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Sécurité intérieure : le SNPGL sonne l’alerte


Le président Pascal Ricquier (à d.) et son vice-président Marco Richard ont prononcé des mots très durs à l’encontre de la direction de la police et du ministre de la Sécurité intérieure.  (Photo : alain rischard)

Avec une pauvreté qui augmente, la criminalité et les agressions risquent aussi de partir en flèche au Luxembourg. Le syndicat de police appelle les politiciens «à ouvrir les yeux».

Le Syndicat professionnel de la police grand-ducale (SNPGL) estime les forces de l’ordre au bord du gouffre. «La police est complètement à bout. Le nombre insensé et illégal d’heures supplémentaires que doivent prester les agents a pour seul objectif de garder le système en fonction. Personne ne le dit, et cela n’intéresse aussi personne. Les policiers sont les seuls à s’effondrer», lance le président Pascal Ricquier, hier soir, lors de l’assemblée générale du plus important syndicat de police.

«Plus de pauvreté, plus de criminalité»

Depuis 2013 et l’arrivée de la nouvelle direction du SNPGL, le ton n’a pas changé : absence totale de transparence et de dialogue social, des inégalités criantes dans les carrières réservées aux agents de terrain, une direction générale et des ministres de tutelle qui sont fustigés de tout part. Près de 10 ans plus tard, le point de basculement serait atteint, surtout dans le contexte de crise actuel.

«La police est toujours le point de convergence de tous les problèmes existants au Luxembourg. Je n’ai pas besoin de vous faire un dessin : davantage de pauvreté et un pouvoir d’achat moindre risque de renforcer différents phénomènes de criminalité. On va le remarquer», met en garde Pascal Ricquier. Il en remet une couche : «Les politiciens pensent que tout va bien, qu’ils maîtrisent la situation. Or ils font fausse route.»

Une frange de députés s’était mêlée aux quelque 150 membres du SNPGL réunis lundi soir à Bertrange. Ni le directeur général Philippe Schrantz ni le ministre Henri Kox n’étaient présents. Leurs oreilles auraient sifflé. Et risquent encore de le faire en raison de la longue liste de maux et dysfonctionnements énumérés pendant deux heures et demie par les dirigeants du SNPGL. Leur principal message : «L’agressivité et la criminalité augmentent sans cesse. Il faut sévir avant qu’il ne soit trop tard.»

«Il ne se fera pas museler»

« Est-ce qu’on tente de museler notre président? », s’interroge Marco Richard, le vice-président du SNPGL. Deux ans après l’«affaire Schleck» – le président du syndicat de l’armée SPAL avait considéré une mutation interne comme sanction –, le reproche d’attaques envers la liberté syndicale fait son retour au sein de la force publique. «Des syndicalistes qui dérangent ont déjà subi une série d’attaques, ce qui équivaut à une attaque contre la liberté syndicale», clame Marco Richard, en citant une affaire judiciaire intentée contre Pascal Ricquier, le président du SNPGL.

De quoi s’agit-il? Fin 2019, Pascal Ricquier en sa qualité de président du Syndicat de la fonction publique (SPFP) lance des critiques acerbes contre le chef d’état-major de l’époque, Alain Duschène, et contre la direction générale de la police grand-ducale. Aussi bien le général Duschène que des membres du cadre supérieur de la police déposent plainte contre Pascal Ricquier. Début 2021, le parquet classe sans suite la plainte introduite par l’ancien chef de l’armée. Une plainte pour dénonciation calomnieuse, introduite dans la foulée par Pascal Ricquier, est également classée, en septembre 2022.

«Pas touche à la liberté syndicale»

C’est la plainte introduite par la douzaine de supérieurs de la police qui possède l’«explosivité» qu’annonce le vice-président du SNPGL. Fin août de cette année, Pascal Ricquier reçoit un avertissement écrit du parquet. «Sans procès, sans jugement, sans référence au code pénal, sans possibilité de recours», lâche en somme Marco Richard. Le parquet annonce au président syndical que si ce dernier répète, en public, les «propos injurieux» à l’égard de la direction de la police, il sera cité devant le tribunal correctionnel. «Le parquet semble considérer que les faits sont avérés. Moi je pensais que la présomption d’innocence prévalait jusqu’à ce qu’un jugement soit pris», fustige le bras droit de Pascal Ricquier.

