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À la Villa Vauban, Dominique Lang fait forte impression 


Après les célébrations du centenaire de son décès, Dominique Lang (1874-1919) reprend l’air cet été à la Villa Vauban, qui le pose comme le plus important représentant de l’impressionnisme au Luxembourg. Mais pas seulement.

Il avait déjà eu droit à trois premières rétrospectives au pays (1939, 1953 et 1994), mais malgré tout, Dominique Lang restait un artiste difficile à cerner. Un personnage insaisissable, singulier, en décalage par rapport à ses origines et à son époque, celle de la révolution industrielle qui changera à jamais l’image de sa ville, Dudelange.

Cette dernière, en 2019, dans le cadre du centenaire de son décès, avait fait les choses en grand : quatre expositions d’un coup dans quatre lieux différents afin de célébrer l’enfant chéri et, au passage, de lever le voile sur les traces, parfois troubles, qu’il aura laissées.

Dans ce sens, afin d’étoffer les preuves, un appel à la population avait été lancé fin 2018 pour mettre la main sur des tableaux supposés cachés au cœur de collections privées, se confondant d’ailleurs allègrement avec ceux d’autres de ses contemporains (Guido Oppenheim, Frantz Seimetz, Eugène Mousset…).

Résultat? La demande a largement dépassé les attentes : le flou a été levé et le fonds d’œuvres s’est considérablement enrichi, grâce à des donations et autres achats dévoilant toute la palette de l’artiste. Soit des paysages, des nus, des scènes de la vie de tous les jours, des portraits et des «têtes de caractère».

D’Arlon à Sarrebruck

«Notre stock s’est multiplié, autant le montrer!», confirme Guy Thewes, directeur enthousiaste de la Villa Vauban qui, quatre ans après, sort à nouveau de son sommeil cette figure essentielle de l’art luxembourgeois, avec toutefois un angle d’attaque précis : le poser comme un peintre impressionniste, ce qu’il devint tardivement à partir de 1907, alors que la même année, Picasso inventait déjà le cubisme avec Les Demoiselles d’Avignon. Une orientation due à des voyages (Anvers, Paris, Rome, Florence, Londres…) et à sa formation dans une école de dessin à Munich, qui l’ouvre alors au travail «en plein air», loin du naturalisme et du réalisme.

Un courant qui va faire des petits dans la Grande Région et au-delà, ce que rappelle aussi le musée avec une sélection d’autres toiles qui passe par Arlon, Trèves et Sarrebruck, remontant même jusqu’à la France et Lille avec Félix Vallotton. Par contre, ici, point de Monet, Degas, Renoir ou Manet sur les murs, car trop difficile à avoir et trop en décalage (d’une trentaine d’années au moins). «Ça ne lui rendrait pas justice!», poursuit Guy Thewes. Ainsi, c’est dans ce contexte légèrement étendu, permettant de saisir les tendances artistiques de l’époque, que Dominique Lang reprend l’air.

Délicatesse et couleurs

Et c’est peu de le dire : «C’est une exposition d’été!», lâche dans un rire la curatrice attitrée de la Villa Vauban, Gabriele D. Grawe, en référence à ces tableaux représentant des fleurs, des ruisseaux, des forêts et des herbes hautes. «C’est léger, joyeux, lumineux», relaye son directeur, parlant de l’impressionnisme comme d’«une porte d’entrée à l’art».

À l’apogée de sa carrière, Dominique Lang était ainsi passé maître dans la manière de donner naissance à de splendides paysages sous l’effet de coups de pinceau souples et de couleurs multiples. En témoigne Le Barrage, œuvre qui reçut un accueil des plus élogieux lors de l’exposition du Cercle artistique en 1914.

Mais il n’est pas le seul à défendre avec élégance ce mouvement. Le musée le démontre en choisissant d’exposer parallèlement des tableaux de Frantz Seimetz (1858-1934), à tort souvent réduit à ses panoramas de la Moselle – il suffit de jeter un œil à ses nus d’une délicatesse folle pour s’en convaincre.

Que dire de Camille Nicolas Lambert (1874-1964), originaire d’Arlon, aux portraits flirtant avec une forme de surréalisme? Ceux de Dominique Lang illustrent quant à eux son évolution, depuis la représentation, voilée, de son neveu Jhempi en 1902, à celle bien plus éclatante d’une fillette (1906) et une autre de son épouse, proche du pointillisme (1917).

Exit la religion et l’industrie

Toutefois, réduire l’artiste à l’impressionnisme serait simplificateur. «Réducteur», tonne même Guy Thewes. D’abord parce qu’à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, les arts visuels présentent une grande variété de styles. «C’est un artiste qui a expérimenté, ne s’est jamais reproduit!», poursuit-il.

Une «curiosité», ensuite, qui va également aller de pair avec les hauts et les bas de son état mental, caractérisé par une alternance d’épisodes dépressifs et de phases euphoriques. En outre, contrairement aux expositions de Dudelange, celle-ci n’évoque pas son enracinement religieux, lui, le fervent catholique soutenu par l’abbé Bernard Frantz avec lequel il a entretenu une généreuse correspondance (et qui lui allège le sort d’artiste fauché en lui passant notamment commande de copies de tableaux célèbres).

Elle ne parle pas non plus, ou alors en creux, de l’histoire singulière de cet homme, paysan de souche, qui préfère la contemplation de la nature au dur travail de la terre, se heurtant non seulement à l’incompréhension de son père mais aussi à l’esprit d’une époque imprégnée à la fois de vitesse et de révolution. Pourtant graphiste des certificats de l’ARBED (le groupe sidérurgique qui deviendra Arcelor), le peintre refuse alors d’être le témoin de cette mutation, au point que certains de ses paysages éludent volontairement les détails d’une industrie naissante.

Umberto Cappelari, l’ami italien

Par contre, la Villa Vauban mentionne à nouveau le lien qu’a entretenu Dominique Lang avec le quartier italien de sa ville, celui des travailleurs et des gens de peu. Mieux, c’est là qu’il rencontre Umberto Cappelari. Ensemble, ils s’ouvrent à un art naissant : la photographie. Tous deux inaugurent même un studio à Dudelange où se côtoient deux mondes : celui de la bourgeoisie conservatrice luxembourgeoise, en opposition au milieu bouillonnant de l’immigration. De ces allers-retours naîtront, entre autres, deux portraits réalisés par le photographe, auxquels le peintre répondra par un grand nu de son compère, plutôt beau gosse d’ailleurs.

Ici et là, enfin, se dévoilent d’autres aspects de son travail, surtout sa prédilection pour les motifs allégoriques et sombres – un art du symbolisme qu’il ne quittera jamais véritablement, comme l’illustre son ultime tableau, Reconnaissance à la nature, que l’artiste n’a toutefois jamais pu achever en raison de son état de santé.

Mort trop tôt à l’âge de 45 ans, Dominique Lang n’a pas eu le temps d’embrasser d’autres courants. Son tableau Journée de l’aviation à Mondorf, réalisé en 1911, démontrait déjà son envie de se tourner vers l’expressionnisme. «Qu’aurait-il donc fait s’il avait vécu jusqu’en 1940?», se questionne-t-on, à juste titre, du côté de la Villa Vauban.

«Dans la lumière de l’impressionnisme? –
Dominique Lang et ses contemporains»
Villa Vauban – Luxembourg.
Jusqu’au 15 octobre.

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