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Avignon 2019, un festival en demi-teinte


Danseurs durant la répétition du spectacle "Outwitting the devil" du chorégraphe britannique Akram Khan. (Photo AFP)

Achevée hier, l’édition 2019 du festival d’Avignon a été trop dominée par les questions politiques et sociologiques, manquant alors de gestes artistiques forts. C’est ce qui ressort de 20 jours de programmation, d’où quelques satisfactions sont tout de même sorties.

Ode à l’Europe et au verbe

La cour d’honneur du palais des Papes, scène mythique qui accueille le spectacle d’ouverture du festival né en 1947, ne pardonne pas. La presse n’a pas été tendre avec Architecture, pièce de Pascal Rambert, pourtant l’un des dramaturges français vivants les plus joués au monde, et ce malgré une distribution de luxe (Emmanuelle Béart, Denis Podalydès).

La pièce de près de quatre heures sur une famille qui se déchire au début du XXe siècle et censée être une métaphore de l’Europe actuelle minée par les nationalismes « croule sous les poncifs historico-moralisateurs » selon le journal Libération, est « d’une verbosité éreintante » pour Le Figaro et a « assommé » le public selon Le Parisien.

Autre pièce ayant pour héros le Vieux Continent : Nous, l’Europe, banquet des peuples, un texte du prix Goncourt Laurent Gaudé mis en scène par Roland Auzet. Cette rétrospective lyrique de l’histoire de l’Europe, mêlée à de la musique metal, accueillait à chaque représentation un invité de marque, comme François Hollande le premier soir. Le spectacle a également divisé la critique, Le Monde louant un «banquet festif» (qui se termine par une invitation au public à danser sur scène), Les Échos évoquant un «banquet trop copieux» qui «déborde d’énergie jusqu’à l’excès».

Un véritable casse-tête chinois

Production très attendue car première pièce chinoise programmée dans l’histoire du festival, La Maison de thé, pièce-monument de Lao She revisitée par le metteur en scène Meng Jinghui, a déçu. Pionnier du théâtre contemporain chinois, il a en effet offert une relecture très décousue du texte étalé sur trois époques et dont le message sur les petites gens et les injustices sociales a été noyé par de la musique rock et une mise en scène étrange. Plusieurs dizaines de spectateurs ont quitté la salle au milieu de la première, ratant le tour de force de la fin : une énorme roue métallique tournant à 360 degrés, et représentant la marche de l’histoire écrasant le peuple. Télérama a carrément qualifié le spectacle de « flop » malgré une scénographie « à couper le souffle » et Le Monde, d’« opéra-rock brechtien pour le Palais des sports ».

De Rio à Moscou

Parmi les spectacles « rescapés », Le Présent qui déborde de la Brésilienne Christiane Jatahy, applaudi pour son parallèle entre l’Odyssée d’Ulysse et les réfugiés syriens et même les indigènes du Brésil menacés par Bolsonaro. Seul hic, ce n’est pas exactement une pièce puisque la majorité de l’action a été filmée dans les pays concernés et projetée sur un écran géant qui domine la scène (des comédiens dans la salle interagissent de temps en temps avec le public).

Sans être qualifié de chef-d’œuvre, le Outside de Kirill Serebrennikov, enfant terrible du théâtre russe interdit de quitter Moscou et seul grand nom international de cette édition, a été ovationné à Avignon et salué par la presse pour son « énergie incroyable » (Le Monde), « une ode à la liberté » (RFI). Il y est question du photographe chinois censuré Ren Hang.

Le Lewis versus Alice de Macha Makeïeff a été salué pour son univers «chatoyant» et dans Le reste vous le connaissez par le cinéma, une relecture des Phéniciennes d’Euripide, le jeu d’amatrices a été acclamé. Le coup de cœur du festival a clairement été Phèdre !, un seul en scène interprété par Romain Daroles qui a fait découvrir ce classique de manière drôle.

Des pousses encore vertes

Les nouveaux visages du festival n’ont pas trop convaincu, que ce soit Maëlle Poésy qui s’est saisi de l’Enéide de Virgile (« beaux tableaux » mais « texte boursouflé »), Julie Duclos, du Pelléas et Mélisande de Maeterlinck (« direction habile » mais « un peu trop sage »), Clément Bondu qui a écrit avec Dévotion une « pièce foisonnante mais hermétique » ou encore Tommy Milliot avec La Brèche de Namoi Wallace (« beau travail scénographique » mais « adaptation trop littérale »).

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