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Roby Ley, directeur de l’Institut viti-vinicole : «L’AOP ne répond pas aux attentes»


Roby Ley milite pour une hiérarchisation plus claire des vins luxembourgeois. (Photo : archives lq)

Pour ses derniers vœux avant la retraite, le directeur de l’Institut viti-vinicole, Roby Ley, a livré un discours de vérités. Ni offensif ni polémique, mais avec une lucidité qui incite à une saine réflexion.

Lors du discours que vous avez donné lors du pot de l’amitié du 6 février, vous avez annoncé que les crémants du Luxembourg devront dorénavant passer 12 mois sur lies au lieu de 9. Qu’est-ce que cela implique pour les vignerons et les consommateurs?

Roby Ley : Cette décision émane directement des vignerons, ce sont eux qui décident du cahier des charges de l’appellation. Elle n’est pas encore entérinée, mais elle le sera très prochainement, puisque tout le monde est d’accord. Je suis, en tout état de cause, très favorable à cette décision. Garder les crémants un peu plus longtemps sur lies permet d’augmenter leur qualité. Ils seront plus fins, livreront des bulles moins agressives. Plusieurs régions françaises productrices de crémant sont déjà passées à 12 mois.

Comme chaque année, vous avez évoqué les statistiques concernant la consommation de vin au Grand-Duché. Elle semble se stabiliser…

La quantité de vin bue se stabilise, c’est vrai, mais puisque la population augmente, cela signifie que les consommateurs boivent de moins en moins. On remarque que le nombre d’adultes qui boivent régulièrement du vin ne cesse de baisser. La consommation se concentre de plus en plus autour d’un noyau d’amateurs plutôt connaisseurs. En ce sens, la croissance démographique est une aubaine pour nos vignerons.

Vous avez également émis quelques critiques quant aux règles de l’appellation d’origine protégée Moselle luxembourgeoise. Vous lui reprochez un manque de lisibilité. Comment y remédier?

L’AOP a été créée en 2014, elle avait été le fruit d’une très longue discussion entre les vignerons, mais nous ne sommes pas allés assez loin. Aujourd’hui, il me semble évident qu’elle ne répond pas aux attentes des amateurs éclairés, puisqu’elle ne permet pas de guider efficacement les consommateurs. L’ancien classement, avec les premiers crus et les grands premiers crus, est sans doute resté trop longtemps en place.

Beaucoup de domaines y étaient tellement attachés qu’ils ont préféré garder ces indications. Si bien que les catégories de l’AOP se superposent souvent à l’ancienne hiérarchisation. En conséquence de quoi, beaucoup ont préféré créer leur propre classement pour mieux identifier leurs vins haut de gamme. Vinsmoselle a le Vignum, Berna, sa Réserve, Schmit-Fohl, la Sélection SF; le Clos des Rochers met en avant des lieux-dits, voire des parcelles… L’AOP ne joue clairement pas son rôle.

Aujourd’hui, les grands premiers crus sont des vins de supermarché

Quelles seraient les solutions, selon vous?

Il faudrait commencer par inscrire davantage de contraintes pour les vins qui se trouvent au sommet de la pyramide de qualité. Réduire les rendements, par exemple. Je crois qu’il faudrait également réduire le nombre de lieux-dits autorisés sur l’étiquette pour ne garder que les plus qualitatifs. Aujourd’hui, les grands premiers crus sont des vins de supermarché. Comment voulez-vous que les consommateurs, et particulièrement les nouveaux résidents, s’y retrouvent ? C’est impossible.

Pour moi, le meilleur système est celui de Chablis. De bas en haut, on trouve les petits-chablis, les chablis, les chablis premier cru et, enfin, les chablis grand cru. On s’y repère très facilement, les pemiers crus sont déjà de très grands vins et les grands crus sont excellents : ils représentent ce que doivent être des vins très haut de gamme.

Finalement, votre prise de parole n’était pas très consensuelle. Vous n’avez pas hésité à pointer beaucoup de thèmes qui posent problème…

Vous savez, je vais avoir 68 ans et je prendrai ma retraite à la fin de l’année. C’était mon dernier discours de nouvelle année et je pense qu’il était nécessaire de dire les choses comme elles sont, d’une manière constructive, pour que la viticulture luxembourgeoise continue à aller de l’avant.

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