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Reprise éclair chez Liberty Steel : «Tout est déjà de nouveau stoppé»


Les bobines d’acier se font rares désormais sur le site de Liberty Steel Dudelange, déserté par les ouvriers.

Après plusieurs mois à l’arrêt, l’usine de laminage de Dudelange a connu une reprise d’activité d’à peine trois jours entre mardi et jeudi, à seulement 5 % de sa capacité. Pas de quoi réjouir les syndicats.

Depuis la liquidation de la filiale belge du groupe Liberty Steel en avril dernier, l’avenir du site de Dudelange ne tient plus qu’à un fil. Mais il semble plus résistant que prévu : alors que les syndicats, LCGB en tête, appelaient une faillite de leurs vœux pour enfin ouvrir la voie à un repreneur sérieux, la direction en place ne lâche pas, éloignant la perspective d’une cessation de paiement.

Pour autant, la production n’a pas véritablement repris, les 178 employés devant se contenter de miettes d’activité, entre congés et dispenses de travail.

Le point avec Robert Fornieri, secrétaire général adjoint du LCGB et ancien sidérurgiste, qui suit ce dossier fleuve depuis le début.

L’activité aurait repris sur le site après cinq mois d’arrêt total. Est-ce le cas?

Robert Fornieri : Oui, mais il s’agit d’une reprise timide, voire insignifiante, qui avait été évoquée dans le plan industriel présenté au tribunal et aux partenaires sociaux. Liberty parlait d’une reprise en juillet à Dudelange et, effectivement, durant trois jours, depuis mardi, la production a été relancée, mais pour un volume de 3 000 tonnes seulement, soit même pas 5 % de la capacité de l’installation. Et tout est déjà de nouveau stoppé aujourd’hui.

Doit-on y voir un signe positif pour l’avenir?

Clairement, ce « one shot » ne nous réjouit pas. On aurait préféré une véritable reprise, même progressive. Là, c’est quelques tonnes à peine et terminé. Ça ne change pas grand-chose à la situation et c’est surtout loin d’être suffisant au niveau des recettes générées. Nous, ce qu’on attend de Liberty, c’est qu’ils renflouent les stocks, que la production tourne à nouveau à plein et que de la fumée sorte enfin de cette usine. On en a assez du bla-bla habituel.

Ce plan prévoit quoi d’autre?

Un déblocage de liquidités pour approvisionner les sites, en plusieurs étapes, avec d’abord quelques journées de production en juillet pour Dudelange et une reprise progressive pour le mois d’octobre, donc le dernier trimestre. Mais sans aucune garantie, ce ne sont que des annonces. Or, si la conjoncture était très bonne jusqu’à aujourd’hui dans le secteur de la métallurgie, on traverse une phase plutôt creuse. Il faudra attendre la rentrée pour voir ce que ça va donner.

Les salaires sont-ils toujours versés?

Oui. Et c’est un point qu’on vérifie scrupuleusement chaque fin de mois! Depuis mars, on peut dire que le personnel est payé à ne rien produire. Ils ne sont plus que 178 salariés (NDLR : l’usine comptait 300 personnes au moment de son rachat par Liberty Steel en 2019 et encore 195 en mars dernier).

Il y a des départs naturels, mais aussi des employés qui claquent la porte, car ils n’ont plus aucune confiance ni perspective. Ce qui est inquiétant, ce sont surtout ces profils pointus, expérimentés, indispensables au bon fonctionnement de l’usine, qu’on pousse dehors. Ça fait mal.

Concrètement, les ouvriers sont à la maison? 

En fonction des besoins ponctuels, hors production, il y a un système de rotation de présence avec une distribution de dispenses de travail, c’est-à-dire qu’ils sont payés, en restant chez eux, mais qu’ils doivent se rendre disponibles pour l’employeur. Et durant cette période de congés d’été, tout ça se combine.

Se rapproche-t-on d’une liquidation du site?

La dette a désormais dépassé la moitié du capital de l’entreprise, le conseil d’administration en a été informé et la décision de continuer a été prise, en s’appuyant sur des liquidités qui viennent d’on ne sait où. Probablement des deux grands sites d’Ostrava en République tchèque et de Galati en Roumanie, qui ont profité d’une conjoncture forte ces derniers mois, comme tous les sidérurgistes. Le groupe engrange donc des recettes et paye factures et salaires à Dudelange. Dans ces conditions, la cessation de paiement n’est pas à l’ordre du jour.

En mars, le ministre Fayot évoquait « une impasse » dans ce dossier. Les choses ont-elles bougé?

Non, pas du tout. Et ce qui se passe aujourd’hui n’y change rien. Pour le moment, j’observe, avec beaucoup de prudence et de suspicion, curieux de voir la suite. Nos positions restent les mêmes : on a énormément travaillé en coulisses avec le gouvernement, dont le ministère de l’Économie, ces derniers mois, on a un plan en cas de scénario catastrophe. Si ça doit arriver, on est prêt. Quant aux deux ou trois repreneurs potentiels (NDLR : dont le russe NLMK et l’allemand Salzgitter), ils restent d’actualité.

Robert Fornieri est de toutes les discussions dans ce dossier, y compris avec les autorités. Photo : fabrizio pizzolante

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