La démarche du parquet est qualifiée d’«intimidation», voire de tentative de museler le président du syndicat de la police. La CGFP et son président, Romain Wolff, présent hier soir, affirment avoir «perdu patience». «Des syndicalistes et personnels de délégués sont harcelés. On ne les prend pas consciemment au sérieux. La liberté syndicale est piétinée», clame-t-il, en annonçant son plein soutien à Pascal Ricquier. Car, «il ne se fera pas museler», promet Marco Richard.

«Une honte pour la police»

Pascal Ricquier cite en exemple la Ville de Luxembourg et plus particulièrement le quartier Gare et la Ville-Haute où règneraient les trafiquants de drogue, les toxicomanes, les sans-abri et les sans-papiers. «Une humiliation sans nom pour la police», tranche le président syndical. La nouvelle «garantie d’accès» aux bâtiments, votée en juillet, serait plus un frein qu’une aide pour les policiers. «Nous avons besoin de lois plus restrictives et de groupes spéciaux d’intervention» pour remettre de l’ordre à Luxembourg, mais aussi Differdange ou Ettelbruck, clame Pascal Ricquier. «Montrer uniquement de la présence pour rassurer les citoyens n’est pas une réponse adéquate», ajoute-t-il.

Il serait grand temps que le gouvernement et la Chambre «ouvrent les yeux». «Le citoyen doit pouvoir circuler librement sans avoir peur de se faire agresser ou voler», termine Pascal Ricquier.

«J’espère qu’aucun policier ne va renoncer à agir»

La semaine dernière, le parquet a requis une peine de prison de 30 ans à l’encontre de l’ancien policier, qui, le 11 avril 2018 à Bonnevoie, a tué un automobiliste qui avait refusé d’obtempérer. Il faudra attendre le 23 novembre pour connaître la sentence des juges. Le 27 octobre sera prononcé le jugement dans l’affaire Lausdorn. Il y a quatre ans, un policier perdait la vie et sa coéquipière était très gravement blessée lors d’une course poursuite.

Le syndicat SNPGL ne compte pas encore trop s’avancer avant de connaître les conclusions de la justice. Néanmoins, Pascal Ricquier estime que l’issue des deux procès «va démontrer à quoi va ressembler le travail policier de demain». «Selon nous, il risque d’y avoir beaucoup de changements qui ne seront pas pour le bien de la sécurité du pays», avance le président syndical, avant d’ajouter : «J’espère qu’aucun policier ne va renoncer à agir par peur de se retrouver au tribunal.»

Son vice-président Marco Richard ironise en revenant sur des propos du substitut du procureur lors du procès Bonnevoie : «Elle estime que le contrôle du véhicule n’était pas opportun? Devrons-nous à l’avenir appeler le substitut de permanence pour obtenir le feu vert?»

Un fossé énorme entre dirigeants et syndicat

Il y a pile une semaine, le directeur général, Philippe Schrantz, et le ministre de la Sécurité intérieure, Henri Kox, ont dressé une image bien plus positive de la police grand-ducale. À l’occasion de la fête patronale de la «Saint-Michel», l’accent a été mis sur les «nombreux progrès» réalisés ces derniers temps au sein des forces de l’ordre. Ont été cités les avancées technologiques, les projets infrastructurels et législatifs, ainsi que le recrutement extraordinaire. L’effectif a de cette manière pu être revu à la hausse en passant de 2 400 agents et civils en 2018 à un total de plus de 3 000 policiers et membres du cadre civil aujourd’hui.

La vision du SNPGL est tout à fait à l’opposé de celle avancée par la direction et le ministre de tutelle. Dans le domaine de la digitalisation, la police grand-ducale aurait «au moins un retard de 10 ans» sur d’autres pays, moins bien dotés financièrement que le Luxembourg. L’appel d’offres pour doter les agents d’outils mobiles ne serait toujours pas lancé, alors que les appareils étaient promis pour le second semestre 2022.

Au moins, le recrutement est vu d’un œil plus positif, en dépit de querelles persistantes sur les carrières au sein de la police. «Il faut espérer que le ministre Kox tiendra son engagement d’augmenter l’effectif de 300 agents nets par an», clame Pascal Ricquier, le président du SNPGL.

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