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Covid long : le précieux soutien des proches


«On ne sait pas si ça va disparaître.» Entre questionnement et doutes, Jerry reste un soutien infaillible pour son épouse. (Photo : didier sylvestre)

Depuis février, la Rehaklinik d’Ettelbruck organise des réunions visant les proches de malades du covid long. Rencontre avec l’un d’entre eux.

Depuis février 2021, Jerry Probst, son épouse et leur fille de 14 ans vivent une réalité dans le brouillard. Il y a deux ans, l’homme de 44 ans était subitement cloué au lit, victime du Covid-19. Une semaine plus tard, son épouse, Eugénie, contractait le virus. À ce moment de la pandémie, le couple n’est pas encore vacciné, le sérum étant réservé aux plus faibles.

Les conséquences en sont d’autant plus sévères pour leurs organismes. «Nous avons eu des symptômes assez lourds qui nous ont forcés à faire un séjour à l’hôpital. La fatigue était indescriptible, j’avais beaucoup de fièvre et mon pouls grimpait, au repos, au-dessus de 100 pulsations. Par exemple, cela me semblait surhumain d’attraper une bouteille d’eau placée à côté du lit.» Si ce manager du développement à l’international chez EBRC a mis huit mois à retrouver des forces, sa compagne, elle, souffre toujours des symptômes de cette maladie qui n’en finit pas.

«Eugénie se renferme sur elle-même»

Ce nouveau quotidien fait de fatigue chronique, de problèmes de concentration, d’une mémoire fébrile et de poumons moins performants impacte tout un univers. «C’est difficile», soupire Jerry. «Mon épouse ne veut plus sortir ou voir ses proches car elle ne peut pas prédire comment elle va se sentir. L’entourage ne la voit que lorsqu’elle est dans un bon jour et elle ne leur en parle pas. Du coup, ses amis et sa famille manquent de compréhension et Eugénie se renferme sur elle-même.»

Lui et sa fille sont, alors, les témoins et les soutiens de premier plan des souffrances de la victime d’une maladie que l’on mettra du temps à nommer.

Ce n’est pas évident comme vision de l’avenir

Un climat «angoissant» s’installe sous le toit des Probst. Jusqu’à la deuxième moitié de 2021, ce mal n’a pas vraiment de nom. Il faudra attendre ce moment-là pour qu’on l’appelle «covid long» et que les personnes touchées soient médiatisées. «Eugénie a été prise dans un programme de soins pour plusieurs mois et nous avons tous pu souffler : ce n’était pas que dans nos têtes, ce n’était pas une maladie imaginaire.» Si à sa sortie, son état s’améliore, les symptômes persistent à contraindre le quotidien. Une question s’insinue : jusqu’à quand ?

«Aujourd’hui, il n’y a pas de traitement, il n’y a pas de visibilité. À notre âge, tout ce qu’on imaginait pour le futur et remis en question. Si ça ne disparaît pas… Ce n’est pas évident comme vision de l’avenir», souffle Jerry Probst. 

Comment reconnaître le covid long?

Le service dont s’occupe le Dr Charles Benoy traite un peu plus de 1 000 personnes touchées par le covid long.  «Il y a probablement encore beaucoup de gens dehors qui souffrent de cette maladie, mais qui n’ont pas encore mis leurs symptômes en relation avec leur infection», estime le spécialiste. Il nous expose les principaux symptômes :

La fatigue chronique
«On se fatigue très rapidement, on arrive uniquement à garder une certaine attention pour un moment très court. La fatigue est un symptôme qui peut avoir différentes causes. Elles peuvent être pneumologiques ou en rapport avec des problèmes d’auto-immunité, mais nous listons aussi de nombreuses autres raisons.»

Les problèmes neurocognitifs
«Ceux-ci sont en relation avec la fatigue : une capacité très restreinte de se concentrer, de très forts troubles de la mémoire, des problèmes pour trouver ses mots, pour garder en mémoire des choses quotidiennes. Par exemple, la personne met une soupe à chauffer ou lance une machine à laver et va tout simplement oublier ce qu’elle a fait. On oublie ses rendez-vous, d’aller chercher les enfants. Ce sont de petites choses, mais qui peuvent avoir des conséquences importantes au quotidien.»

Les douleurs
«Des douleurs musculaires, des maux de tête, parfois des migraines pour certains patients. On dénombre aussi plus de 130 symptômes au total qui sont moins répandus : problèmes de peau, de douleurs articulaires, de vue, d’anxiété, troubles digestifs, dépression… Tout est possible car ce virus peut-être partout dans le corps.»

