Une pastille rouge sur la couverture sert d’avertissement : «Faites vos prières, il revient!», prévient l’éditeur Dupuis. Une formule bien sentie qui annonce la renaissance d’un de ses héros cultes, imaginé en 1986 : Soda, acronyme de Solomon David, nom du personnage principal, un flic aux méthodes musclées qui se déguise en pasteur pour ménager sa mère malade du cœur. Une résurrection? Plutôt un nouveau départ après une longue errance courant sur presque deux décennies avec, au dessin, un autre retour : celui de Bruno Gazzotti.

Pour comprendre l’évolution de la série, ses succès comme sa mise à l’arrêt, il faut s’intéresser aux duos composites qui l’ont portée. Au scénario, dès le début, on trouve Philippe Tome (à qui l’on doit aussi Le Petit Spirou), mort en 2019. À ses côtés, jusqu’en 1988, il y eut d’abord le dessinateur Luc Warnant qui, après deux premiers albums, a laissé le troisième en chantier pour le confier à Bruno Gazzotti. Ce dernier lâche l’affaire à son tour dans les années 2000 après dix tomes et après avoir eu vent des envies du scénariste : un diptyque sur les attentats terroristes du 11 septembre 2001. Il trouvera toutefois dans ce départ son bonheur, avec le succès fou de la série Seuls.

Mais Philippe Tome a des idées arrêtées et embauche alors Dan Verlinden pour ce qui sera son dernier hommage (avant son décès) à son héros tête brûlée : Résurrection (2014). Un treizième album (porte-malheur ?) qui semble aujourd’hui gêner considérablement Dupuis, au point qu’il n’apparaît plus sur son site ni parmi les autres tomes historiques de la série. Même les librairies n’arrivent plus à mettre la main dessus. Circulez, y’a plus rien à lire! Une soudaine amnésie qui peut se justifier doublement : le trait rond des origines, très «jeunesse» (cible de l’éditeur), avait disparu pour un rendu plus brouillon. Pire, l’auteur, qui n’envisageait plus de voir son policier se balader à New York «comme si les attentats n’avaient pas eu lieu», écrivait-il, s’est pour ainsi dire lâché.

Conspiration, surveillance généralisée, rumeurs, paranoïa, dossiers «secrets» et lanceurs d’alerte : l’obsession du grand mensonge de Philippe Tome embarrasse, surtout quand il vise large (de l’incendie du Reischtag à l’assassinat de JFK) et s’étale en long (il consacre huit pages supplémentaires à la question en fin d’ouvrage). Il était alors nécessaire pour Dupuis de repartir d’une page blanche, d’oublier le diptyque initial, de retrouver une signature rassurante et de redémarrer sur des bases connues. D’ailleurs, dès la page 7 de ce nouvel album, intitulé Le Pasteur sanglant, les «Twin Towers» du World Trade Center sont bien debout. Le message est passé, merci.

Un saut en arrière qui a le mérite de remettre au goût du jour l’humour (certes noir) de Soda, son sens des punchlines et un décor apprécié : le New York multiculturel et trépidant des années 1980 (avec walkmans et machines à écrire!). Autour de cette histoire de tueur en série déguisé en plein Halloween, toutes les figures de la série reprennent aussi leurs habitudes : le Capitaine Pronzini et ses petites bêtes fugueuses ; le Sergent Bab’s, fourré dans d’autres draps que les siens ; la Caporal Linda Tchaïkowsky, fonceuse et amoureuse. Et, bien évidemment, Soda lui-même, qui utilise toujours l’ascenseur comme une cabine d’essayage.

Un retour en grâce qui ne révolutionne rien (le nouveau scénariste, Olivier Bocquet, suit à la trace son prédécesseur). Au contraire, il puise dans les recettes qui ont fait la réussite de la série : un polar en format court, simple et fictif, situé dans un monde violent dans lequel gravite un flic désabusé aux sombres pensées, insomniaque, accro à la clope et au café, un peu à mi-chemin entre Robin des Bois (pour sa générosité) et l’inspecteur Harry (pour le Colt Python qu’il porte en bandoulière et dont il use sans retenue). Dans une ville rongée par la corruption, le crime, la drogue, la prostitution et les trafics, il faut bien que quelqu’un si colle. De quoi en effet prier, pour lui et ceux qui le croiseront. Et pour que les retrouvailles durent.

L’histoire

Après une nuit agitée peuplée de cauchemars, Soda se réveille, constate qu’il a perdu la petite croix du revers de son veston et se rend sur les lieux d’un meurtre. La victime, une prostituée qui a une page de calendrier agrafée sur le front (et une petite croix au creux de la main), n’est pas morte et hurle en voyant Soda, l’accusant d’être son agresseur. Les crimes s’enchaînent et la population apprend à connaître un nouveau tueur en série surnommé le pasteur sanglant… Les séances de psychanalyse qu’on impose à Soda lui permettront-elles de se souvenir de ce qu’il fait de ses nuits?

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