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Sundown : le ciel, le soleil… et Tim Roth


Sundown, dans la sélection de la Mostra de Venise en 2021, a tout du film existentiel (et crépusculaire), porté par l’excellent Tim Roth qui retrouve Michel Franco après Chronic. (Image Ascot Elite Entertainment)

Sélectionné à la Mostra de Venise, Sundown porté par l’excellent Tim Roth reste proche de ses sujets de prédilections qui s’imposent avec douceur dans une ambiguïté troublante.

C’est un été brûlant, comme celui que l’on vient de traverser. La chaleur est partout, épuise et écrase les corps étalés sur une plage d’Acapulco. Le soleil tape fort, très fort. Trop fort. En le fixant à plusieurs reprises avec sa caméra, à la limite de l’aveuglement, appuyant la touffeur ambiante par un bourdonnement angoissant, Michel Franco annonce que le calme ambiant n’est qu’une apparence, un trompe-l’œil qui cache des non-dits, des problèmes, des douleurs. Quand on connaît le réalisateur mexicain, 43 ans, adepte à souligner les malheurs du monde et sa violence, on se dit que ça va déraper. Ce qui n’empêche pas, au début du film du moins, de profiter du Pacifique et de ses largesses. Les vacances, quoi!

Dans un hôtel huppé, on découvre une famille aisée, composée d’un frère, Neil (Tim Roth), de sa sœur Alice (Charlotte Gainsbourg) et de ses deux grands enfants. Pour eux, les journées s’étirent dans le luxe, entre piscine, sieste, massages et margaritas. La mer et le ciel sont d’un bleu parfait, le service (personnalisé) irréprochable et l’ennui approprié. En somme, on a l’impression d’être dans un film de Sofia Coppola… Mais voilà qu’arrive le premier grain de sable dans la sandale : un coup de téléphone annonce le décès soudain de la mère, à la tête d’une fortune colossale construite dans l’industrie agroalimentaire. Tout le monde plie alors bagage et quitte subitement la cité balnéaire.

Seulement, au moment d’embarquer, Neil affirme qu’il a oublié son passeport dans sa chambre. Sa sœur, inconsolable (c’est elle aussi qui porte à bout de bras l’entreprise familiale), est contrainte de partir sans lui, avec l’espoir qu’il reviendra à temps pour les funérailles et régler les questions d’héritage. Il n’en est rien : en rentrant de l’aéroport, il demande à son taxi de le déposer directement dans une modeste pension d’Acapulco… Le début d’une longue retraite qui n’a pas de nom, ni d’explication d’ailleurs. Les pieds dans l’eau, jamais loin d’un seau rempli de bières, l’antihéros reste planté sur sa chaise en plastique dans une sereine indifférence. Il ment à sa famille sur les raisons de son absence, jusqu’à ne plus répondre du tout à ses appels à l’aide et au réconfort.

Une leçon de vie. De vide aussi

Un film existentiel (et crépusculaire)

Sundown, dans la sélection de la Mostra de Venise en 2021, a tout du film existentiel (et crépusculaire), porté par l’excellent Tim Roth qui retrouve Michel Franco après Chronic (2015). Chemise en soie ouverte, traînant le pas, son personnage subit les évènements sans la moindre réaction : il reste stoïque face à un assassinat perpétré juste devant ses yeux, mène une romance tranquille avec une vendeuse de soda qui devient sa petite amie, et renonce même à ses droits de succession… Comme l’eau filant entre ses orteils dans un doux va-et-vient, tout coule sur lui. Un lâcher-prise total qui ne se justifie pas, du moins pas tout de suite, le réalisateur posant lentement, subtilement, toutes les pièces de son puzzle.

Oui, bien sûr, son film reste proche de ses sujets de prédilection, les mêmes qui minent son pays, le Mexique : la violence des inégalités (banale et acceptée), l’argent qui corrompt, la précarité… Mais ils s’imposent avec douceur dans une ambiguïté troublante. Au cœur de cette courte et étrange fiction, Tim Roth incarne un nouveau rôle majeur de sa carrière. Le regard fixe et le sourire énigmatique, mélancolique et désabusé, il est le symbole d’une liberté individuelle qui, parfois, ne se dicte pas. Lui a opté pour le dépouillement catégorique, le détachement absolu, sans motif, ni excuse, traçant son chemin (de croix) dans un paradis perdu. Une leçon de vie. De vide aussi.

Sundown, de Michel Franco. Avec Tim Roth, Charlotte Gainsbourg, Iazua Larios…Genre drame. Durée 1 h 27

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