Le projet «Spieglein Spieglein – miroir miroir» investit Esch et le Pays-Haut dans le cadre d’Esch 2022. Avec le geste du selfie, la photographe Jessica Theis amène le visiteur à se prêter à un jeu de reflets qui dépasse les frontières.
C’est un petit geste qui raconte beaucoup de nous. Un petit geste dont notre époque semble ne pas pouvoir, ni vouloir, se passer. Il peut être synonyme de souvenir ou preuve de narcissisme ; il peut aussi être une arme, au vu de l’importance de son utilisation quotidienne, depuis maintenant trois semaines, par le président ukrainien, Volodymyr Zelensky.
Réinvention moderne et ultrasimplifiée de l’autoportrait, le selfie occupe une place à part dans l’histoire récente de l’art, faisant passer une multitude de messages, depuis Andy Warhol et ses autoportraits nature ou «in drag» (les fameux Polaroids où l’artiste se travestit en femme) jusqu’aux mises en scène de Cindy Sherman ou l’arrestation photographiée d’Ai Weiwei.
C’est le selfie, donc, qui est au cœur de «Spieglein Spieglein – miroir miroir», projet artistique à la croisée de l’exposition itinérante, de l’installation urbaine et du projet participatif, et qui sera exposé, en même temps qu’il évoluera, tout au long de l’année dans le cadre d’Esch2022.
Un projet transfrontalier créé par la photographe luxembourgeoise Jessica Theis et qui explore par le seul geste du selfie les questions de l’identité et des frontières géographiques. Le concept est ludique et invite à la découverte de la région : à travers toute la ville d’Esch, et dans trois communes de la Communauté de communes Pays-Haut-Val-d’Alzette (CCPHVA), on trouve des cabines téléphoniques et boxes en bois.
À l’intérieur, l’artiste a installé un miroir et, par-dessus, un selfie – duquel elle s’est gommée, laissant une silhouette transparente – qui renvoie un paysage différent de celui sur lequel est installée la cabine.
Ainsi, le visiteur a l’impression d’être dans deux lieux en même temps, et des deux côtés de la frontière : les cabines installées au Grand-Duché réfléchissent des paysages français et vice versa.
«Exposition définitive»
«Le miroir est un outil que j’ai souvent utilisé dans mon travail», indique Jessica Theis, qui a commencé à développer ce projet après qu’elle a fondé son propre studio photo en 2016. Avec une question fondamentale : «Pourquoi sommes-nous fascinés par notre propre image ?», demande-t-elle.
Plutôt que de tenter d’y répondre avec des mots, l’artiste nous incite à trouver notre propre réponse à l’intérieur même des cabines, plaçant le visiteur dans un espace à la fois réel et impalpable.
À l’instar de «1001 Tonnen», le second projet de Jessica Theis estampillé Esch2022, qui mêle réflexion artistique et prise de conscience écologique, «Spieglein Spieglein – miroir miroir» est profondément lié aux endroits où elle s’est implantée.
Dès à présent, et jusqu’au mois de mai, ce sont 15 cabines et boxes qui sont installées dans toute la ville d’Esch, de Belval jusqu’à la réserve naturelle Ellergronn; cinq autres ont pris leurs quartiers de l’autre côté de la frontière, à Aumetz, Ottange et Boulange.
«À Esch comme en France, j’ai choisi d’installer ces cabines à selfie là où vivent les gens», affirme la photographe. «Il était évident que je devais apporter ce projet au plus près des habitants, de façon à dépasser le statut de « lieu d’exposition »», ajoute-t-elle.
Je devais apporter ce projet au plus près des habitants
L’essence même du projet étant de traverser les frontières physiques, l’exposition ne s’arrête pas aux installations imaginées par Jessica Theis : le visiteur est invité à partager ses autoportraits sur les pages Instagram et Facebook du projet, avec le hashtag #spiegleinspiegleinmiroirmiroir.
Ainsi, complète la photographe, «il fait partie de l’exposition en ligne», qui s’agrandit en temps réel, au fur et à mesure que de nouveaux clichés s’ajoutent sur les réseaux sociaux. Mais il y a plus : «Je collectionne tous les selfies qui sont postés sur les réseaux; ceux-ci feront partie de l’exposition définitive qui se tiendra le 8 décembre», à l’espace H2O de Differdange, explique encore Jessica Theis.
Le projet «Spieglein Spieglein – miroir miroir» est actuellement installé à Esch, Aumetz, Ottange et Boulange. À partir de juin et jusqu’au mois d’août, il prendra ses quartiers à Schifflange (pour la partie luxembourgeoise) ainsi qu’à Audun-le-Tiche, Rédange et Russange (pour la partie française).
Enfin, de septembre à novembre, il se déplacera à Differdange et Thil, Villerupt et Audun-le-Tiche, chaque fois avec de nouveaux «selfies-miroirs», portant le nombre de photos réalisées par Jessica Theis et exposées dans les cabines à soixante. Tout un programme.