L’intolérance à l’énergie d’Eugénie oblige le trio à changer de rythme. Secrétaire dans un cabinet d’avocats, plus les jours de la semaine défilent, plus son état de santé vire au rouge. Les cycles deviennent de plus en plus compliqués, même après avoir adapté son rythme de travail en passant à 80 %. «Elle n’a plus de temps pour elle ou pour sa famille car elle est trop fatiguée. Le temps libre est réservé au repos, le week-end lui permet de se remettre de sa semaine. On est dans un cycle.» 

Sportive et femme active, elle voit son monde se déliter. Prise de poids, perte de confiance en soi, sensation de culpabilité, le tourbillon s’accélère. Tandis que Jerry assure le soutien comme il peut. «En montrant de la compréhension», résume-t-il. «Le fait d’avoir vécu la maladie en même temps au début nous a permis de mieux nous comprendre et de limiter les tensions dans notre couple.»

À cela viennent s’ajouter d’autres symptômes importants de la maladie : les problèmes neurocognitifs. «Sa mémoire courte est très impactée. Elle va répéter plusieurs fois les mêmes choses durant la journée ou oublier des actions du quotidien.» Des troubles qui deviennent peu à peu routiniers. «J’ai mis en place des caméras, des lumières qui s’éteignent et s’allument seules, une porte de garage qui se ferme automatiquement», détaille le père de famille.

Si on perd la famille, on voit une très nette aggravation de la condition du patient

«D’un côté, tout le système familial souffre en raison de la maladie. De l’autre côté, les proches jouent un rôle très important dans le traitement des patients car ils doivent les soutenir au quotidien pour passer les étapes de la thérapie», résume le Dr Charles Benoy, coordinateur à la Rehaklinik de la prise en charge de patients atteints du syndrome de covid long. 

«Si on perd la famille, si on perd le soutien social qui est derrière, par exemple à cause d’un divorce ou de conflits, on voit une très nette aggravation de la condition du patient. C’est donc très important de prendre en charge les proches pour leur expliquer la maladie de façon à ce qu’ils comprennent le contexte social et pour les maintenir dans une bonne relation.»

Depuis février, à raison d’une fois par mois, l’équipe de la consultation spécialisée covid long de la Rehaklinik d’Ettelbruck organise des réunions d’information. Celles-ci ont pour objectif d’impliquer davantage les proches et les amis des patients atteints par la maladie, mais aussi de leur donner la parole pour qu’ils puissent exprimer leur souffrance. 

La parole aux familles

Ces événements, limités à quinze personnes, se déroulent en trois étapes. Dans un premier temps, les experts, dont le Dr Benoy, reviennent sur tout ce qu’on sait à l’heure actuelle sur le covid long. Puis, ils détaillent la thérapie réalisée auprès des malades. «C’est très important pour que l’acceptation soit là aussi à la maison. Si vous revenez à la maison et que vous dites : « On m’a dit à l’hôpital que je devais faire des pauses toutes les heures » et que votre conjoint vous répond : « Non, mais c’est n’importe quoi“, il ne va pas vous soutenir dans cette thérapie.»

Dans un troisième temps, la parole est donnée aux familles. Pour qu’elles mettent des mots sur leur souffrance et pour interconnecter les participants entre eux. L’équipe du Dr Benoy peut également réorienter certaines personnes vers des services spécifiques pour «qu’elles puissent trouver de l’aide dans leur souffrance».

Jerry et Eugénie ont participé à l’événement qui se déroulait le 6 mars au Zentrum fir Psychotherapie à Ettelbruck. «Ce genre de réunion est nécessaire. On comprend que l’on fait partie du processus de guérison et cela nous permet de nous sentir compris. Ça fait du bien d’entendre cela», expose Jerry. «Avec le temps, on a tendance à ne plus parler de notre quotidien et à l’oublier.»

3 plusieurs commentaires

  1. Bien entendu, on ne peut que soutenir moralement les gens qui souffrent, comme cette femme.
    Néanmoins la question se pose de savoir s’ils ont été soignés dès le début de leur covid.
    Leur a-t-on proposé de l’Ivermectine? ou du couple hydroxycholoroquine/azythromycine?
    Ou juste du Doliprane ou, pire, rien du tout, si leur médecin de famille pensait qu’à cet âge, ils ne risquaient rien?
    Avaient-ils d’autres problèmes, comme le diabète ou autre?

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