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À Avignon, « Sopro » rend hommage à la souffleuse du Teatro nacional de Lisbonne


Cristina Vidal (au milieu), souffleuse du Teatro Nacional Dona Maria II de Lisbonne pendant 30 ans, est l'héroïne de "Sopro" au Festival d'Avignon. (photo AFP)

Elle a un droit de vie et de mort sur l’acteur, qu’elle peut sauver – ou pas – en lui soufflant sa tirade : Cristina Vidal, souffleuse du Teatro Nacional Dona Maria II de Lisbonne pendant 30 ans, est l’héroïne de « Sopro » au Festival d’Avignon.

Devenu directeur de ce théâtre équivalent de la Comédie-Française il y a deux ans, Tiago Rodrigues l’a convaincue de sortir du « trou » du souffleur pour raconter son métier sur scène. Ce ne fut pas sans mal : Cristina Vidal est une femme de l’ombre, qui répugne à se montrer sur scène. Lorsqu’elle s’est retrouvée en pleine lumière, c’était fortuitement, parce qu’un acteur avait soulevé le rideau derrière lequel elle se tenait, « une minute, une minute sur scène dans une vie », sourit-elle.

Dans Sopro (Souffle), donné du 7 au 16 juillet à Avignon, Cristina Vidal est cette femme âgée, tout de noir vêtue, l’air rébarbatif, un épais cahier à la main qu’elle éclaire de temps en temps de sa lampe torche. Elle murmure près de l’oreille des acteurs, qui interprètent son rôle et ceux de tous les protagonistes du théâtre : la directrice, l’acteur vedette qui est aussi son amant, etc.

Elle reste la souffleuse, en retrait. Son récit est porté sur scène par deux jeunes femmes, Beatriz Bras et Sofia Dias (la formidable actrice de Antoine et Cléopâtre, du même Tiago Rodrigues à Avignon il y a deux ans.

Un métier en voie de disparition

La pièce raconte la vie de la souffleuse, depuis sa découverte à 5 ans du trou du souffleur, jusqu’à son embauche à 21 ans, et son travail quotidien avec les comédiens, qu’elle appelle du nom de leur personnage : Clytemnestre, Harpagon etc.

Mais le spectacle va bien au delà : le décor d’herbes folles raconte un théâtre en ruine, menacé de disparaître. La souffleuse, métier en voie de disparition, est une métaphore des dangers qui guettent le théâtre, et Tiago Rodrigues, en amoureux fou de son art, étend son hommage à tout le théâtre, de Bérénice à Antigone, qui prennent vie sur scène.

La directrice dit adieu à son amant dans Bérénice : est-ce la vie ? est-ce le théâtre ? Tiago Rodrigues pourrait fort bien reprendre à son compte la célèbre tirade de François Truffaut dans La nuit américaine où il explique à son double Jean-Pierre Léaud que « les films sont plus harmonieux que la vie ». La vraie vie, c’est dans le travail qu’il faut la trouver, lui dit-il.

La vraie vie, c’est celle du théâtre, assure Tiago Rodrigues : « Et pour cela, il nous faut préserver les lieux publics et les lieux clandestins où nous pouvons rester en vie ».

A la toute fin de la pièce, Cristina Vidal, seule sur scène, joue enfin à voix haute quelques lignes de Bérénice, et un souffle d’émotion traverse le public, avant que la troupe l’acclame en coulisses.

Le Quotidien/AFP

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