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[Album de la semaine] The Murder Capital : question de vie ou de mort


The Murder Capital ne choisit pas entre rage et fragilité, froid et chaud, poésie et dure réalité. (Photo : Human Season Records)

Gigi’s Recovery (rock), de The Murder Capital. Sorti le 20 janvier chez Human Season Records.

D’abord, un petit retour en arrière s’impose, direction l’année 2019. Presque une autre époque, encore vierge de toute crise sanitaire mondiale, et durant laquelle se battaient gentiment deux groupes de Dublin pour le titre symbolique de la meilleure promesse rock : Fontaines D. C. et The Murder Capital.

En tout cas, chacun y a mis du sien pour faire bonne figure : l’album Dogrel pour le premier et When I Have Fears pour le second. Deux belles secousses. Ce sera finalement leur seul point commun, en dehors de leurs origines et peut-être aussi cette capacité commune à cracher leur venin houblonné à la face du Brexit et de la bien-pensance. Mais l’un a choisi la colère punk et l’autre la mélancolie du romantisme.

Trois ans plus tard, les choses ont changé et pas seulement en raison de la pandémie. Fontaines D. C. remplit désormais plus facilement les salles que les pubs, évitant ainsi de perdre son temps au bar : A Hero’s Death (2020) puis Skinty Fiath (2022), deux disques d’une très belle maîtrise, prouvèrent qu’il avait de la suite dans les idées et une liberté à défendre, au point de remodeler son rock jusqu’à le rendre méconnaissable.

Qu’en était-il alors de The Murder Capital? Silence radio jusqu’à la sortie de ce Gigi’s Recovery qui, à son tour, s’affranchit des origines, ou plutôt les pousse plus loin sur des chemins de traverse. Exit les fantômes de Joy Division, référence bien trop encombrante. Place à un peu de soleil!

Un disque de contrastes

Dire que cette production, développée au gré des confinements et de l’instabilité politique, est un disque de contrastes n’est vraiment pas trop fort. Histoire de ne pas passer à côté de l’intention, The Murder Capital balise le terrain.

Avec une introduction (Existence) aux paroles assez claires («Je suis face à un sentiment étrange / Je n’arrive pas à l’admettre / Je perds pied / La vie s’arrête»). Et avec une conclusion (Exist) également transparente («Ce matin, j’ai pris la responsabilité / De rester à jamais dans ma propre peau / La vie change»). Partant d’une tonalité froide et inquiétante, on termine sur une guitare acoustique et une voix plus assurée. Le message est passé.

Oui, le chanteur James McGovern et sa bande semblent aller mieux, jusqu’à abandonner les couleurs monochromes de leurs débuts et ce spleen poisseux. Mais sur Gigi’s Recovery, la rémission est progressive, par étapes. Un album qui, en effet, gagne en éclat à mesure que les chansons défilent.

Ethel, un morceau épique d’une beauté à se damner

On passe ainsi par plusieurs stades : un début un brin déprimant avant que l’embellie ne s’annonce à travers les envolées d’un morceau épique, Ethel, d’une beauté à se damner. À travers celui-ci, et d’autres (comme le superbe Crying), The Murder Capital prouve tout son talent : celui de monter en puissance sur des chansons tout en tension, pour mieux s’en défaire.

D’autres titres démontrent une autre évidence : celle qu’a le quintette d’étendre sa palette musicale au-delà du chagrin et de la douleur, quitte parfois à s’aventurer sur des sonorités plus «mainstream» et «eighties».

Et surtout à s’ouvrir à l’amour, comme le raconte Only Good Things, dont le refrain résonne comme un cri du cœur («Montre-moi comment ne penser qu’à de bonnes choses / Comme c’est beau, comme c’est beau!»).

Un peu comme les Américains de Protomartyr, The Murder Capital ne choisit pas entre rage et fragilité, froid et chaud, poésie et dure réalité. Il les porte ensemble, enchevêtrés, car la vie est complexe. C’est vrai, Gigi’s Recovery ne déborde pas des joies du printemps, mais se fraye doucement un chemin vers la lumière. Demain n’est qu’une autre nuit à passer.

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