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Schrassig : le «ras-le-bol» des agents pénitentiaires


Samir Djennas est président de l’Association des agents pénitentiaires depuis deux ans et demi. (phot Alain Rischard)

La multiplication des incidents au sein de la prison ces dernières semaines pousse l’Association des agents pénitentiaires à réclamer, à nouveau, des moyens supplémentaires pour assurer leur sécurité.

Bis repetita. Si la pandémie a brièvement écarté les problèmes de sécurité au sein de la prison de Schrassig, la levée des dernières restrictions sanitaires semble avoir à nouveau mis en lumière les difficultés liées aux conditions de travail des agents pénitentiaires.

L’Association des agents pénitentiaires fait ainsi part d’un nombre croissant d’attaques et de menaces à l’encontre du personnel ces dernières semaines, avec des menaces de mort et des insultes en tous genres. Dernière offensive en date : celle du 30 juin dernier, où six agents ont été blessés.

Des agressions qui ne sont pas nouvelles, mais qui découlent dernièrement de plusieurs facteurs, selon le directeur de l’association, Samir Djennas : la surpopulation carcérale, la chaleur étouffante au sein d’un établissement vieillissant, mais aussi un «changement de clientèle».

«Il y a un vrai manque de respect envers les uniformes, que ce soit envers nous, gardiens, ou envers les autorités en général. Ce sont des choses qu’on ne voyait pas il y a 20-25 ans», explique-t-il, soulignant un «cocktail explosif», qui amène à davantage de menaces de mort, d’incidents et d’insultes.

Du matériel inutilisé… depuis 4 ans

S’il est bien conscient que de telles attaques sont monnaie courante dans le métier («ce n’est pas Fantasia Land, on le sait en s’engageant»), il déplore toutefois le manque de matériel pour permettre aux gardiens de se défendre à distance. Des revendications déjà entendues en 2018, après une série d’attaques au sein de la prison, qui avaient été conclues par l’achat de nouveaux moyens de contrainte.

Du gel au poivre et des armes non létales, qui ont bien été achetés il y a quatre ans… Mais qui ne sont toujours pas utilisés actuellement. «Nous avons juste des gants et des matraques, mais nous n’employons pas ces dernières parce que nous ne voulons pas « rentrer dans le tas ». Taper sur les détenus ne nous intéresse pas, ce n’est pas comme cela que nous travaillons», souligne Samir Djennas.

Manque d’effectifs et de formations

Comment expliquer que de telles ressources, pourtant réclamées, budgétisés et à disposition des gardiens, ne soient pas exploitées? «Nous avons besoin de former nos agents à l’utilisation de ces nouveaux moyens et ce n’était pas possible jusqu’ici», justifie le directeur de l’AAP.

La pandémie de 2020 a en effet mis un coup d’arrêt au projet : l’impossibilité de suivre des formations à l’étranger, mais aussi le manque d’effectifs au sein de la prison ont retardé le processus. Impossible en effet d’envoyer des gardiens se former sans pallier leur absence sur le terrain. «On ne peut pas se permettre de fermer la prison comme on fermerait une épicerie pour former les gens. Ici, ça tourne tout le temps et il fallait assurer le service minimum.»

Pour Samir Djennas, il manque actuellement une vingtaine de personnes pour assurer un service convenable à la prison de Schrassig : pour l’heure, 290 agents s’occupent des quelque 620 prisonniers que compte le centre pénitentiaire. «Il y a un vrai ras-le-bol. Ils aiment leur métier, mais la fatigue est là. On tourne depuis des années avec un manque d’effectifs et ça ne peut plus continuer.»

Une problématique dont le CSV n’a pas manqué de s’emparer : le parti d’opposition a en effet réclamé la semaine dernière la convocation urgente d’une commission de la Justice afin d’aborder la thématique de la situation sécuritaire, de la formation et du recrutement d’agents pénitentiaires pour les deux prisons (CPL et CPU). Une initiative soutenue par l’Association des agents pénitentiaires, qui n’est pas dupe : «les élections approchent, mais cela jouera peut-être en notre faveur».

Sanem pour soulager?

Le centre pénitentiaire d’Ueschterhaff, à Sanem, devrait ouvrir ses portes en décembre prochain avec l’arrivée de prisonniers durant le premier trimestre 2023. Un «soulagement» pour l’Association des agents pénitentiaires, qui y voit une façon de dépeupler Schrassig et «d’enlever beaucoup de pression».

«Nous aurons besoin de moins d’effectifs ici pour encadrer les détenus et, pour le coup, peut-être que nous n’aurons pas besoin de davantage de mesures de contraintes. Il y aura certainement moins d’agressions», espère Samir Djennas.

Un point de vue qui n’est pas partagé par Grégory Fonseca, l’un des fondateurs de l’association eran, eraus … an elo, qui défend les droits des détenus et voit dans cette nouvelle prison un «prétexte» pour remplir un nouvel établissement.

«Il faut séparer les prévenus des condamnés, c’est vrai, mais il ne fallait pas construire une nouvelle prison. Plus on construit, plus on remplit. On a des libérations préventives, il faut les utiliser. Le Luxembourg a toujours peur de laisser courir les gens. On utilise la détention préventive comme peine avant la peine.»

La nouvelle prison Uerschterhaff, à Sanem, doit ouvrir ses portes en décembre prochain. Photo : tania feller

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