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[Cinéma] « Orpheline » : une femme, quatre visages


Avec Orpheline, Arnaud des Pallières offre un portrait cru de femme servi par un quatuor d’actrices.

À mille lieux du marchand de chevaux justicier de Michael Kohlhaas, Arnaud des Pallières s’attache pour la première fois d’aussi près à un destin féminin dans Orpheline, fort d’un quatuor d’actrices remarquables. Adèle Haenel, Adèle Exarchopoulos, Solène Rigot et Vega Cuzytek incarnent les quatre âges – 6, 13, 20 et 27 ans – de l’héroïne, en butte à une enfance brisée, une adolescence violentée et une maturité empêchée par un lourd passé.

Grandir, vivre, survivre… Le combat d’une femme. Son nom, on l’ignore. Elle a plusieurs visages qu’elle promène dans une existence où le chaos tient une place principale. Une existence où il y a l’amour et aussi le désamour, la violence également… C’est Orpheline , le nouveau film d’Arnaud des Pallières. Le réalisateur évoque l’origine de son projet : la transposition de l’histoire personnelle de sa coscénariste sur Michael Kohlhaas, Christelle Berthevas.

Ce qui lui permet, au passage, de combler « un manque dans mon travail ». « Après m’être beaucoup intéressé aux personnages masculins, je voulais montrer un portrait de femme , explique-t-il . Je voulais aussi me baser sur une vie réelle et non pas sur un roman ou une nouvelle. J’ai donc demandé à Christelle Berthevas d’écrire tout ce qui se rapportait à son enfance et sa jeunesse pour y puiser des éléments qui allaient enrichir et romancer le récit. »

Cadre serré et grain brut

Ainsi, l’histoire crue de cette femme qui se fraye un chemin à travers la violence de la vie est inspirée « quasiment à 100  % » de son enfance, mais le personnage adulte –  incarné par Adèle Haenel – a lui été « principalement inventé ». Autre point sur lequel s’attarde le réalisateur  : le titre du film  : « Il me plaît beaucoup parce qu’il est et évident et mystérieux. Cette fille-femme est orpheline parce que ses parents n’ont jamais compris ou su qui elle était. Mais on peut le dire autrement  : le film est perçu du point de vue du personnage. Il n’y a pas d’autre vérité que le sien.»

Donc, à 55  ans et huit longs métrages au C  V (dont Adieu en 2004 et Michael Kohlhaas en 2013), Arnaud des Pallières signe une œuvre singulière et glisse s’être inspiré des personnages féminins interprétés par Sandrine Bonnaire chez Maurice Pialat et Agnès Varda ou encore par Mouchette (1967) de Robert Bresson et La Petite Véra (1988) de Vassili Pitchoul.

Le portrait d’une femme à quatre âges de sa vie. D’abord, une fillette de la campagne, prise dans une tragique partie de cache-cache. Ensuite, une adolescente ballottée de fugue en fugue, d’homme en homme. Puis, une jeune provinciale venue à Paris où elle flirte avec la catastrophe et la frôle. Enfin, une femme accomplie –  elle se croyait à l’abri de son passé…

Pour cette histoire d’orpheline, le réalisateur a choisi de commencer par la fin, pour mieux dessiner, esquisser un carré de femmes. Il s’explique  : « Toute l’aventure pour moi consistait à essayer de vivre et sentir du point de vue du personnage féminin. » « C’est quoi traverser toutes ces épreuves, toutes ces expériences dans la peau d’une femme? », souligne le cinéaste

Ni film psychologique ni polar, le film « traverse plusieurs univers, qu’on soit dans une casse automobile avec la petite fille, dans une boîte de nuit avec l’adolescente, dans le milieu interlope des hippodromes ou sur les routes en Roumanie », relève le réalisateur, qui s’est ainsi appuyé sur quatre actrices différentes  : Adèle Haenel, Adèle Exarchopoulos, Solène Rigot et Vega Cuzytek. Avec ses gros plans sur les visages, son cadre serré, son grain brut, le film réussit à faire de ses quatre actrices un seul personnage, bouche barbouillée de rouge et regard noyé de rimmel. Chacune porte pourtant un nom différent  : Kiki, Karine, Sandra, Renée.

« Le personnage ne cesse de fuir toute assignation familiale, sociale , explique le réalisateur , et s’invente à chaque âge une identité à la hauteur de ses désirs. » Mais c’est bien la même fille qui grandit, mûrit, se reprend en main silencieusement pour finalement dire «stop» et renverser le cours des choses. Avec sa mise en scène sophistiquée, un personnage fragmenté, un récit à rebours, une dramaturgie angoissante, Orpheline , c’est la chair et les mots. Du cinéma «interpellant».

Serge Bressan

Orpheline, d’Arnaud des Pallières (France, 1 h 51) avec Adèle Haenel, Adèle Exarchopoulos…

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