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Temps de travail : l’Espagne veut en finir avec ses journées interminables


Déjeuner à 15h00, courses à 20h00, prime time jusqu’à minuit : l’Espagne veut s’attaquer à ses journées de travail interminables minant santé et productivité et pourrait même pour cela s’aligner sur le fuseau horaire de Londres.

La ministre du Travail du gouvernement conservateur Fatima Bañez a promis lundi de rapidement présenter un projet de « pacte national » pour la conciliation entre vie privée et vie professionnelle afin que « la journée de travail en Espagne se termine, en général, à 18h00 », contre 19h00 pour un salarié sur trois et même 21h00 dans un cas sur dix.

En Espagne, la journée de travail standard commence à neuf heures et comprend une pause de deux heures l’après-midi pour reprendre ensuite pour plusieurs heures.

Ces horaires retardent par ricochet la fermeture dans les petits commerces, l’heure du dîner et les émissions de télévision. Et selon le centre d’études sociologiques (CIS), un Espagnol sur quatre se couche après minuit !

Nuria Chinchilla, économiste et membre de l’Association pour la rationalisation des horaires, évoque la longue liste des conséquences négatives de ces rythmes : productivité inférieure à celle d’autres grandes économies, moins de vie familiale.

Comme les Espagnols dorment moins, ils sont moins concentrés et ont du coup davantage d’accidents du travail, souligne-t-elle.

Une fois à la maison, « nous n’avons pas assez d’enfants ni l’énergie pour les aider » à grandir résume Nuria Chinchilla, professeur à l’IESE Business School de Barcelone, évoquant le taux de natalité en berne (le deuxième plus bas dans l’Union européenne après le Portugal) et l’échec scolaire, un des plus élevés d’Europe.

La sieste moins pratiquée

Ces horaires ne sont cependant pas « culturels », comme on le croit, note l’expert belge Jos Colin, un entrepreneur ayant travaillé sur le sujet pour le compte de l’Association de rationalisation des horaires et qui a exposé les résultats de ses recherches devant le Parlement.

Ils remontent au lendemain de la guerre civile (1936-1939).

La crise ayant alors suivi la guerre amenait les Espagnols à cumuler deux emplois, un officiel jusqu’à 15 heures, « puis ils avaient une seconde journée parce que l’Espagne d’après-guerre n’avait pas de ressources », explique Jos Collin.

Mais en réalité, dans les années 1930, on déjeunait à 13 heures et on dînait à 19h30, selon José Luis Casero, chef d’entreprise et président de l’Association pour la rationalisation des horaires.

Ensuite, le dictateur Francisco Franco a ordonné en 1940 d’aligner le fuseau horaire de l’Espagne sur celui de l’Europe centrale, même si géographiquement elle devrait être sur celui de Londres.

Le repas n’est donc pas plus tardif qu’ailleurs en heure solaire, assure-t-il. « Si vous mangez à 14h30, en réalité, vous le faites à 13h30 ».

La ministre a d’ailleurs proposé de mettre fin à ce décalage en alignant l’Espagne sur l’heure britannique, comme son voisin portugais l’a déjà fait : selon certains experts, les Espagnols vivraient alors en accord avec l’heure solaire et recommenceraient à déjeuner plus tôt et à se coucher avant.

La société commence à évoluer, même si certains apprécient les deux heures de pause méridienne.

Ainsi, la sacro-sainte sieste ne serait plus pratiquée que par 16% des Espagnols, selon une étude d’un fabriquant de lits datant de 2009. Et les habitudes chez les cadres des grandes villes changent.

« La tendance à rester jusqu’à 21h00 et après à boire un dernier verre avec le chef pour espérer un avancement professionnel n’est plus de mise », assure le chef des ressources humaines de la Banque March Anselmo Martin-Penasco.

Cette banque d’affaires familiale de 1.200 employés a mis en place il y a deux ans des mesures pour réduire les conflits travail/vie privée, en facilitant la flexibilité des horaires et des congés.

Mais alors que la nécessité de la réforme fait consensus, des tentatives de légiférer ont déjà échoué.

Le consensus actuel pourrait ne pas déboucher sur le bonheur de tous salariés car les objectifs sont divergents : pour certains, il s’agit de concilier vie privée et travail, tandis que pour d’autres il faut accroître la productivité et la flexibilité des horaires, ce qui ne va pas toujours ensemble.

Une réforme des horaires « pourrait stipuler que la journée (de travail) se termine à dix-huit heures (…) mais s’accompagner d’une hausse des heures supplémentaires », craint Isabel Araque, porte-parole du syndicat UGT.

Le Quotidien / AFP

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