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Régime nazi : Berlin peine à dissiper le flou sur la pension controversée


Au total, quelque 2 033 personnes, dont 435 de nationalité allemande, ont touché en février ce que le Bild a baptisé "la pension de Hitler". (illustration AP)

Les autorités allemandes versent-elles depuis des décennies des pensions à d’ex-collaborateurs nazis ? Un grand flou entoure, y compris en Allemagne, une allocation encore versée à quelque 2 000 bénéficiaires dans le monde, suscitant un malaise grandissant.

L’affaire a éclaté le 20 février quand les députés belges ont voté une résolution visant à mettre fin au versement par un Land allemand de pensions d’invalidité à 18 anciens combattants belges ayant collaboré en 1939-45 avec l’Allemagne.

L’émoi suscité a poussé le gouvernement fédéral allemand, qui ne verse pas directement ces pensions, à lever le voile sur cet épisode de l’après-Guerre, méconnu y compris des historiens. Cette pension a vu le jour en 1950 et devait initialement bénéficier au victimes de la Seconde guerre mondiale, civiles ou militaires, y compris d’anciens soldats enrôlés de gré ou de force dans la Wehrmacht.

« Pension de Hitler »

Les anciens SS, gardiens de camp de concentration ou personnes condamnées pour des crimes de guerre, sont censés être exclus. Mais le dispositif a pu être contourné et bénéficier à des personnes qui n’auraient pas dû y être éligibles, comme l’avait souligné en 2017, sans réaction à l’époque, l’élu Vert Volker Beck. Au total, quelque 2 033 personnes, dont 435 de nationalité allemande, ont touché en février ce que Bild, le quotidien le plus lu d’Allemagne, a baptisé « la pension de Hitler ». Elle peut s’élever jusqu’à 1 300 euros mensuels.

Combien de personnes au total ont pu toucher cet argent depuis la création de cette pension ? Le gouvernement allemand affirme ne pas le savoir et se retranche derrière la protection des données personnelles pour ne dévoiler ni identité ni profil des allocataires. Et une suppression de cette pension, affirme le ministère du Travail et des Affaires sociales, n’est pas à l’ordre du jour. Les bénéficiaires, allemands ou étrangers, sont répartis dans le monde entier, même si une nette majorité (1 532) vit en Europe. Le pays le plus représenté est la Pologne, avec 573 pensionnaires, selon des chiffres transmis par le ministère du Travail. Parmi eux, pas de trace d’ancien bourreau, assure l’ambassade allemande à Varsovie, qui garantit que chaque dossier a fait l’objet d’un examen attentif.

Rôle trouble

Le gouvernement allemand avait durci début 1998 durci les règles pour écarter ceux qui avaient violé « les principes d’humanité ou l’État de droit sous le règne du national-socialisme ». Mais cette nouvelle règle ne s’appliquait qu’aux personnes qui avaient déposé un dossier après novembre 1997… Les autorités avaient toutefois procédé à un examen poussé des bénéficiaires et écarté 99 personnes qui la touchaient, malgré leur rôle trouble entre 1939 et 1945.

Mais, selon le Centre Simon-Wisenthal, ce sont environ 70 000 personnes qui auraient dû en être privées. Depuis, aucun ancien SS ou criminel de guerre ne la perçoit, « à la connaissance » du gouvernement allemand. L’opacité d’un dispositif éclaté entre les Länder allemands et l’État fédéral suscite dès lors un malaise grandissant, notamment en France où ne sont pas totalement dissipés les traumatismes de l’Occupation, de la Collaboration avec les Nazis ou de la mise à disposition de force de soldats – les « Malgré nous » alsaciens – et de civils pour participer à l’effort de guerre.

Le gouvernement français, qui « n’avait pas connaissance de cette pension », tente ainsi de connaître les profils réels des bénéficiaires sur son sol. « Les autorités allemandes nous disent qu’il n’y a pas de cas de collaborateurs volontaires », assure Genevière Darrieussecq, secrétaire d’État aux Anciens combattants.

LQ/AFP

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