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« Il me touchait comme un sauvage » : des victimes de Preynat livrent leurs traumatismes


"J'étais très loin de tous les agresser, Dieu merci ! ", s'est exclamé l'ancien prêtre mercredi. (photo AFP)

« Il parle de caresses. Ma femme me caresse. Lui, c’était de la masturbation; il me touchait comme un sauvage », s’indigne à la barre une victime de Bernard Preynat, jugé à Lyon pour de multiples agressions sexuelles sur des enfants.

« Il me baissait mon short, me touchait le sexe, me masturbait, m’obligeait à me masturber et m’a demandé parfois de le masturber, de caresser son sexe… Il me retournait pour se frotter contre moi », explique mercredi devant le tribunal correctionnel Stéphane Hoarau, 8 ans à l’époque des faits, ajoutant que ces abus s’étaient déroulés plusieurs fois dans la chambre de l’ancien homme d’église.

Selon lui, les jeunes proies de Bernard Preynat se succédaient parfois dans un même local. Appelé par le prêtre sous le prétexte de l’aider à quelque chose (un mode opératoire fréquent chez lui), Stéphane Hoarau se rappelle avoir croisé en arrivant un petit garçon, regard fuyant, tête basse, qui sortait d’une pièce où se trouvait Preynat. « J’ai vraiment eu l’impression qu’il lui avait fait subir la même chose qu’à moi », dit-il. « Moi, j’avais confiance ».

Au début. Mais « je ne suis pas né sous une bonne étoile », souligne Stéphane Hoarau, placé à l’âge de 4 ans en famille d’accueil après avoir été déjà victime d’un prédateur sexuel dans son entourage familial. Il avait été inscrit par sa famille d’accueil chez les scouts du groupe de Preynat pour « le recadrer ». Ce qu’il récolte ce sont des attouchements, des agressions sexuelles répétées. Il portera plainte en avril 2016 après de longues années de silence. Après les scouts, s’en suivront d’autres galères, familles d’accueil, foyer, foyer de jeunes travailleurs et « mise à la rue » à 18 ans à peine.

Depuis, « je me suis marié ». « J’ai des enfants mais j’ai beaucoup de mal à les toucher », reconnaît-il, attribuant ses difficultés à les câliner au traumatisme vécu dans son enfance, sous l’emprise du « père Bernard ». « Ces réticences, il y a un lien de cause à effet avec ce qui m’est arrivé ».

J’avais peur de devenir moi-même un agresseur

Une autre victime témoigne d’horribles « flashes » quand elle change les couches de ses jumeaux, des petits garçons de deux ans. « Parfois, quand suis amené à les changer, des visions me reviennent. Des craintes me reviennent », raconte la voix étranglée Stéphane Sylvestre qui a déposé plainte en 2015. « Alors que changer un enfant, c’est très loin des caresses sur le sexe » de Preynat. Mais « j’avais peur de devenir moi-même un agresseur ».

Il se souvient des attouchements de l’ex-prêtre sur son sexe, notamment dans les bureaux du premier étage de l’église Saint Luc. Quand Preynat l’agressait, « il pouvait parler de scoutisme, complètement en décalage avec ce qu’il me faisait. Je dis ça maintenant avec ma vision d’adulte », relève Stéphane Sylvestre. « J’ai voulu quitter les scouts et quand j’ai pu enfin en partir, je me suis adossé et écroulé le long du mur. Ses parents s’en étonnent et Stéphane parle enfin : « Un homme m’a caressé; il a mis sa main dans mon short ». Heureusement, « mes parents m’ont cru aussitôt et ça m’a beaucoup aidé ». « A l’époque, j’avais l’impression d’être la seule victime ». Quand on est abusé, « on est un pantin dans un corps qui ne nous appartient plus », dit-il, la gorge serrée.

Face à ses victimes, Bernard Preynat, comme depuis le début de son procès, reconnaît partiellement les faits et leur demande pardon. « Je regrette de l’avoir rendu malheureux », dit l’ancien prêtre de 74 ans après le témoignage poignant de Stéphane Sylvestre. « J’étais très loin de tous les agresser, Dieu merci ! « , s’était-il exclamé un peu plus tôt, en réponse à la présidente du tribunal qui soulignait de sa part « une multiplicité d’actes sur une multiplicité d’enfants pendant une vingtaine d’années ».

Dix parties civiles, sur 35 victimes entendues pendant l’enquête, sont constituées au procès, beaucoup de faits étant frappés de prescription. L’une des victimes parties civiles, Frédéric Sarrazin, ne s’est pas présenté à l’audience. Le présidente Anne-Sophie Martinet a indiqué que seraient entendus dans l’après-midi les experts qui ont tenté de sonder la personnalité de Bernard Preynat, prêtre adulé et pervers sexuel.

LQ/AFP

Il dit avoir lui-même été abusé

L’ex-prêtre a par ailleurs révélé mercredi avoir lui-même été victime d’abus dans sa jeunesse. A la barre, l’ancien curé de Sainte-Foy-les-Lyon a indiqué en avoir fait état dans une lettre adressée à l’administrateur apostolique Michel Dubost, qui remplace le cardinal Philippe Barbarin dans la gestion du diocèse de Lyon depuis sa condamnation en mars pour ses silences sur le cas Preynat.

Dans ce courrier, écrit l’été dernier au moment de son procès apostolique – à l’issue duquel il a été expulsé de l’Église – Preynat raconte avoir été « victime d’un prêtre au séminaire, d’un moniteur qui (l)e caressait sous la douche ». Il y explique avoir été successivement agressé sexuellement par un sacristain de sa paroisse, un séminariste et un prêtre au petit séminaire entre sa sixième et sa quatrième.

Interrogé peu après en marge de l’audience, son conseil Frédéric Doyez a confié avoir été pris de court par ces révélations. « Il ne m’en avait jamais vraiment parlé. Quand on subit des agressions de ce type, il y a une honte », a déclaré l’avocat. « Je ne dirais pas que je suis étonné. C’est ce qui se passe lors d’une audience. Mais s’il n’en avait pas parlé, c’est peut-être par crainte que l’on pense que c’est en quelque sorte pour se dédouaner », a-t-il ajouté.

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