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À New York, la collection de Paul Allen vise le milliard


Selon les experts des maisons de vente, l'art est plus que jamais un investissement sûr aux yeux des grandes fortunes, dans un contexte économique difficile. (Photo : afp)

En mettant aux enchères les œuvres ayant appartenu au défunt cofondateur de Microsoft, Paul Allen, la maison de vente Christie’s vise le record historique du milliard de dollars, symbole d’un marché qui affole les compteurs malgré un monde secoué par les crises.

Moins connu du grand public que Bill Gates, avec qui il avait donné naissance à Microsoft en 1975, Paul Allen était un milliardaire touche-à-tout et féru de pop culture, de Jimi Hendrix à Nirvana ou Star Trek, dont il exposait les objets dans son musée de Seattle, sa ville natale. Propriétaire de plusieurs franchises sportives, comme les Seahawks de Seattle, il avait aussi amassé une collection d’art considérable, qu’il avait l’habitude de prêter à des musées avant sa mort en 2018. En 150 œuvres, mises en vente aujourd’hui et demain au siège de Christie’s, au Rockefeller Center de Manhattan, l’ensemble retrace plus de 500 ans d’histoire de l’art, depuis Botticelli et Canaletto jusqu’à Georgia O’Keeffe et Louise Bourgeois, en passant par Claude Monet, Francis Bacon, Edward Hopper et David Hockney.

Unique, l’assemblage l’est aussi pour sa valeur : plusieurs chefs-d’œuvre sont estimés à au moins 100 millions de dollars, comme Les Poseuses, ensemble (petite version) (1888) de Georges Seurat, un sommet du pointillisme, ou une Montagne Sainte-Victoire (1888-1890) de Paul Cézanne annonciatrice du cubisme. Figurent aussi le Verger avec cyprès de Vincent Van Gogh ou un tableau de la période tahitienne de Paul Gauguin, Maternité II (1899), qui représente sa maîtresse de 17 ans, Pahura. Cette période tahitienne de Gauguin, l’une des plus recherchées, est aussi devenue controversée en raison des relations du peintre avec des adolescentes quand il séjournait sur l’île.

Une photo du Flatiron estimé à 3 millions de dollars

Une autre pièce qui risque d’attirer l’attention est le cliché du Flatiron, emblématique bâtiment new-yorkais en forme de fer à repasser, photographié en 1904 par le photographe luxembourgeois Edward Steichen. Estimé entre 2 et 3 millions de dollars, The Flatiron pourrait être vendu beaucoup plus cher, comme l’a été, en mai dernier, Le Violon d’Ingres, de Man Ray, initialement estimé à 7 millions de dollars mais vendu plus de 12 millions, devenant ainsi la photographie la plus chère de tous les temps.

Même s’il s’était brouillé avec Bill Gates, Paul Allen avait signé son «Giving Pledge» en 2009 et la totalité des ventes sera versée à des organisations caritatives. Sa sœur Jody Allen, qui dirige la Fondation Paul-Allen, n’a pas donné de détail sur les œuvres qui en bénéficieront. La maison Christie’s, contrôlée par la holding Artémis de François Pinault, espère en tout cas marquer l’histoire du marché de l’art en totalisant plus d’un milliard de dollars. Ce serait un nouveau record, dans la foulée de la collection Macklowe, du nom d’un richissime couple new-yorkais, qui a atteint 922 millions de dollars chez la concurrente Sotheby’s au printemps.

Des Warhol emblématiques

Avec ces ventes, et celle du portrait de Marilyn Monroe Shot Sage Blue Marilyn, d’Andy Warhol, parti en mai pour 195 millions de dollars, un record pour une œuvre du XXe siècle, l’année en cours pourrait rester comme l’une des plus chères de l’histoire. Un autre Warhol emblématique, White Disaster [White Car Crash 19 Times] (1963), représentant un accident de voiture et dont trois seulement existent dans ce format monumental, sera vendu le 16 novembre par Sotheby’s, avec une estimation à plus de 80 millions de dollars. La société, qui appartient au milliardaire franco-israélien Patrick Drahi, enchaînera les enchères pendant quatre jours et dit s’attendre à la «plus grosse saison jamais vécue».

Le cliché du Flatiron, par Edward Steichen, sera mis en vente et estimé entre 2 et 3 millions de dollars

Selon les experts des maisons de vente, l’art est plus que jamais un investissement sûr aux yeux des grandes fortunes, dans un contexte économique difficile, plombé par la guerre en Ukraine et les risques de récession. «Les clients veulent diversifier leurs actifs, pour profiter de l’art et parce qu’ils savent que la plupart des œuvres continuent de prendre de la valeur avec le temps», explique Adrien Meyer, coprésident du département «Impressionnistes et Art moderne» chez Christie’s. «Il y a plus de milliardaires que de chefs-d’œuvre» disponibles sur le marché, résume-t-il, et «la demande est très diversifiée».

«Nous ne voyons pas de signe de ralentissement», confirme le vice-président de la maison de vente Phillips, Jeremiah Evarts, qui relève tout de même qu’«un grand nombre de collectionneurs regardent du côté du XXe siècle et se sentent peut-être plus confiants en achetant un Picasso, un Chagall ou un Magritte», des valeurs sûres. Phillips mettra notamment en vente le 15 novembre un tableau de Marc Chagall de 1911, Le Père, une œuvre volée par les nazis et récemment restituée par la France aux héritiers légitimes, qui ont décidé de s’en séparer.

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