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Mondorf-les-Bains : une cure pour lutter contre le covid long


Jessica Liebaert, psychologue, se souvient des premiers patients désespérés arrivés il y a deux ans pour la première cure covid long.  (Photo : claude lenert)

En deux ans, 500 patients ont déjà bénéficié de la cure covid long programmée à Mondorf-les-Bains. Un lieu où ils trouvent l’écoute et où ils apprennent la notion de l’effort mesuré.

C’est difficile de chiffrer, mais 5 % de prévalence pour les personnes infectées par le covid long, selon l’Office fédéral suisse de santé publique. Les femmes sont plus atteintes que les hommes. «Je n’aime pas me lancer dans les chiffres, car c’est assez récent et cela change tout le temps», indique Jessica Liebaert, psychologue au Domaine thermal de Mondorf-les-Bains, affectée à la cure «long covid».

Elle avait postulé pour un poste de psychologue à la cure, mais ne s’attendait pas à ce que la direction lui propose de s’occuper d’une toute nouvelle pathologie, le covid long et ses quelque 200 symptômes qui fait qu’à Mondorf, chaque patient bénéficie d’une cure sur mesure.

Le ministère de la Santé a confié à l’établissement thermal le soin de prendre en charge les personnes ayant retrouvé leur autonomie, mais qui font face à une perte du goût et de l’odorat, à la diminution de leur capacité physique, à de la fatigue, des problèmes respiratoires, des douleurs musculaires et articulaires, des soucis au niveau de la nutrition ou encore de l’anxiété.

La psychologue relève le défi avec la diététicienne, Lis Muller, aujourd’hui retraitée. Toutes deux sont allées compléter leurs compétences auprès du Pr Thomas Hummel au centre pour l’odorat et le goût de l’hôpital universitaire de Dresde. Le protocole est installé selon une approche pluridisciplinaire. «Les premiers patients qui sont arrivés il y a deux ans étaient complètement désespérés, ils étaient à bout, en pleine crise d’angoisse, de panique et se demandant comment ils allaient guérir puisque le covid long était quelque chose de nouveau», décrit la psychologue.

«Intégrer des personnes qui véritablement en souffrance»

«Nous ne sommes pas dans un hôpital, mais dans un endroit de cure, de relaxation dans lequel on doit intégrer des personnes qui sont véritablement en souffrance.» Ce sont des patients qui sont extrêmement épuisés et les symptômes sont encore aggravés après un effort physique. «Même après un effort social, cérébral, ils peuvent perdre leurs capacités cognitives et mémorielles, ce qu’on appelle le brouillard cérébral», explique la psychologue. Il s’agit d’une sensation de vide mental accompagnée de difficulté de concentration et d’une grande fatigabilité après avoir accompli des tâches cognitives jusque-là faciles.

Ces situations provoquent un état de stress énorme et les malades préfèrent alors s’isoler. «Parfois, ils deviennent même exclus de la société, parce qu’ils ont du mal à travailler à cause de ce brouillard cérébral et quand on est jeune et épuisé après un petit effort, le regard des autres vous anéantit», témoigne Jessica Libaert. D’autant que ces patients ont parfois du mal à suivre une conversation, «à cause d’un mauvais câblage», explique-t-elle. C’est comme un temps de latence.

Le but de l’équipe pluridisciplinaire est de les aider à trouver le juste équilibre entre l’effort et les temps de pause. «Souvent les gens font trop d’efforts, comme avant la maladie, mais ce n’est plus possible avec un covid long», poursuit Jessica Libaert. Les kinésithérapeutes veillent à fixer des seuils quand les patients montent sur les vélos de rééducation. Ne pouvant pas les dépasser, ils sont ainsi entraînés à estimer et à gérer leurs efforts physiques. «C’est un grand défi, car si les limites sont dépassées, c’est la rechute», assure la psychologue.

Éviter la rechute

 «Je suis très à l’écoute et je les prends au sérieux. Il faut qu’ils reprennent confiance en leurs capacités et leurs performances», dit-elle en ajoutant que ces gens en souffrance sont avides d’explications sur ce qui leur arrive, sur ces séquelles qu’ils traînent. «Ce qui leur est très précieux ce sont les échanges en groupe, ils remarquent qu’ils ne sont pas seuls dans leur cas, car l’entourage, qu’il soit professionnel ou privé, a du mal à comprendre ces douleurs exprimées après un effort ou cette grosse fatigue.»

Il faut expliquer aux malades ce qu’est la résilience, leur rappeler comment ils ont répondu à d’autres épreuves de la vie et surtout respecter leur douleur. Si les résultats de la cure ne sont pas officiellement estimés, la psychologue reçoit énormément de feed-back qui l’encouragent : «Les gens sont reconnaissants parce qu’on leur apprend à ne pas rechuter continuellement dans les excès.» On leur enseigne la prudence, dans l’effort.

Jessica Libaert avoue avoir dû elle-même s’informer sur la méthode du pacing, qui n’était pas encore dans le protocole il y a deux ans. Il s’agit ici de connaître ses limites d’efforts pour éviter de rechuter dès qu’elles sont dépassées. Le fameux équilibre à trouver n’est pas une affaire si évidente.

C’est un quotidien qui change avec des tâches qu’il faut apprendre à réaliser différemment, en respectant des temps de pause. Pour les curistes du covid long, dont la plupart n’étaient jamais malades, il s’agit d’apprendre à déléguer, à dire «non», à structurer les journées autrement.

Un sacré défi.

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