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Rôle des femmes dans la société : non, ce n’était pas mieux avant !


Une grande complicité lie les lycéens et les pensionnaires du centre qu'ils rencontrent régulièrement. (photo Isabella Finzi)

Des pensionnaires du CIPA de Sanem et des lycéens de Belval ont échangé mardi sur l’évolution du rôle de la femme dans la société.

Cela fait un siècle que les femmes ont le droit de vote au Luxembourg. Pourtant, malgré cette avancée révolutionnaire pour l’époque, leur émancipation n’était pas encore pour tout de suite. Le père, le mari, le patron, le curé décidaient pour elles et les femmes l’acceptaient sans sourciller. Elles étaient des ventres dociles et obéissants qui faisaient bouillir la marmite. Les plus rebelles, celles qui sortaient du rang, étaient mal vues, les curés priaient pour qu’elles n’aillent pas en enfer.

Il aura fallu un siècle de combat féministe pour qu’une jeune fille puisse affirmer haut et fort : «Pas question de ne pas aller travailler si mon compagnon me le demandait, ni de lui donner ma paye !» Pendant ce temps, des femmes se sont battues pour celles qui ne se défendaient pas assez suffisamment et ont fait changer les mentalités et la société, comme les pionnières du MLF luxembourgeois, le Mouvement de libération des femmes. Le documentaire Histoire(s) de femme(s) d’Anne Schroeder, réalisé à partir d’images d’archives et d’entretiens avec sa maman et sa grand-mère, mais aussi des militantes, le montre très bien.

Des parcours de vie qui ont fait réagir pensionnaires et lycéens, mardi après-midi. Des mains se serraient, des rires fusaient ou des sanglots étaient étouffés. La salle du CIP de Sanem était baignée d’amour, de respect, de complicité et de tendresse. «Les jeunes d’aujourd’hui ne réalisent pas à quel point les femmes ont dû se battre pour leurs droits et leur émancipation», rappelle le directeur du CIPA, Alain Willet. À quelques jours de la journée internationale de la Femme et à une époque où leurs droits sont menacés ou régressent dans certains pays, une piqûre de rappel s’imposait.

De la cuisine à l’égalité, la route est longue

Le voyage dans le temps a commencé en présence de Taina Bofferding, ministre à l’Égalité entre les femmes et les hommes. «Les hommes devraient prendre cinq minutes et se demander s’ils auraient aimé être traités comme les femmes l’ont été et le sont encore», a très justement indiqué Alain Willet. Les femmes reviennent de loin.

À une des premières femmes députées au Luxembourg, un journaliste demande ce qu’elle va préparer à manger à son mari et à son fils. Le chemin de la cuisine à l’égalité des sexes est long. Une femme raconte être allée consulter Maître Vogel pour divorcer de son époux volage. Ce dernier lui aurait répondu surpris : «Vous voulez divorcer pour quelques coucheries ?» La salle du CIPA a vrombi d’indignation. La même dame a expliqué qu’elle ne possédait qu’un tablier et un imperméable. Son époux ne voulait pas lui offrir de robe pour qu’elle ne soit pas tentée de sortir.

«Les femmes n’ont de toute façon jamais rien à se mettre», plaisante un Monsieur. Le même qui dira quelques minutes plus tard : «Le bon vieux temps comme ils disent… Il n’a de bon que le fait d’être révolu.»

Un «bon vieux temps» que les moins de 20 ans ont du mal à réaliser. «Comment se fait-il que les femmes se mariaient quand même, alors qu’elles savaient ce qui les attendaient ?», demande naïvement un lycéen, alors qu’une mamie regrettait d’avoir dû choisir sous la pression de ses parents entre le travail (et après le mariage) et les études. Car, il y a encore 50 ans, les femmes qui voulaient se marier et avoir une famille n’avaient pas droit à de longues études, puisqu’une fois mariées, elles étaient supposées ne plus travailler et s’occuper de leur ménage. Un mari se serait senti déshonoré d’avoir une épouse qui travaille.

A la croisée des chemins

«Il est impossible pour moi de m’imaginer vivre à ces époques», commente une jeune rebelle à sweat-shirt à capuche. «Je ne pourrais pas me taire. Mais aujourd’hui, il y a malgré tout encore beaucoup d’inégalités, de femmes soumises, battues.» La ministre Taina Bofferding la rejoint sur ce point. Elle s’est dit très choquée d’avoir entendu dans le documentaire que «les femmes avaient intérêt à obéir».

Aujourd’hui, les femmes au Luxembourg ont le choix de l’orientation qu’elles peuvent donner à leur vie. Leurs aïeules n’avaient qu’une seule voie à suivre. N’était-ce pas plus simple ? La question s’est également posée mardi. Les femmes nées il y a 70 ou 60 ans se sont retrouvées à la croisée des chemins. «Nous avons grandi dans l’ancien régime et nous avons dû faire notre vie dans le nouveau», note une des témoins du documentaire.

Tout cela pour dire qu’aujourd’hui encore être une femme n’est toujours pas simple, que des questions restent ouvertes et qu’elles ne peuvent être résolues que par des choix personnels et individuels. Au cas par cas. Mais comme l’a indiqué Taina Bofferding, la politique doit également aider à faire avancer les idées et les mesures progressistes au sein de la société et auprès de ceux qui la font.

Les idées en faveur des femmes ont en tous cas fait réfléchir des jeunes, c’est déjà un bon pas en avant.

Sophie Kieffer

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