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Télétravail frontalier : je refuse de retourner au bureau, qu’est-ce que je risque ?


Photo : pixabay

Depuis le 1er juillet dernier, les accords illimités mis en place entre la France et le Luxembourg durant la pandémie ont pris fin. Les quelque 216 000 frontaliers que comptent le Grand-Duché ont donc repris le chemin des bureaux, souvent à contrecœur. Est-il possible d’échapper aux règles et de poursuivre son activité en télétravail ? On fait le point.

Que ce soit sur les routes ou à bord des trains, aucun doute, vous avez certainement remarqué un certain changement ces derniers jours. Davantage de monde, toujours plus de bouchons… Le retour à la vie d’avant pandémie a frappé de plein fouet les travailleurs frontaliers, qui ne peuvent plus jouir du télétravail illimité depuis le 1er juillet dernier.

Une source de conflit parfois au sein des entreprises, obligées de faire respecter les quotas imposés par les conventions fiscales et de Sécurité sociale entre les pays. Pour rappel, les frontaliers français sont soumis fiscalement à 29 jours de télétravail, 34 pour la Belgique et 19 pour l’Allemagne. Du moins, s’ils veulent éviter de payer des impôts dans leurs pays de résidence.

Côté sécurité sociale, 25% du temps de travail du salarié est autorisé à son domicile, soit environ un jour par semaine. Mais le gouvernement a annoncé le 24 juin dernier qu’une souplesse de six mois serait accordée pour ce volet social. En clair, les frontaliers français pourront dépasser le quota de 25% sans répercussion jusqu’au 31 décembre prochain.

Mon employeur est-il obligé de me faire revenir au bureau ?

Comme l’explique le LCGB dans sa nouvelle brochure dédiée au télétravail, ce-dernier est soumis au principe du double volontariat employeur-salarié, sous forme d’un accord bilatéral entre les deux parties. Cet accord vaut aussi bien pour le passage vers le télétravail, que pour le retour vers la formule classique du travail au sein de l’entreprise. En somme, le télétravail n’est ni un droit, ni un devoir.

La Chambre des Salariés précise également sur son site que «l’employeur n’a pas d’obligation légale de faire droit à cette demande» Il doit en revanche «fournir, installer et entretenir les équipements nécessaires au télétravail». Si, exceptionnellement, le télétravailleur utilise son propre équipement, «l’employeur en assure l’adaptation et l’entretien». Il en va de même pour les coûts directement engendrés par le travail à domicile, comme ceux liés aux communications par exemple.

Faut-il obligatoirement un accord écrit ?

L’accord volontaire entre parties requiert une preuve écrite. La forme de l’écrit devient moins formaliste. Il se fait soit au niveau collectif (c’est-à-dire avec des conventions collectives, des accords d’entreprise ou avec la délégation) ou du contrat de travail pour le télétravail régulier ; soit sous forme de confirmation écrite (courriel, SMS, etc.) pour le télétravail occasionnel. Lorsqu’il est régulier, les éléments suivants doivent être définis d’un commun accord par écrit entre l’employeur et le salarié, selon le LCGB :

  • le lieu du télétravail ou les modalités pour déterminer ce lieu ;
  • les heures ou jours de télétravail pendant lesquels le télétravailleur fait du télétravail et doit être joignable pour l’employeur
    ou les modalités pour déterminer ces périodes ;
  • les conditions de retour du télétravail ;
  • les modalités de compensation éventuelle des avantages en nature non liés à la présence dans l’entreprise ;
  • le montant forfaitaire pour la prise en charge des frais de communication en télétravail.

Des accords individuels ne sont pas forcément nécessaires en cas d’accords au niveau collectif. Au niveau individuel, le règlement grand-ducal n’exige pas la conclusion d’un avenant au contrat de travail.

Quelles sont les conséquences au niveau fiscal ?

L’imposition de la rémunération du salarié frontalier est maintenue à 100% au Luxembourg si les seuils fixés par les conventions fiscales et sociales ne sont pas dépassés. En cas de dépassement, «le salaire en relation avec l’intégralité des heures travaillées dans le pays de résidence» est en général imposable dans le pays de résidence du salarié.

Si un audit est réalisé au sein de votre entreprise, si vous déclarez un accident de trajet/travail en heures de bureau chez vous ou si une dénonciation ou encore des contrôles aléatoires sont réalisés sur votre lieu de travail, vous risquez de devoir payer un rattrapage de cotisations.

À cette fin, les différentes autorités fiscales sont en droit de demander des preuves quant à la présence physique des frontaliers sur le territoire au Luxembourg. Cela passe par un monitoring des jours de télétravail recensés, mais aussi des mails de rendez-vous, des tickets de parking ou d’abonnements de trains par exemple.

Quelles sont les répercussions au niveau de l’affiliation à la sécurité sociale ?

Les personnes qui résident en dehors du Luxembourg restent affiliées au régime luxembourgeois de sécurité sociale, à condition de ne pas travailler plus de 25% du temps dans leur pays de résidence. S’ils dépassent ce quota, des sanctions peuvent s’appliquer à la fois pour les employeurs et les salariés : augmentation des charges patronales, fiches de paie conformes aux pays de résidence, cotisations sociales plus importantes ou encore fin des droits aux allocations familiales du Luxembourg, etc.

Des conséquences qui ne s’appliqueront pas pour cette année 2022, avec la mise en place de la «période transitoire», permettant de dépasser, sans conséquence, ce seuil.

Mon entreprise autorise 45 jours de télétravail : comment faire ?

Plusieurs entreprises se sont adaptées à la sortie de la crise du Covid-19 et proposent davantage de jours de télétravail à leurs salariés. Si votre entreprise vous permet de télétravailler 45 jours, mais que vous êtes limités à 29, 34 ou 19 jours par les accords fiscaux de votre pays, libre à vous de prendre la décision de réaliser ces jours ou non, en prenant le risque d’être imposable dans votre pays de résidence. Encore une fois, c’est une décision bilatérale à prendre avec votre employeur, en connaissance de cause.

La plupart des employeurs se conforment aux limites fiscales de chaque pays frontalier. Pour bien faire, ils devraient aussi mettre en place un «monitoring des jours de télétravail», comme pour les congés, afin de suivre les compteurs de chaque collaborateur et ainsi veiller à ce que les dispositions prises en interne soient respectées.

Pour rappel, le Luxembourg figure en tête des pays européens en matière de télétravail : 47,5% des actifs ont travaillé à domicile l’année dernière, selon les dernières données du Statec.

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