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Théâtre d’Esch : l’intranquilité du poète portugais Pessoa à l’affiche


Dans Intranquillités - Suite pour âmes perdues, le spectateur plonge dans les pensées de Lena, comme Lena plonge dans le texte de Pessoa (Photo : Paulo Lobo)

Création, ce mercredi soir au théâtre d’Esch-sur-Alzette, « d’Intranquillités – Suite pour âmes perdues » de Rita Bento dos Reis, librement inspirée du « Livre de l’intranquillité » de Fernando Pessoa.

On la connaît avant tout en tant que comédienne, mais Rita Bento dos Reis a déjà co-mis en scène deux pièces, une au Mozambique, l’autre aux États-Unis. Pas surprenant alors que la directrice du Théâtre d’Esch, Carole Lorang, lui demande, au détour d’une conversation anodine, ce qu’elle voudrait monter à Esch si elle en avait l’occasion. «À Esch, je ferais du Pessoa», a immédiatement pensé celle que les amateurs de théâtre ont pu voir ces dernières années sur scène pour The Children et La Maison de Bernarda Alba, toutes deux mises en scène par Lorang justement et qui a également coécrit la pièce Fat Beckett.
«Il y a une énorme communauté lusophone à Esch et on n’a jamais fait une pièce autour de l’identité de tout ce public-là, ajoute-t-elle. Le Portugal est un pays de poètes, même si on a eu d’excellents dramaturges, mais mon inspiration principale c’est Pessoa. J’ai alors cherché et j’ai pensé au Livre de l’intranquillité, son œuvre majeure.» D’une simple discussion, cette idée est devenue un projet théâtral, une pièce.
Voici donc la comédienne à l’aube de sa première mise en scène, chez elle, au Grand-Duché. «Un challenge énorme, reconnaît néanmoins Rita Bento dos Reis. J’avais envie depuis très longtemps de mettre en scène au Luxembourg, mais je voulais trouver le bon projet, les bons comédiens, la bonne équipe, etc.»

Syndrome de Stendhal
De ces 500 pages écrites en prose du Livre de l’intranquillité, la metteuse en scène a gardé l’essence, cette «sorte d’encyclopédie mentale de la difficulté du rapport au monde et du besoin viscéral de s’exprimer»; l’idée d’identification qu’elle a ressentie, elle, à la lecture du texte ou encore cette impression de se «créer une mémoire personnelle». Pour le reste, elle crée autour une pièce moderne, d’aujourd’hui. «Je voulais parler d’une lectrice qui tombe dans le livre, dans le pays de l’intranquillité à l’instar d’Alice qui tombe au pays des Merveilles. Je voulais aussi parler de quelque chose de caractéristique de notre pays, le Luxembourg : son multilinguisme, ses différentes identités. Comment ça peut être problématique, mais être aussi une énorme richesse.»
En d’autres termes, Rita Bento dos Reis a reproduit à sa manière, avec Lena, le personnage de la pièce, le fonctionnement de Pessoa, qui a fait de Bernardo Soares, son alter ego littéraire dans Le Livre de l’intranquillité. «Mais je me suis aussi beaucoup inspirée de femmes aux identités, nationalités et langues multiples qui adorent l’art, et de différentes histoires de migrations que je connais autour de moi.» Sur scène, Hana Sofia Lopes sera Lena, une Portugaise, née et ayant grandi au Grand-Duché, parfaitement intégrée, parlant toutes les langues du pays et travaillant dans une fiduciaire au Kirchberg. Dans sa chambre se trouve une malle, comme celle où Pessoa aurait laissé des milliers de pages de ses textes. Elle va plonger dedans, se passionner pour la lecture et lancer un podcast de lectrice dans lequel elle parle d’elle et de ce qu’elle ressent en lisant.

Le français, langue des rêves
Pendant qu’elle lit des extraits de Pessoa, elle ressent le syndrome de Stendhal, cette maladie psychosomatique qui provoque des vertiges, à cause d’une trop grande beauté artistique. Elle fait alors la connaissance de Bernardo Soares, interprété par Denis Jousselin. Ces deux solitudes vont alors se rencontrer et les deux personnages se raconter. Une rêverie bien évidemment – d’où cette scénographie, signée Peggy Wurth, avec cette chambre qui semble presque flotter sur la scène –, contrecarrée par une réalité présentée pendant la pièce à travers les vidéos tournées par Isabel Bento dos Reis.
La pièce, résolument tournée vers la littérature portugaise, Pessoa en tête, et la communauté lusophone du Luxembourg est proposée en français. Deux raisons à ce choix : «Lena se pose beaucoup de questions sur son identité linguistique, elle trouve dans le français une langue neutre, sans charge émotionnelle, dans le sens où elle n’est ni celle de la maison ni celle de l’école, mais la langue de la télé, de la fiction, des rêves…», explique la metteuse en scène qui avait, en outre, «envie de montrer tout ce qu’il y a de beau au Portugal – Pessoa, c’est juste magnifique –; surtout que l’image qu’on a parfois ici du Portugal est un peu… réduite. J’ai envie de l’élargir et d’atteindre donc tous les publics, pas uniquement le public portugais».

Pablo Chimienti

Théâtre d’Esch, ce mercredi à 20 heures, puis samedi à 20 heures et dimanche à 17 heures.

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